Haïti : Brèves du terrain

Suivez une mission du Partenariat mondial en Haïti, où nous avons pris part au projet d'éducation de base en visitant des écoles et en rencontrant nos partenaires.

26 janvier 2015 par Chantal Rigaud, GPE Secretariat
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Lecture : 17 minutes
Une fille et un garçon devant à l’école Saint-Martin à Hinche, Haiti  (c) Chantal Rigaud/GPE

Arrivée jeudi dernier à Port-au-Prince, je m’apprête à passer une semaine de mission passionnante en compagnie de Jeff Ramin, Chargé des opérations du Partenariat mondial pour l'éducation en Haïti, et Alice Albright, la Directrice générale. Membre du Partenariat mondial depuis 2008, Haïti a reçu un total de 46,1 millions $US de financements. L’objectif de notre voyage, le projet « L’Éducation pour tous », projet sur l'éducation de base conjointement financé par la Banque mondiale, la Banque de développement des Caraïbes, le Fonds pour la reconstruction d'Haïti (Canada) et le Partenariat mondial pour l’éducation.

Au cours de cette semaine, nous visiterons des écoles, assisterons à des réunions et saisirons quelques instants à partager avec vous sur la façon dont est organisé le secteur de l'éducation en Haïti. Suivez-nous tout au long de cette semaine sur ce blog.

Chantal Rigaud à Pétionville, Haïti (c) GPE

Je me tiens devant les bureaux de l’EPT où se sont tenues les réunions

Premier jour : des salles de réunions aux écoles

En Haïti, comme dans tout pays en développement, l'éducation est essentielle à la lutte contre la pauvreté et pour le développement. Inutile d’en convaincre les parents haïtiens, qui consacrent 10 % des dépenses de leur ménage à la scolarisation de leurs enfants. La vaste majorité des enfants (90 %) fréquente l’école primaire. Mais nombreux sont trop âgés pour ce cycle, et trop nombreux sont ceux qui n’apprennent pas suffisamment à l’école.

Edzer Suplice et Germain Charles Volvik à Pétionville, Haïti Chantal Rigaud/GPE

Etzer Suplice, Responsable du programme scolaire communautaire du projet Éducation pour tous et Germain Charles Volvik, Chargé de la direction du soutien à l’enseignement privé et au partenariat du Ministère de l’Éducation, échangent des idées lors de la réunion.

À Pétionville (banlieue de Port-au-Prince), où sont situés les bureaux de l’Éducation pour tous, 16 partenaires travaillent d’arrache-pied autour de la table : examen des budgets, définition des termes de référence et des indicateurs de suivi, préparation des ateliers. L’équipe du projet de l’« Éducation pour tous » (EPT, comme ils se dénomment eux-mêmes) comprend du personnel du Ministère de l'Éducation et des partenaires de développement. La discussion porte essentiellement sur la composante du projet qui vise la construction de 80 écoles publiques devant être gérées par les communautés dans les zones isolées du pays, où n’existe actuellement aucune école.

Un panneau à l'entrée de la réunion EPT à Pétionville, Haïti (c) Chantal Rigaud/GPE

"Frappez avant d'entrer", rappelle ce panneau durant la réunion EPT

Les collègues de la Banque mondiale, responsables de la supervision des fonds du projet, mènent la discussion, qui aborde de nombreux points difficiles, notamment :

  • Comment une école communautaire peut-elle fournir une preuve d’achat lorsqu’elle achète une boîte de craie auprès d'un petit commerçant ?
  • Comment garantir que les écoles récemment construites soient inspectées lorsque les inspecteurs sont occupés ailleurs et non disponibles ?
  • Comment trouver une solution pour les enseignants qui travaillent depuis le début de l'année scolaire sans contrat, sans rémunération, et qui se sont récemment mis en grève ?
  • Doit-on considérer la mise en place de classes à plusieurs niveaux pour les enfants d’âges différents des communautés locales ?
  • Et une question plus pressante : comment compenser la perte de financement pour le projet due à l’appréciation du dollar ?
Le Ministre de l’Éducation et de la Formation, M. Nesmy Manigat, avec des collègues au cours d'une réunion EPT meeting à Pétionville, Haïti (c) Chantal Rigaud/GPE

Le Ministre de l’Éducation et de la Formation, M. Nesmy Manigat (en rouge)

Le Ministre de l’Éducation et de la Formation, M. Nesmy Manigat, a rencontré le représentant du Partenariat mondial pour l’éducation chargé des opérations en Haïti, M. Jeff Ramin, pour discuter des avancées et perspectives du système éducatif haïtien, notamment des mesures prises par le Ministère pour l’amélioration de la qualité dans le système de l’enseignement non public, qui représente 80 % des 20 000 écoles du pays (estimation), et de meilleures conditions pour les 200 000 enseignants du pays. Il a indiqué que 16,5 % du budget national était actuellement alloué à l’éducation, et que l'objectif était d'augmenter cette part jusqu'à 20 % dans les prochaines années.

Brève 2 : Le leadership des communautés peut transformer les écoles

Aujourd’hui, nous nous sommes rendus à Nancroix, communauté rurale isolée non loin de la frontière de la République dominicaine. La communauté a installé une école de fortune au sommet d'une colline, où cinq enseignants, eux-mêmes ayant reçu une éducation succincte, s’occupent de gérer les classes bondées. Mais l’éducation de ces enfants est primordiale pour la communauté, et ses membres font tout ce qu’ils peuvent pour que les enfants suivent un enseignement.

Réunion communautaire dans une structure de fortune à Nancroix, Haïti (c) Chantal Rigaud/GPE

La structure de fortune de l’école actuelle de Nancroix abrite une réunion communautaire.

Avec l’aide d‘un organisateur communautaire recruté par le ministère de l'éducation, la communauté a préparé et présenté son dossier au gouvernement pour recevoir des fonds en vue de construire une école publique dans le village. La proposition a été retenue. Un des anciens a cédé un grand terrain où pourra être bâtie l’école qui devrait accueillir 250 enfants. Avant que la construction ne puisse démarrer, il reste à enregistrer le titre foncier et à effectuer le transfert des fonds à la communauté. Les habitants espèrent pouvoir ouvrir l’école en septembre 2015.

René Theleusma, organisateur communautaire, à Nancroix, Haiti (c) Chantal Rigaud/GPE

René Theleusma, organisateur communautaire, a aidé les habitants du village à préparer la proposition de projet pour obtenir auprès du Ministère de l’Éducation le financement d’une nouvelle école.

Personnes attendant devant un terrain à Nancroix, Haïti (c) Chantal Rigaud/GPE

Le grand terrain en arrière-plan est le site de la future école.

Des parents et leurs enfants lors d'une réunion communautaire à Nancroix, Haïti (c) Chantal Rigaud/GPE

Partout, les parents souhaitent le meilleur pour leurs enfants, mais la conviction absolue des habitants d’Haïti que l’éducation est une chose essentielle m'a véritablement frappée.

Brève 3 : une formation accélérée des enseignants pour le bénéfice de tous

À Hinche, l’école catholique Saint-Martin de Porrès est dirigée par Sœur Augusta et deux autres religieuses. Elle accueille 385 élèves de la maternelle à la fin du cycle primaire. L’école est financée par les frais d'inscription (de 108 $ à 160 $ par an selon le niveau) et les déjeuners sont fournis par une ONG. Dans cette école, deux nouvelles enseignantes ont bénéficié du programme de formation accélérée des enseignants, qui leur a permis de se certifier en deux ans, au lieu des trois ans normalement requis. Ici, les enseignants sont rémunérés 7500 gourdes par mois (environ 165 $).

Sœur Augusta nous accueillant dans son école c) Chantal Rigaud/GPE

Sœur Augusta nous accueille dans son école avec un chaleureux sourire, fière de nous montrer les classes et de nous expliquer le fonctionnement de l’école.

Marie Chelda Joseph et Ketline Rarelien, deux enseignantes de l’école Saint-Martin.  (c) Chantal Rigaud/GPE

Marie Chelda Joseph et Ketline Rarelien sont deux enseignantes de l’école Saint-Martin. Avec le programme Éducation pour tous, elles ont été certifiées plus rapidement grâce à une formation accélérée.

Elèves dans une classe de CM2 (5ème année) à l’école Saint-Martin à Hinche, Haïti  (c) Chantal Rigaud/GPE

Une salle de classe de CM2 (5ème année) à l’école Saint-Martin.

Une fillette et un garçon devant la section maternelle de l’école. (c) Chantal Rigaud/GPE

Une fillette et un garçon devant la section maternelle de l’école.

Brève 4 : Qu’entend-on par établissements « non-publics » en Haïti ?

Avant de venir en Haïti, je ne comprenais pas ce que l'on entendait par le terme «non-public» pour décrire les écoles ici. Nous comprenons tous que les écoles publiques sont des établissements d'enseignement financés et gérés sous l'autorité du gouvernement, où les enfants reçoivent une éducation gratuite par des enseignants certifiés (dans la plupart des cas). Mais qu’entend-on par école « non-publique »?

Haïti compte environ 20 000 écoles, dont 80% sont des établissements «non-publics». Le ministère de l'éducation les définit comme des « établissements financés par des fonds privés et gérés par une ou plusieurs personnes, offrant une éducation gratuite ou payante aux enfants ».

École nationale Charles Belair à Fond Verrette, Haïti (c) Chantal Rigaud/GPE

École nationale Charles Belair (publique) à Fond Verrette

Pourquoi autant d’écoles non-publiques ?

La raison est principalement due à la croissance démographique rapide en Haïti (de 5,7 millions en 1980 à plus de 10 millions en 2012. (Source : Banque Mondiale) et à l'incapacité de suivre de la part du secteur public. Le nombre d'écoles publiques est resté pratiquement constant à environ 1000 dans tout le pays depuis 1930 (chiffre de l'examen des dépenses publiques 2014 de la Banque mondiale), ce qui a amené le secteur non-public à se développer pour combler l'écart grandissant..

Les écoles non-publiques couvrent un large éventail d'établissements:

  • Les écoles religieuses (la plupart sont catholiques et protestantes). Elles sont affiliées à une église et parfois gérées par un prêtre ou une religieuse. Elles représentaient environ 50% des écoles non-publiques.
  • Les écoles communautaires, fondées et gérées par des groupes locaux, qui ont rassemblé des ressources pour garantir une éducation à leurs enfants.
  • Les écoles à but lucratif (environ 35% des écoles non-publiques).
  • Les «écoles du soir » sont des centres qui proposent des cours de rattrapage dans la soirée pour les enfants qui travaillent probablement pendant la journée.
  • On peut trouver diverses formes de ces options combinées, fonctionnant parfois de manière à avoir des rotations dans les options ou proposant des classes multigrades.
Une école de week-end propose des cours du soir (non-publique) à Port-au-Prince, Haïti (c) Chantal Rigaud/GPE

Une école de week-end propose des cours du soir (non-publique) à Port-au-Prince, Haïti

Ainsi, les options sont nombreuses, mais les niveaux inégaux et le suivi difficile. L'année dernière, le ministère de l'éducation a mis en place “ Les 12 mesures”, douze étapes destinées à améliorer la gestion du système éducatif. Une de ces mesures exige que toutes les écoles non-publiques obtiennent une carte d'identité et apportent des améliorations si nécessaire pour être plus en ligne avec les écoles publiques. Ceci est un pas dans la bonne direction.

École catholique de filles « École Notre Dame de l’Espoir » (Port au Prince) (c) Chantal Rigaud/GPE

École catholique de filles « École Notre Dame de l’Espoir » (Port au Prince)

Brève 5 : le déjeuner à l’école fait toute la différence

Plusieurs des écoles visitées cette semaine fournissent un repas chaud aux élèves pour le déjeuner. La plupart des élèves aiment le riz accompagné de sauce aux haricots, une spécialité de la cuisine haïtienne. Si le budget de l’école le permet, le plat principal peut être accompagné de viande, de poisson ou d’œufs, ainsi que d’un légume.

Marthe Richard, Directrice de l’école mixte de la Convention Baptiste de Hinche. (c) Chantal Rigaud/GPE

Marthe Richard, Directrice de l’école mixte de la Convention Baptiste de Hinche, nous montre le repas que ses élèves s’apprêtent à manger.

Dans certaines écoles, le déjeuner gratuit est possible grâce au financement de partenaires internationaux. Le nouveau financement du Partenariat mondial de l’éducation de 24,1 millions alloué à Haïti continuera de financer les repas dans les écoles qui ont été précédemment couverts par la Banque mondiale et l’AFD (Agence française de développement) et d’autres ONG, grâce au PNCS (Programme national de cantine scolaire) du Ministère de l’éducation. Environ 34 000 élèves bénéficieront de repas au cours des deux prochaines années grâce à ce financement du Partenariat mondial, et potentiellement plus encore si le minstère décide d'allouer encore plus de fonds à cette action.

Magasins d'alimentation à l'école Mère St Alvire à Saint Marc, Haïti (c) Chantal Rigaud/GPE

À l’école Mère St Alvire de Saint-Marc, la zone de stockage des aliments est bien approvisionnée en farine, huile, gousses de vanille, hareng et, bien sûr, en riz.

Nous avons été accompagnés, lors de notre visite, par Kerby Jules, Directeur des programmes départementaux du PNCS, venu s’assurer de la conformité des processus, des fournisseurs jusqu’à l’école.

Sœur Lucie, Directrice de l’école St Alvire, discute avec Kerby Jules, du PNCS.  (c) Chantal Rigaud/GPE

Sœur Lucie, Directrice de l’école St Alvire, discute avec Kerby Jules, du PNCS. « L’aide que nous avons reçue nous a permis d’améliorer grandement la qualité de la nourriture que nous servons » a-t-elle déclaré.”.

Le programme d’alimentation de l’école est conçu pour offrir des portions nourrissantes appropriées à l’âge des enfants et préparées par des cuisiniers formés (équivalentes à 1 200 calories par enfant). Dans les écoles que nous avons visitées, le déjeuner est servi entre 9 h (pour les écoles ayant de nombreux élèves et une petite cantine, qui doivent effectuer plusieurs services) et 12 h. Dans les petites écoles, les élèves mangent généralement leur repas à leur pupitre.

La cuisine de l’école Christ-Roi de Port-au-Prince (c) Chantal Rigaud/GPE

Voici la cuisine de l’école Christ-Roi de Port-au-Prince. L’alimentation des fourneaux en gaz propane est chose peu commune, et la plupart des autres écoles que nous avons visitées utilisent du charbon et du bois pour la préparation des repas. Le programme EPT va lancer bientôt une étude sur l’utilisation de fourneaux plus performants sur le plan énergétique.

Brève 6 : un programme innovant d’apprentissage de la lecture

Le manuel Map Li, Haïti (c) Chantal Rigaud/GPE

Map li nèt ale signifie « Je lis tout ».

Le programme, conçu et financé par USAID et la Banque mondiale, aborde l’apprentissage de la lecture grâce à une nouvelle approche dans la langue maternelle des enfants, le Créole. Généralement, la plupart des écoles en Haïti pratiquent l’enseignement en français, qui est la deuxième langue officielle. Nous savons cependant tous combien il est important d’enseigner aux enfants dans leur langue maternelle.

Le programme d’apprentissage de la lecture Map Li offre un cours complet d'instruction de la lecture pour la première année d'école accompagné par guide complémentaire. En classe, l'enseignant est aidé par un assistant formé afin de s'assurer que les enfants suivent bien toutes les étapes de l'apprentissage sans accumuler de retard.

Une leçon du manuel Map Li, Haïti d'USAID, Haïti (c) Chantal Rigaud/GPE

Une des premières leçons du manuel sur le son « a »

L’objectif est de tester le programme tout d'abord dans quelques établissements et d'évaluer son impact à l'issue d'une année par comparaison avec des écoles témoins où l'apprentissage de la lecture est resté classique. Les résultats permettront aux partenaires de l’éducation et au Ministère de l’éducation, de décider si cette approche peut être étendue à d’autres écoles et doit être poursuivie en deuxième année. Le programme étant exigeant en ressources et le budget du pays consacré à l'éducation étant limité, il serait nécessaire d’adapter Map Li pour pouvoir l’étendre à un plus grand nombre d’écoles.

Une classe dans le collège mixte Joinvil de Port-au-Prince, Haïti, avec une assistante de l'enseignant (c) Chantal Rigaud/GPE

Dans le collège mixte Joinvil de Port-au-Prince, les élèves de première année apprennent à lire grâce au programme Map li nèt ale. Une assistante de l’enseignant se déplace dans la classe pour aider les élèves.

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Commentaires

Bravo a tous les partenaires . Mais aussi aux parents qui font tout pour que leurs enfants s'instruisent .

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