Somaliland : protéger l’éducation des enfants en période de sécheresse

 In Somaliland, consecutive failed rainy seasons have led to high numbers of people being on the move in search of food and water—with increased numbers of children out of school. Credit: GPE/AP
Audio file

Points clés

  • Cinq saisons de pluies consécutives sans précipitations ont poussé de nombreuses personnes à se déplacer en quête de nourriture et d’eau - et entrainé une augmentation du nombre d’enfants non scolarisés.
  • Pendant les situations d’urgence, les écoles peuvent servir de plateforme pour apporter aux enfants une réponse intégrée aux situations d’urgence, permettant de leur dispenser une éducation et de leur fournir de la nourriture, de l’eau potable et des installations sanitaires.
  • Le programme, financé par le GPE, comprend un projet d’alimentation scolaire et permet de soutenir 300 écoles et d’assurer que les enfants des zones touchées par la sécheresse puissent retourner - et rester - à l’école.

Ce récit a été écrit en collaboration avec Save the Children Somaliland.

Khadar, le directeur de l’école primaire de Booldid dans la région de Maroodi Jeex, et ses élèves, ont été particulièrement touchés par les effets dévastateurs de l’une des pires sécheresses que le Somaliland ait connu depuis des décennies.

La perte des moyens de subsistance a empêché des parents et des responsables d’enfants d’envoyer leurs enfants à l’école, accablés par les coûts inabordables des uniformes, des fournitures scolaires et de la nourriture. Les enfants qui pouvaient retourner à l’école avaient du mal à se concentrer en raison de la faim et de la déshydratation.

« Les enfants ont dû faire face à de nombreux obstacles », indique Khadar. « C’est une communauté d’éleveurs de bétail et de petits agriculteurs à faible revenu. Quand la sécheresse a sévi, certains sont partis s’installer loin pour trouver de la nourriture et des pâturages, tandis que d’autres [qui sont restés] ne pouvaient plus aller à l’école. »

Certaines familles - comme celle de Hamda*, 13 ans et élève à l’école primaire de Booldid - ont pu rester dans leur village, mais non sans de grandes difficultés. Hamda a continué à aller à l’école mais devait parcourir de longues distances et a dû assumer plus de tâches ménagères pour aider sa famille.

13-year-old student Hamda in between lessons outside Booldid Primary School, 40 kilometres from the city of Hargeisa, in Somaliland. Credit: AP/GPE
« L’eau était si rare que nous devions parcourir de longues distances pour en trouver. Nous n’avions que très peu d’eau pour nos animaux. »
Hamda
13 ans, élève à l’école primaire de Booldid, dans la région de Maroodi Jeex
Student Hamda’s mother, Halima poses for a photograph near her home In the village of Abaar, 30 kilometres from the city of Hargeisa, in Somaliland, on May 30, 2023. Credit:GPE/AP
« C’était très difficile pour nous de nourrir notre bétail. Il n’y avait pas de fourrage donc il a fallu qu’on trouve de quoi les nourrir. Les vaches et les autres animaux dépendaient de nous. Nous avons dû faire plusieurs emprunts pour les sauver. »
Halima
Maman de Hamda
  • Vue aérienne de l'école primaire de Booldid, à 40 kilomètres de la ville d'Hargeisa, au Somaliland.

    Crédit : GPE/AP

  • Hamda et ses frères et sœurs transportant des jerrycans contenant de l'eau.

    Crédit : GPE/AP

  • Hamda (à gauche) puisant de l'eau avec sa sœur dans le village d'Abaar.

    Crédit : GPE/AP

Beaucoup de familles ont abandonné leurs maisons et entamé un voyage périlleux en quête d’eau, de nourriture et de pâturage, pour eux et leur bétail.

Cette migration a eu un impact important sur les enfants d’éleveurs qui, traditionnellement, ont un accès limité à l’éducation et ont besoin d’un soutien ciblé et de services spécialisés.

GPE Director for Save the Children Somaliland Hassan Suleiman Ahmed, poses for a photograph in Hargeisa, Somaliland, on May 31, 2023.  Credit: GPE/AP
« Dans les zones nomades se trouvent des installations rurales et lorsque les familles migrent vers des endroits où le pâturage est meilleur, elles se déplacent avec leurs enfants. Cela entraîne parfois la fermeture partielle ou totale des écoles. Les effets de la sécheresse sont considérables : elle entraîne non seulement la fermeture de plus d’écoles, mais aussi la malnutrition. Quand les enfants ont faim, leur apprentissage et leur concentration sont perturbés. Il en va de même pour les enseignants. Et lorsque leurs familles sont en difficulté, cela devient très difficile pour eux d’enseigner. »
Hassan Suleiman Ahmed
Directeur du programme GPE auprès de Save the Children
  • Hamda, surveille le bétail près de chez elle, dans le village d'Abaar, à 30 kilomètres de la ville d'Hargeisa, au Somaliland.

    Crédit : GPE/AP

  • Hamda (à gauche) et sa mère Halima (à droite) devant leur maison dans le village d'Abaar, à 30 kilomètres de la ville d'Hargeisa, au Somaliland.

    Crédit : GPE/AP

  • Hamda devant l'école primaire de Booldid.

    Crédit : GPE/AP

Les effets de la sécheresse sur l’éducation des enfants

Environ 60 % de la population du Somaliland dépend, directement ou indirectement, de l’élevage de bétail ou des produits dérivés de leurs élevages pour subsister.

En janvier 2022, le Comité national de lutte contre la sécheresse du Somaliland a estimé que plus de 800 000 personnes étaient touchées par une insécurité alimentaire aiguë et des pénuries d’eau provoquées par une succession de saisons des pluies sans précipitations.

La pénurie de nourriture et d’eau, en plus de la dévastation des moyens de subsistance, des migrations et de la malnutrition infantile croissante ont eu des effets néfastes sur l’éducation des enfants.

En janvier 2022, 74 écoles primaires situées dans les zones touchées par la sécheresse étaient fermées, affectant 5 966 élèves.

Là où les écoles sont restées ouvertes, les enfants ont arrêté de venir en classe de manière régulière, alors que d’autres ont complètement abandonné l’école dans les zones les plus sévèrement touchées.

Les difficultés persistantes d'accès à la nourriture et à l’eau les ont forcés à quitter les écoles, mettant leur développement en péril.

Headmaster, Khadar Mohamud Ibrahim, poses for a photograph in between lessons in Booldid Primary School. Credit: GPE/AP
« Pendant la sécheresse, les élèves venaient parfois en classe et parfois restaient chez eux. Lorsqu’ils venaient, ils n’y restaient pas toujours toute la journée et les enseignants les laissaient rentrer chez eux. »
Khadar
Directeur de l’école primaire de Booldid dans la région de Maroodi Jeex

Plus longtemps les enfants sont déscolarisés, plus probable il est qu’ils ne retourneront jamais à l’école.

Souvent les enfants déplacés, en particulier, ne retournent pas à l’école ou ne peuvent pas se réinscrire dans leur nouveau lieu de résidence faute de services éducatifs ou en raison de classes surchargées. Cela peut avoir un impact important sur leur avenir, limitant leurs opportunités et leurs revenus potentiels.

Les écoles peuvent devenir des havres de paix

En situations d’urgence, comme en temps de sécheresse, les écoles peuvent constituer un refuge et servir de plateforme pour apporter aux enfants une réponse intégrée aux situations d’urgences. En donnant la priorité au maintien de l'accès des enfants à l’éducation, on peut atténuer l’impact de crises telles que la sécheresse sur leur apprentissage et leur développement.

Les enfants non scolarisés sont exposés à des risques accrus de violences sexuelles, de travaux forcés et de mariages précoces. Les enfants touchés par la sécheresse souffrent aussi de malnutrition et de troubles psychologiques et ont besoin d’un soutien ciblé.

Grâce à un financement de 5,73 millions de dollars, mis en œuvre par Save the Children, le GPE contribue au soutien de 49 150 enfants de 300 écoles primaires situées dans les six régions principales du pays - Awdal, Maroodi Jeex, Sahil, Sanaag, Sool et Togdheer - et vise à apporter un soutien urgent et prioritaire aux écoles des communautés rurales dévastées par la sécheresse.

L’objectif principal du Programme d’intervention d’urgence pour l’éducation en situation de sécheresse, soutenu par le GPE, est de s’assurer que les enfants retournent à l’école, en favorisant un environnement d’apprentissage sûr et protecteur et en fournissant des repas scolaires, des manuels d’apprentissage et pédagogiques, de l’eau potable et des installations sanitaires.

  • Hamda, dans sa salle de classe à l'école primaire de Booldid pendant un cours. L’école est située à 40 kilomètres de la ville d'Hargeisa au Somaliland.

    Crédit : GPE/AP

  • Hamda et ses camarades de classe profitent d'une promenade entre les cours à l'école primaire de Booldid.

    Crédit : GPE/AP

  • Hamda (à gauche) et ses camarades de classe se lavent les mains.

    Crédit : GPE/AP

Director of the Ministry of Education and Science, Abdirizak Jana Nuur, in his office in Hargeisa, Somaliland. Credit: GPE/AP
« Le financement accéléré du GPE est intervenu à un moment très difficile : nous étions frappés par la sécheresse et les écoles rurales étaient fermées ou sur le point de fermer. Le financement a beaucoup aidé en fournissant notamment des manuels pédagogiques et d’apprentissage, de l’eau potable, des installations sanitaires et un soutien aux enseignants. »
Abdirizak Jama Nuur
Directeur général, ministère de l’Éducation et des Sciences
Student Hamda’s mother, Halima poses for a photograph near her home In the village of Abaar. Credit: GPE/AP
« Les repas scolaires sont importants pour les enfants et les aident beaucoup. Avant ce programme, nous devions préparer un déjeuner pour nos enfants ou leur donner de l'argent de poche, ce que nous ne pouvions pas toujours faire. Maintenant qu’il y a le programme de repas scolaires, les enfants se sentent mieux. Nous aimerions que cela continue. »
Halima
Maman d'Hamda

L’alimentation scolaire pour soutenir les enfants en situation de crise

Il a été démontré que l’alimentation scolaire a un impact significatif sur la rétention scolaire des enfants en situation d’urgence.

Le programme financé par le GPE s’est axé sur la distribution et l’approvisionnement en produits alimentaires provenant de fournisseurs locaux. 17 125 enfants, répartis sur 149 écoles identifiées comme étant les plus vulnérables et ayant le plus grand nombre d’enfants qui risquent d’abandonner l’école, en bénéficient.

En plus de cela, 100 écoles ont reçu du matériel de cuisine dont des casseroles, des louches, des assiettes et des tasses en inox. Le service d’alimentation scolaire repose sur les principes d’un véritable partenariat où les communautés locales s’occupent de faire la cuisine et de la servir aux élèves.

Headmaster, Khadar Mohamud Ibrahim, poses for a photograph in between lessons in Booldid Primary School. Credit: GPE/AP
« Avant le début du programme d’alimentation scolaire, l’école comptait 40 ou 50 élèves. Maintenant il y en a environ 120. Les élèves sont plus énergiques et dynamiques. Ils arrivent à rester en classe et suivre toutes les leçons. Ils sont également plus assidus. Ils arrivent à l’école joyeux et la quittent en ayant été nourris. Ce programme a fait une grande différence. »
Khadar
Directeur de l’école primaire de Booldidd dans la région de Maroodi Jeex

En complément de ces activités, le programme financé par le GPE a permis de former 96 comités éducatifs communautaires et enseignants sur la santé scolaire et la nutrition.

Ces interventions servent à améliorer le bien-être des enfants dans les écoles touchées par la sécheresse ainsi que les pratiques de santé et d'hygiène de l’ensemble de la communauté.

GPE Director for Save the Children Somaliland Hassan Suleiman Ahmed, poses for a photograph in Hargeisa. Credit: GPE/AP
« Les programmes d’alimentation scolaire sont importants parce qu’ils permettent aux écoles de rester ouvertes et soutiennent les enfants pour qu’ils restent scolarisés. La stratégie des repas scolaires est cruciale pour améliorer l'accès à l’éducation et réduire les abandons scolaires. C’est l’une des interventions clés que nous mettons en place pour promouvoir l'accès à une éducation de qualité pour tous. »
Hassan Suleiman Ahmed
Directeur du programme du GPE auprès de Save the Children
  • Des élèves recevant leur déjeuner à l'école primaire de Booldid, située à 40 kilomètres de la ville d'Hargeisa au Somaliland.

    Crédit : GPE/AP

  • Des élèves profitant de leur déjeuner dans une salle de classe de l’école primaire de Booldid.

    Crédit : GPE/AP

  • Une femme servant de la purée dans des tasses à l’école primaire de Booldid.

    Crédit : GPE/AP

  • Hamda (à gauche), déjeunant avec une amie devant l'école primaire de Booldid.

    Crédit : GPE/AP

Des interventions pour fournir un environnement d’apprentissage sûr

Parallèlement à l’alimentation scolaire, le programme du GPE a financé des interventions pour la mise en place d’infrastructure facilitant l’accès à l’eau, l’assainissement et l’hygiène (WASH), dont l’approvisionnement de 179 écoles en eau potable, la réhabilitation de 36 latrines scolaires, la construction de 29 nouvelles latrines et la remise en opération d’installations de stockage d’eau dans 60 écoles, notamment pour la récupération des eaux pluviales par les toitures.

En outre, 37 379 élèves vulnérables ont reçu des manuels scolaires, 24 600 livres de lecture ont été distribués et 96 classes ont été réhabilitées.

Grâce au soutien du GPE, toutes ces interventions contribuent à garantir que les filles et les garçons rendus vulnérables par la sécheresse au Somaliland continuent d’avoir accès à un environnement d’apprentissage sûr, favorable et protecteur.

*Le nom a été changé pour protéger sa vie privée.

13-year-old student Hamda in between lessons outside Booldid Primary School. Credit: GPE/AP
« Ma matière préférée est l’arabe. Plus tard, j’aimerais devenir enseignante. »
Hamda
Élève à l’école primaire de Booldid dans la région de Maroodi Jeex

Septembre 2023.