3 étapes pour aider les décideurs politiques à mesurer l’équité dans la planification nationale de l'éducation
Alors que les gouvernements visent à atteindre l'ODD 4 en mettant un accent particulier sur l'équité, la placent-ils véritablement au centre de leurs plans nationaux de l'éducation ?
28 juin 2018 par Pauline Rose, Research for Equitable Access and Learning Center, Benjamin Alcott, University of Cambridge's Research for Equitable Access and Learning (REAL) Centre, Ricardo Sabates, University of Cambridge, et Rodrigo Torres, OECD Directorate for Education and Skills
|
Lecture : 6 minutes
Des élèves dans une école au Zimbabwe. Crédit: GPE/Carine Durand
Des élèves dans une école au Zimbabwe.

En route vers la réalisation de l’Objectif de développement durable 4 (ODD 4) sur l’éducation, focalisé sur l'équité, les gouvernements intègrent-ils celle-ci au cœur de leurs plans sectoriels de l’éducation national ? Des recherches récentes suggèrent que la réponse est souvent négative, mais soulignent également des « exceptions honorables », des pays qui font le suivi de l'équité dans l'accès à l’éducation et l’apprentissage.

Dans le Manuel de mesure de l’équité en éducation, publié plus tôt dans l’année par l’Institut de la Statistique de l’UNESCO (ISU), nous avons exploré dans quelle mesure l’équité était captée par les indicateurs dans les plans sectoriels de l’éducation nationaux – le principal outil utilisé par les États pour planifier et mettre en œuvre les politiques éducatives. Notre objectif : proposer des conseils aux décideurs politiques lorsqu'ils sélectionnent les indicateurs et les aider à suivre les progrès.

Encore trop peu de données pour mesurer l’équité

Nous avons observé les plans de l’éducation nationaux de 75 pays, de toutes les régions, en s’attachant à l’accès et à l’apprentissage. Les résultats sont édifiants et renforcent le plaidoyer en faveur de davantage de données sur un plus grand ensemble de sujets, et le plus tôt possible dans l’enfance. Ils révèlent également des exemples positifs de pays qui font pression pour obtenir les données dont ils ont besoin, et qui proposent les enseignements à suivre pour d'autres.

En termes d’accès, les indicateurs les plus courants pour suivre les avancées ont trait à la participation et à l’achèvement à chaque niveau d’étude, souvent ventilés par sexe, mais peu proposent la ventilation par lieu, niveau de revenu, appartenance ethnique ou handicap. Il existe peu ou pas de données sur le décrochage ou les enfants qui redoublent, et peu de plans nationaux pour suivre le nombre d’enfants non scolarisés.

On remarque l’exception de la Somalie, avec un plan d’éducation national qui comprend des mesures pour ventiler les données sur la scolarisation non seulement par sexe, mais également par handicap, besoins spéciaux ou lieu. La Somalie a déjà mesuré certains de ces indicateurs par le passé et possède donc cette précieuse ressource – une référence – qui permet de produire des cibles plus précises.

En termes d’apprentissage, le manque d’indicateurs dans les plans sectoriels de l’éducation au niveau national est frappant, et lorsqu’on en trouve, ils font rarement référence à l’équité.

Seuls 28 pays sur 75 ont un indicateur pour l'apprentissage dans les dernières années d’enseignement primaire, et sur ces 28, cinq seulement ont des indicateurs pour l’équité dans l'apprentissage à ce niveau.

Seuls 23 des 75 plans examinés comprenaient des indicateurs pour l'apprentissage dans les premières années, bien que le suivi des progrès dans les premières années soit vital pour assurer le traitement des disparités bien avant qu’elles deviennent plus difficiles et coûteuses à traiter. De plus, sur ces 23 plans, seuls quatre comprennent des dimensions sur l'équité.

L’exception à la règle est ici l'Éthiopie. Son plan de 2015 suit les progrès en matière d'examens standardisés à différents niveaux d’études, mesure les acquis scolaires et fixe des cibles en termes d’équité en ventilant les mesures pour les garçons et les filles pour le « pourcentage d’élèves qui atteignent un niveau de 50 % et plus (note composite) dans l’Évaluation nationale des apprentissages (ENA) » parmi les élèves de 4e, 8e, 10e et 12e année séparément.

L’Éthiopie a également cette référence essentielle (25 % des élèves atteignant 50 % et plus en note composite à l’ENA en 2012), qui permet à l’État de fixer des cibles réalistes afin d’améliorer l’apprentissage dans le temps : 50 % des garçons et des filles devant atteindre 50 % et plus à l’ENA en 4e et 8e année d’ici 2017, et 50 % devant atteindre 50 % et plus en 10e et 12e année d’ici 2019.

La collecte de données sur l’équité est encore plus limitée pour le secondaire

Au niveau du secondaire, seuls 20 des 7 pays recueillent des données sur l’apprentissage, et seuls l’Éthiopie, le Mexique et la Somalie ventilent les données sur l’apprentissage selon une dimension d'équité, dans ce cas, le sexe.

La plupart des pays qui utilisent des indicateurs concernant l’apprentissage dans le cycle secondaire couvrent les mathématiques et la lecture dans la/les langue(s) principale(s) (dans les cas où on parle plus d’une langue).

La Malaisie et le Samoa sont des exceptions, car ils incluent l’anglais comme langue étrangère, tout comme la Guyane et le Niger, qui couvrent la science dans les examens nationaux. Là encore, l’Éthiopie est en avance, et couvre la physique, la biologie et la chimie dans ses évaluations nationales des apprentissages.

Notre examen des indicateurs concernant l’équité en termes d’accès et d’apprentissage confirme que bien davantage peut être fait, et devrait être fait, pour améliorer les indicateurs de l’éducation relatifs à l'équité, en particulier pour garantir une plus grande visibilité pour les enfants les plus défavorisés.

Les conclusions suggèrent trois principaux volets d’action politique sur les données du suivi de l’équité en éducation.

  • Il nous faut d’abord des données sur une plus large variété de difficultés.

Il nous faut des données sur la situation socioéconomique des enfants, sur leurs caractéristiques en termes de handicap, situation géographique, appartenance ethnique et caractéristiques linguistiques, ainsi que sur leur sexe.

Mesurer le statut socioéconomiquen’est pas facile, mais est possible. L’indice de richesse, par exemple, enregistre la possession des biens du ménage, les caractéristiques du logement et l’accès aux services domestiques pour calculer la richesse relative de chaque ménage.

Les autorités éducatives peuvent utiliser ces enquêtes auprès des ménages pour améliorer leurs informations sur les élèves et relier celles-ci à l’accès, aux progrès et à l'achèvement dans le domaine de l’éducation.

Des progrès ont également été faits pour relier données sur le milieu des enfants et apprentissage, en utilisant des données du projet de recherche international Young Lives ou bien les évaluations menées par les citoyens du réseau People’s Action for Learning (PAL).

Mesurer l’équité selon la situation géographique, en particulier au niveau régional, devrait être plus simple. La plupart des ensembles de données des Systèmes d’information et de gestion de l’éducation (SIGE) comprennent des données sur les ressources scolaires et leur situation géographique, ce qui permet de collecter des informations détaillées sur des grappes d’indicateurs relatifs, par exemple, au milieu éducatif des enseignants au niveau subrégional. Les données nationales sur les lieux où les élèves passent les examens constituent un bon intermédiaire pour indiquer l’endroit où ils vivent. De telles informations permettent l’analyse des déficits régionaux en termes d’apprentissage.

Mesurer l’équité selon l’appartenance ethnique est possible, mais reste sensible et politiquement chargé. Dans certains cas, des intermédiaires peuvent être utilisés, comme la situation géographique ou la langue.

Mesurer l’équité selon le handicap est critique, compte tenu de l’invisibilité des enfants handicapés dans la plupart des ensembles de données. D’importants progrès ont été faits, grâce à des initiatives internationales pour reformuler des questions d’enquête axées sur les difficultés auxquelles sont confrontés les enfants en termes d’accès aux services plutôt que sur leur handicap.

Les questions développées par le Groupe de Washington sur les statistiques relatives au handicap pour identifier ces limites fonctionnelles offrent un moyen simple, sensible et nuancé de rendre compte du handicap, même dans des contextes où la stigmatisation pourrait empêcher une information directe.

Au Pakistan, par exemple, le Rapport sur le bilan annuel de l’éducation (ASER) en 2015 s’appuyait sur des questions développées par le Groupe de Washington pour révéler que les enfants handicapés étaient parmi les plus défavorisés en matière d’éducation.

  • Il nous faut ensuite étendre l’amplitude de la collecte des données.

Si nous avons besoin de données concernant une plus grande variété de handicaps, que devons-nous faire autrement ? Une chose est sûre : il est impossible d’obtenir un panorama précis de l’apprentissage sans inclure les enfants non scolarisés, souvent les plus défavorisés. Il nous faut donc d’autres sources de données, telles que les enquêtes basées sur des échantillons du réseau citoyen PAL, les enquêtes démographiques et sanitaires (DHS) et autres enquêtes auprès des ménages permettant de recueillir des données sur les caractéristiques du milieu des enfants et du ménage. La collecte de données par les citoyens locaux possédant une connaissance du contexte en fait des enquêtes particulièrement adéquates.

Le Cadre d’action pour l’éducation 2030 associé aux ODD reconnaît qu'aucune cible de l'éducation « ne doit être considérée atteinte à moins que tous l’aient atteinte. » L’analyse des données doit donc se concentrer sur les plus défavorisés. Une option consiste à définir des cibles intermédiaires « tremplins » pour accompagner les différents rythmes de progression nécessaires à des sous-groupes variés au sein des pays.

Le suivi doit également commencer dès les premières années, lorsque les inégalités commencent à peser : selon les données de Young Lives, en Éthiopie, en Inde (Andhra Pradesh), au Pérou et au Vietnam, les enfants des 25 % les plus riches de la population font davantage de progrès en mathématiques que ceux des 25 % les plus pauvres, entre 5 et 8 ans.

L’analyse des données doit informer la pratique, plutôt que de constituer un simple état des lieux une fois qu’il est trop tard et que les inégalités sont bien enracinées.

Des efforts trans-sectoriels sont essentiels pour éliminer tous les obstacles à l’éducation

Les décideurs politiques doivent réfléchir au moyen de rassembler ces trois volets afin de révéler les chevauchements en termes de handicaps qui entravent le droit d'un enfant à une éducation de qualité. Il est vital de prendre en considération la totalité des conditions dans lesquelles se trouve l'enfant, que ce soit dans la classe ou en dehors de l’école.

Il peut s’avérer possible de s’attaquer à certains défis uniquement par le biais des politiques en matière d'éducation, mais l'élimination d’autres obstacles à l’éducation nécessitent des efforts trans-sectoriels. Ces efforts sont essentiels pour que les politiques puissent soutenir les enfants qui, sans cela, seraient laissés pour compte.

Également disponibles dans cette série :

Lire aussi

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas divulguée. Tous les champs sont requis

Le contenu de ce champ sera maintenu privé et ne sera pas affiché publiquement.

Texte brut

  • Global and entity tokens are replaced with their values. Explorer les jetons disponibles.
  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.