Au Soudan du Sud, l’éducation ne devrait pas être interrompue à cause du conflit
Depuis 2010, l'Africa Educational Trust (AET) a dirigé un programme interactif d'apprentissage radiophonique, appelé Speak-Up, visant à accroître les possibilités d'apprentissage des jeunes et adultes dont la scolarisation a été interrompue, souvent en raison de conflits en cours.
05 septembre 2017 par Jonathan Coxall, Africa Educational Trust
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Lecture : 9 minutes
Des élèves de l'école de Kapuri au Soudan du sud. Crédit: UN Photo/JC McIlwaine
Des élèves de l'école de Kapuri au Soudan du sud

Suite à la déclaration de son indépendance en 2011, le Soudan du Sud a présenté une stratégie détaillée pour augmenter le niveau d’éducation dans l’ensemble du pays. Cependant, la reprise des conflits, la crise économique et à présent, la famine, ont entravé la plupart des plans prévus.

Désormais face à un manque de financement chronique et à l’instabilité, nombreuses sont les initiatives identifiées qui sont négligées, en particulier celles destinées aux jeunes et aux adultes.

Le défi de l’éducation en période de conflit

Il est toutefois totalement pertinent de poursuivre certaines de ces initiatives dans un contexte d’urgence, en particulier l'instruction radiophonique interactive (IRI). L’IRI est un des cinq piliers de la stratégie d’éducation pour adultes afin de remédier au niveau élevé d'analphabétisme qui continue de miner le pays.

En effet, le taux d’alphabétisme des adultes est actuellement de 27 %, et compte tenu du fait que 75 % des enfants en âge de fréquenter l'école au Soudan du Sud ne bénéficient présentement d'aucun enseignement, pourcentage le plus élevé au monde, la prochaine génération continuera d'être confrontée à un faible niveau d'éducation.

Les leçons radiophoniques offrent de nombreux avantages

Depuis 2010, Africa Educational Trust (AET) mène un programme d’IRI intitulé Speak-Up, qui vise à augmenter les opportunités d’apprentissage pour les jeunes et les adultes dont l'enseignement s'est interrompu ou qui ont abandonné l'école, souvent pour cause de conflit.

Speak-Up consiste en un cours de six mois qui propose des leçons bi-hebdomadaires en adoptant deux approches. Tout d’abord, afin d’optimiser leur portée, les leçons sont fournies aux stations de radio locales pour être diffusées sur une période de six mois. Ensuite, pour garantir la qualité de la prestation, AET organise des cours enregistrés dans lesquels les enseignants guident les participants dans leur leçon en utilisant des enregistrements mp3. Tous les participants des cours enregistrés passent des examens à la fin des cours et se voient remettre un certificat de validation du programme.

Cette approche reste possible dans un contexte d'urgence pour les raisons suivantes :

  1. les leçons diffusées à la radio permettent aux gens d’accéder à un enseignement tout en étant en sécurité chez eux,
  2. Les groupes de tutorat sont flexibles en termes de localisation et de calendrier,
  3. Les leçons enregistrées guident les formateurs, réduisant ainsi la nécessité d'enseignants expérimentés.

Le contenu éducatif de Speak-Up reste également tout à fait pertinent dans ce contexte. L’objectif éducatif du programme est d'augmenter les compétences linguistiques en anglais des élèves jeunes adultes et adultes, en particulier des groupes vulnérables jusqu'à présent défavorisés en matière d'accès à l'éducation, notamment les femmes, les communautés déplacées internes et les personnes handicapées.

Le développement des compétences linguistiques en anglais est essentiel : il s’agit en effet de veiller à ce que le pouvoir, dans ce nouveau pays, ne soit pas concentré dans les mains d’une élite, comme ce fut jadis le cas. Ceci est d’autant plus important que le conflit et l'agitation qui minent le pays depuis 2013 sont de plus en plus marqués par des références ethniques.

Une forte demande de programmes d’enseignement alternatifs

Le contenu du programme vise également à stimuler la discussion sur les questions locales pertinentes et à promouvoir la tolérance et la compréhension entre les différents groupes ethniques.

Ceci ne signifie pas que Speak-Up ne connaît pas de difficultés. Bien que le programme fût conçu pour les jeunes et les adultes ayant achevé quatre ans de scolarité primaire, les classes comprenaient souvent des élèves du primaire tentant de rattraper des leçons aux côtés d'adultes ayant un niveau d'études plus élevé et cherchant à rafraîchir leurs connaissances en anglais.

La variété de niveaux au sein d’une classe complique les choses pour les instructeurs, dont bon nombre sont novices dans ce type d’approche davantage interactive inhérente aux programmes d’enseignement radiophonique. La pénurie d’enseignants formés dans l’ensemble du Soudan du Sud est exacerbée par le conflit, ce qui signifie que des enseignants moins expérimentés enseignent les classes du programme Speak-Up et ont besoin de formation et de soutien pour instruire des leçons de qualité.

Relever les défis dans un pays déchiré par le conflit

Par ailleurs, si les programmes radiophoniques permettent de surmonter bon nombre des obstacles logistiques pour offrir des services éducatifs en temps de conflit, ils ne peuvent évidemment pas tous les éliminer. Il reste à former et équiper les enseignants de guides pédagogiques, ainsi que de postes de radio/mp3 à énergie solaire.

Chaque élève participant aux classes certifiées doit également être équipé d’un manuel et passer l’examen final. Le conflit peut perturber tous ces processus, retarder les dates de démarrage ou faire traîner le calendrier des cours.

Toutefois globalement, malgré ces difficultés, Speak-Up poursuit avec succès son objectif éducatif. Le taux de réussite aux examens était de 85 %, et les élèves reconnaissent une véritable valeur au certificat, qui les aide à trouver un emploi ou à poursuivre leurs études.

Promouvoir la résilience et le redressement du Soudan du Sud

Nous observons également que les élèves rapportent leurs manuels chez eux pour en partager le contenu avec leur famille et leurs amis. Le programme suscite un tel intérêt que les personnes non inscrites au programme restent souvent debout à l’extérieur des classes pour écouter les leçons. Il a également été rapporté que les enfants des écoles primaires eux aussi écoutaient et assistaient aux cours, ce qui stimule leur scolarité et les maintient dans un contexte d'apprentissage malgré la suspension ou l’arrêt de l’enseignement scolaire.

Le programme Speak-Up ne remplace pas la solidité d’un système éducatif officiel, mais apporte des avantages bénéfiques à l’ensemble du système. Il offre une précieuse opportunité d'éducation aux personnes qui ont quitté ou abandonné l'école.

Des programmes tels que Speak-Up peuvent perdurer si nous mettons en place les ressources nécessaires. Ils sont essentiels pour promouvoir la résilience et le redressement au Soudan du Sud. Après tout, le peuple du pays continue de définir l’éducation comme une priorité essentielle, juste après la sécurité nationale et la liberté. Nous nous devons de répondre à ses attentes. 

Bibliographie

Alternative Education Systems Thematic Working Group. (2013) ‘Making plans: Setting AES policy and direction for South Sudan’, Alternative Education Systems Thematic Working Group Meeting, Juba, 20th-21st March 2013

Service des langues nationales. (2009) Implementation Guidelines and National Strategy for the Southern Sudan Languages and Education Policy, Juba: Ministry of Education Science and Technology.

Hammond, Hollyn Hammond and Kathryn Ziga, “Final Evaluation of Speak-Up 2011-2013”

N’jdamena (2017) “News Note: 25 million children out of school in conflict zones” UNICEF, Chad/Dakar/New York, 24 April 2017

Simpson, Robert (2013) “Can Interactive Radio Instruction turn Post-Conflict educational challenges into opportunities? A Case Study of the ‘Speak Up!’ English language Programme, South Sudan”, Liverpool School of Tropical Medicine.

South Sudan Education Cluster (2017) ‘Education Cannot Wait for the War to End:

The role of education in saving lives and averting the loss of another generation in South Sudan’ Juba, 2017.

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