5 principes pour guider la mesure de l’équité en matière d’apprentissage

Des niveaux d'apprentissage inégaux constituent une menace pour l'éducation dans le monde. Alors, quelles approches adopter pour mesurer si les enfants ont la possibilité d'avoir des chances égales d'accès à l'éducation ?

18 juin 2018 par Rachel Outhred, Itad, Rachita Daga, IFC, et Stuart Cameron, GPE Secretariat
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Lecture : 11 minutes
Des élèves alignés dans la cour de l'école primaire Model Government à Khulna au Bangladesh. Crédit: GPE/Daisuke Kanazawa
Des élèves alignés dans la cour de l'école primaire Model Government à Khulna au Bangladesh.

Nous sommes certainement peu nombreux à ne pas avoir entendu l’alerte sonnée au sujet de l’équité ou de l’égalité en matière d'éducation, les responsables politiques et autres appelant à une « éducation équitable », une « égalité des chances » ou une « égalité en termes d’acquis scolaires », expressions souvent utilisées de façon interchangeable.

Dans le Manuel de mesure de l’équité en éducation publié par l’Institut de la Statistique de l’UNESCO (UIS), nous avons pris du recul afin d’étudier l’équité de façon plus approfondie et nous avons fixé un cadre conceptuel pour sa mesure.

Définir les différences entre équité et égalité

L’équité et l’égalité sont des termes contestés qui recouvrent des choses très différentes pour différentes personnes, et la façon dont on les conçoit dépend du propre point de départ de chacun. Parle-t-on par exemple du financement de l’éducation, des différences en termes d’accès à l’école, ou de combien les enfants apprennent et de la qualité de leurs acquis ?

Pour certains chercheurs, l’inégalité des opportunités éducatives est la mesure selon laquelle les choses qu’on ne maîtrise pas (le sexe, la pauvreté, le fait d’être né dans une zone rurale, etc.) par contraste avec les choses que l’on peut maîtriser (les efforts), affectent la qualité des acquis scolaires ou le niveau d’études atteint à l’école.

L’inégalité due à des facteurs échappant au contrôle est définie comme étant injuste et constitue un des motifs prioritaires pour un changement de politique. Mais cette façon de concevoir la question implique une distinction morale contestable. Les jeunes enfants doivent-ils être tenus responsables de leurs efforts lorsqu’on évalue l’équité d’un système éducatif ?

Le discours de l'égalité des chances est problématique lorsqu’il s’applique aux enfants, surtout lorsqu’effort et capacité de saisir les opportunités dépendent d’autres conditions, telles que la nécessité de travailler aux tâches ménagères du foyer ou la différence de qualité d'une école à l’autre.

Une approche équitable reconnaît que certains, à cause d’un accident de naissance ou de circonstances particulières, nécessitent davantage d’aide que d’autres pour réaliser leurs objectifs dans la vie.

Les approches équitables visent à traiter ou compenser les obstacles qui, sans elles, empêcheraient les enfants défavorisés d’atteindre les mêmes niveaux d’apprentissage que les autres enfants plus chanceux.

Les raisons morales et politiques de la mesure de l’équité

Dans le Manuel, nous posons deux questions : Pourquoi l’équité dans l’apprentissage compte-elle autant ? Et comment la mesure-t-on ?

Elle compte d’abord pour des raisons morales et politiques : par définition, l’équité, c'est une juste distribution impartiale de l’éducation.

Elle compte peut-être également pour des raisons pratiques. Les politiques et programmes d'amélioration des acquis scolaires pour tous nécessitent souvent que les ressources ciblent les individus dans les situations les pires, et les systèmes les plus injustes sont souvent ceux qui produisent les pires moyennes en termes de résultats.

Des niveaux d’apprentissage inégaux constituent une menace pour les objectifs mondiaux en matière d’éducation, en particulier l’ODD 4, cible 1, qui préconise de bons résultats de l'apprentissage d’ici 2030.

Si l’égalité totale des acquis scolaires pour chaque individu n’est pas réalisable, chaque enfant ayant des capacités différentes, l’équité dans l’apprentissage donne à chaque enfant la possibilité d’une égalité des chances en termes d’éducation.

C’est là que se pose la deuxième question : Quelles approches peut-on adopter pour évaluer cette égalité des chances ?

Cette question suscite depuis longtemps un débat politique, philosophique et éthique. En elle-même, l’équité est un concept politique, et comme différentes visions politiques façonneront sa mesure, elle ne peut pas être séparée du climat politique dominant en matière d’équité et de justice. Nous pouvons toutefois travailler à partir des réalités politiques. Nous nous sommes donc focalisés sur cinq principes qui, dans une certaine mesure, sont déjà reconnus et suscitent de l’intérêt : la méritocratie, les normes minimums, l’impartialité, l’égalité des conditions et la redistribution. Nous avons étudié la façon dont chacune de ces notions est liée à des concepts tels que l’égalité des chances dans le débat philosophique et leur implication pour la mesure de l’équité dans l’apprentissage.

Cinq principes pour guider la mesure

Dans la méritocratie, les opportunités éducatives sont distribuées sur la base du mérite. Les enfants jugés les plus aptes, sur la base d'examens à forts enjeux, ont les meilleures chances d'évoluer sans accroc dans le système éducatif. Mais, la mesure du mérite est souvent contestée, les scores aux examens n’étant pas toujours les meilleurs indicateurs des véritables capacités d’un élève ou des conditions dans lesquelles celui-ci évolue. Toutefois, au sein d’un système éducatif, les principes de la méritocratie peuvent coexister avec des principes égalitaires. Ici, la scolarisation primaire pour tous peut être motivée par un désir égalitaire de société plus inclusive et les opportunités à un niveau d’études supérieur peuvent être motivées par le désir de créer un cadre d’experts. Il est possible d'évaluer si un système censé être méritocrate l'est véritablement ou si un système sélectif ne sert qu’à recréer des inégalités sociales.

Une approche comprenant des normes minimums conçoit l’éducation dans une optique binaire : un enfant est soit scolarisé soit non scolarisé, et est alphabète ou analphabète. C’est l’approche prônée par les premiers objectifs de développement. Cette approche insiste sur le fait que ces critères doivent être satisfaits pour chaque enfant. Ici, la mesure de la proportion d'enfants qui satisfont ces normes minimums, c'est-à-dire être scolarisé et alphabète, peut être considérée comme mesure de base de l'équité. L’équité est obtenue lorsque tous les enfants sont égaux dans le sens où ils satisfont les normes minimums.

Celles-ci ne suffisent cependant pas dans le domaine des ODD, plus étroitement axés sur l’équité. Ce qui nous mène à l'impartialité. La définition des ODD compare des groupes tels que les garçons et les filles, les zones rurales et urbaines, les riches et les pauvres, dans le but explicite de réduire, et finalement d’éliminer, les différences entre ces groupes en termes d’acquis scolaires (au risque d’ajouter un terme à un jargon déjà riche, nous suggérons l'idée qu’impartialité est un terme plus adapté à ce type d’équité que l’expression problématique et chargée d’« égalité des chances »).

Des approches basées sur l’impartialité peuvent être utilisées pour vérifier que les normes minimums sont satisfaites dans les différents groupes, pour suivre les différences en termes d’acquis scolaires dans les différents groupes et pour veiller à ce qu'un système apparemment méritocrate ne soit pas utilisé pour justifier une distribution injuste des opportunités. Par-dessus tout, les mesures de l’impartialité nous orientent sur les groupes les plus défavorisés, qui peuvent alors être ciblés par les politiques.

Si l’impartialité considère la façon dont les variables éducatives sont liées aux conditions données d’un enfant, une approche prenant en compte l’égalité des conditions étudie la distribution des variables entre les enfants, quelque soient leurs conditions. Par exemple, on peut observer le nombre de d’années d’éducation et tracer une courbe, en commençant par ceux qui ont le moins bénéficié d’éducation et en finissant par ceux qui en ont bénéficié le plus. Plus la ligne est plate, plus l’égalité des conditions est grande. De telles mesures ne nécessitent qu’une variable et fournissent des indicateurs d’équité comparables dans le temps et entre les pays.

Si l’objectif est l’impartialité ou l’égalité des conditions dans les résultats de l’éducation, les États peuvent s’orienter vers une redistribution des intrants de l'éducation. Ceci signifie de partager les intrants de façon égale afin de compenser les obstacles existants. Ici, la mesure de l’équité pourrait être la mesure dans laquelle les dépenses publiques pour l’éducation compensent les taux de pauvreté régionaux, par exemple. Le fait de déterminer quelles caractéristiques méritent un traitement différentiel dans une approche redistributive est sujet à débat. Mais même à un niveau basique, comme les dépenses pour l'éducation, la mesure de la redistribution nous dit si les pauvres bénéficient de leur juste part des dépenses publiques en matière d'éducation.

Dans ce Manuel, notre but était de présenter un tableau théorique des concepts d’équité et de la façon dont ceux-ci peuvent être appliqués à la mesure de l’équité en matière d’apprentissage. La bonne nouvelle est que certains de ces concepts – en particulier l’impartialité et l’égalité des conditions – sont mis en pratique, tel que le présente un blog récent de Carina Omoeva, Wael Moussa et Rachel Hatch de FHI 360.

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