La violence liée au genre en milieu scolaire constitue un obstacle majeur à la qualité de l’éducation
Un nouveau document de l'équipe du Rapport mondial de suivi de l'éducation pour tous, de l'UNESCO et de UNGEI démontre que la violence liée au genre en milieu scolaire empêche des millions d'enfants, surtout des filles, d'exercer leur droit à l'éducation.
15 mai 2015 par Kate Jere, UNESCO
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Lecture : 7 minutes
Elèves au Collège Mixte Joinvil à Port au Prince. Credit: GPE/Chantal Rigaud

L’éducation est essentielle pour l’émancipation et la transformation de la vie des jeunes, et pourtant, un nouveau document politique du Rapport mondial de suivi de l’EPT, de l’UNESCO et de l’UNGEI soutient que la violence liée au genre en milieu scolaire empêche des millions d'enfants, en particulier des filles, d'exercer leur droit à bénéficier d'une éducation de bonne qualité dans un environnement sécurisé et inclusif.

La violence liée au genre en milieu scolaire (VLGMS) comprend les violences sexuelles, physiques et psychologiques se produisant au sein de l'établissement scolaire et sur le trajet école-domicile. Ces violences sont le fruit de stéréotypes liés au genre, de pratiques discriminatoires et de relations d'inégalité entre les sexes. Il s’agit de menaces explicites ou d’actes de violence physique, de brutalités, de harcèlement sexuel ou verbal, d’attouchements non consentis, de coercition et d’agression sexuelles et de viol. Les châtiments corporels et la discipline au sein des établissements scolaires se manifestent souvent de façon très sexiste. Et l’accès sans précédent aux technologies de l’information et de la communication a généré de nouvelles formes d’intimidation, de cyber-harcèlement et de harcèlement sexuel.

La violence à l’école affecte l’apprentissage des filles comme des garçons

Même si garçons et filles peuvent être victimes et auteurs de VLGMS, les filles courent souvent un plus grand risque d’être victimes de violence sexuelle, tandis que les garçons sont plus souvent exposés aux châtiments corporels et au harcèlement. Les enseignants et le personnel scolaire – des partenaires importants pour traiter le problème de la VLGMS – peuvent aussi être des auteurs, agissant, dans certains cas, en toute impunité. Une législation peu appliquée, des politiques de protection de l’enfance inadéquates et des mécanismes de signalement faibles ou inexistants constituent des facteurs de vulnérabilité des enfants face à la VLGMS.

Ce type de violence a de graves conséquences sur la santé physique et mentale des enfants, ainsi que sur leur bien-être. Des études montrent qu’elle a un impact négatif sur l'apprentissage, la fréquentation scolaire et l'achèvement des cycles d'enseignement. La nouvelle analyse présentée dans notre document montre que le harcèlement affecte, chez les garçons et les filles, la capacité de maîtrise des compétences de base en numératie.

La violence sexuelle est une forme de VLGMS extrêmement destructrice qui contribue à la faible performance et au décrochage scolaire des filles. Les grossesses subies à la suite de coercition sexuelle et de viol marquent effectivement la fin de leur éducation dans de nombreux pays.

Tandis que la sensibilisation et la reconnaissance de la VLGMS ont progressé ces dernières années, nous ignorons encore l’étendue du problème et de ses impacts. Il y a un manque de données internationales fiables sur les différentes formes de VLGMS, et sur la violence sexuelle en particulier.

Les faits probants au sein des pays et entre les pays sont inégaux et incomplets. Les enquêtes transnationales et les évaluations des apprentissages qui recueillent des données sur la violence en milieu scolaire se concentrent généralement sur la violence physique et le harcèlement, et n’adoptent pas toujours une perspective liée à la dimension de genre.

Les données et les études manquent pour évaluer l'étendue du problème de la VLGMS

L’enquête du Consortium d'Afrique australe et orientale pour le suivi de la qualité de l'éducation (SACMEQ) III est la seule évaluation régionale ou internationale à ce jour comprenant des données comparables sur l'incidence de la violence sexuelle dans les établissements scolaires. Notre analyse des données du SACMEQ III montre des niveaux élevés de harcèlement sexuel dans les établissements de la majorité des 15 pays participant à l'enquête, les auteurs étant soit des élèves, soit des enseignants. En moyenne, 41 % des directeurs ont déclaré des faits de harcèlement sexuel entre élèves dans leur établissement, et dans 11 pays, plus de 30 % ont signalé des faits de harcèlement sexuel d’élèves par des enseignants.

Des enquêtes et des études de moindre envergure dans d’autres régions dressent un tableau fragmenté mais tout aussi préoccupant. Au Royaume-Uni, on estime qu’un tiers des élèves de 16 à 18 ans subissent des attouchements sexuels non consentis à l'école. Aux Pays-Bas, 27 % des élèves ont signalé des faits de harcèlement sexuel de la part du personnel scolaire, et une récente étude en Indonésie a conclu que 12 % des filles comme des garçons avaient été victimes de violence sexuelle à l’école.

De sérieux obstacles entravent cependant la documentation de ces violences dans de nombreux pays, et les tabous sociaux et la crainte des répercussions empêchent souvent les enfants de les signaler.

Comprendre le contexte de la VLGMS est essentiel pour développer les stratégies de lutte appropriées face au problème. La pauvreté chronique et l’instabilité des conditions de vie augmentent la vulnérabilité des filles à la violence sexuelle et à l’exploitation. En Sierra Leone, par exemple, certaines filles qui ne peuvent payer leur frais de scolarité, sont contraintes à des rapports sexuels avec leur enseignant de sexe masculin.

Notre analyse des données du SACMEQ III montre qu’au Kenya – où près de la moitié des directeurs d'établissement ont signalé des faits de harcèlement sexuel entre élèves – l’incidence du harcèlement sexuel était supérieure de 40 % dans les établissements des communautés les plus pauvres, par rapport à ceux desservant les plus favorisées. La relation entre pauvreté, violence et inégalité des sexes est pourtant loin d'être évidente. Dans plusieurs des autres pays étudiés, les signalements de harcèlement des élèves par des enseignants étaient plus fréquents dans les établissements les plus aisés.

Les situations de conflit et d’urgence créent un plus grand risque de VLGMS

Les faits montrent que les enfants déjà victimes de marginalisation et de discrimination courent un plus grand risque de VLGMS, ce qui entrave encore davantage leur droit à une éducation inclusive de bonne qualité. Une étude récente sur plus de 3 700 enfants d’écoles primaires en Ouganda constate que 24 % des filles en situation de handicap ont signalé des faits de violence sexuelle en milieu scolaire, comparé à 12 % des filles ne souffrant d’aucun handicap. Dans une enquête nationale aux États-Unis, deux-tiers des élèves lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres âgés de 13 à 20 ans ont signalé des faits de harcèlement sexuel en milieu scolaire.

La VLGMS est amplifiée dans les contextes de conflit et d’urgence, où la violence sexuelle est généralisée. Dans des pays tels que l’Afghanistan, le Pakistan, et la Papouasie-Nouvelle-Guinée, la crainte liée à la sécurité des filles a conduit les parents à retirer celles-ci de l’école. Les filles vivant dans des communautés déplacées suite à des conflits ou des crises humanitaires sont particulièrement vulnérables face aux abus. Un rapport récent de UNHCR/Save the Children R.-U. a révélé l’exploitation sexuelle généralisée des filles libériennes par les enseignants des camps de réfugiés en Guinée. L’héritage de la violence liée au genre dans les pays touchés par un conflit est dangereux. Dans une étude de 2012 au Libéria, près de la moitié des garçons et un tiers des filles étaient d’accord pour dire que la violence sexuelle faisait partie intégrante des relations.

Des solutions multiformes sont nécessaires pour s’attaquer au problème de la VLGMS

Le nouveau document politique du RMS souligne la nécessité d’une approche coordonnée, multiforme et à plusieurs niveaux pour lutter contre la violence dans les écoles. Des solutions efficaces nécessiteront des stratégies à long terme de prévention de la VLGMS, associées à des mécanismes de réponse, de protection des victimes et de responsabilisation.

Un engagement et un leadership clair sont nécessaires pour intégrer la VLGMS dans les politiques et les actions des pouvoirs publics, et une véritable collaboration intersectorielle comprenant l'éducation, la santé et la protection de l’enfance est essentielle. La récente résolution de l’UNESCO “Apprendre sans peur” constitue une importante avancée. La VLGMS doit être également clairement reconnue dans le cadre des Objectifs de développement durable post-2015. Des indicateurs doivent être définis et acceptés avant d'être inclus dans les efforts entrepris en matière d'équité dans le cadre des cibles éducatives, et un suivi doit être effectué pour parvenir à un environnement scolaire sécurisé, inclusif et non violent.

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