7 actions contre l’extrême pauvreté dans les pays en développement
Comment les diverses interventions dans le domaine de l'éducation peuvent contribuer à lutter contre l'extrême pauvreté dans les pays en développement
06 juin 2016 par Luis Crouch, RTI International
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Lecture : 11 minutes
Un enfant lisant dans sa salle de classe. Crédit: GPE/Paul Martinez

Difficile de trouver des solutions miracles dans les pays en développement. Mais cela ne doit pas nous décourager.

Prenons le secteur de l'éducation dans le monde. Si l’horizon ne promet aucune révolution du jour au lendemain compte tenu du peu d’appels à l'action, il est toutefois parsemé de signes indiquant les possibilités d'amélioration de l'apprentissage, et donc, de lutte contre l'extrême pauvreté.

Pour les organisations de bailleurs de fonds et leurs partenaires d’exécution, ceci est instructif. Des solutions directes, efficaces et relativement simples apportées pour remédier aux effets individuels d’un problème plus important peuvent produire davantage que la somme de leurs parties. Voici précisément comment plusieurs interventions dans le secteur de l’éducation peuvent contribuer à lutter contre l’extrême pauvreté dans les pays en développement. Ces sept approches indépendantes me semblent des voies valables pour une amélioration significative de l’apprentissage et de la vie :

  • Fixer des normes simples et communicables— les normes constituent un mécanisme essentiel pour promouvoir responsabilité et bonne performance en matière d’éducation, mécanisme peut-être encore plus important pour les communautés défavorisées que pour les communautés aisées, ces dernières ayant souvent la possibilité de « contraindre » les systèmes à leur fournir un bon niveau de qualité. Les parents qui ne sont pas conscients du niveau que leur enfant devrait atteindre peuvent se satisfaire des services éducatifs, même si les acquis scolaires de ce dernier sont déficients. Les systèmes éducatifs doivent fixer des normes simples, et il est tout aussi important qu’ils communiquent ces normes aux parents afin que ceux-ci puissent mieux comprendre les progrès de leur enfant et mettre les établissements devant leur responsabilité. Grâce au projet EdData project, par exemple, USAID facilite la création de références en matière de compétences en lecture pour les premières années d'école dans certains pays (voir par exemple le cas des Philippines).
  • Démarrer le programme au niveau réel des enfants— en matière de création du bon programme scolaire, une trop grande ambition peut parfois s'avérer problématique. Le programme scolaire officiel d’un pays en développement peut par exemple fixer comme objectif de compréhension en lecture pour les élèves de 2e année de primaire la capacité à « construire le sens d’un texte ». Dans ce pays, un fort pourcentage d’élèves de 2e année sont incapables de lire un seul mot. Des programmes scolaires aussi ambitieux reflètent parfois un préjugé de la classe moyenne supérieure, et les faits semblent indiquer que ceux-ci aboutissent à une performance plus faible. Les programmes doivent plutôt fixer des normes très spécifiques reflétant le niveau du développement éducatif des enfants, comme les bases de la lecture. Certaines ONG y parviennent sans « trop simplifier » le programme, en démarrant au niveau réel des enfants et en accélérant l’apprentissage par la suite. Les ministères devraient pouvoir faire de même. Pratham, une organisation consacrée à l’amélioration de l’éducation pour la population pauvre de l’Inde a mené de nombreuses interventions qui ont démontré que la restructuration des classes par niveau d'enseignement — plutôt que selon l’âge — pouvait être très bénéfique pour l’amélioration de l'apprentissage. Leur programme “Read India” qui remporte un franc succès, est basé sur ce principe.
  • Réparer les dégâts dès les premières annéesLa « triple crise » de l’Ouganda dans les premières années (forts taux de redoublement, pénurie de programmes de développement de la petite enfance et faibles taux d'alphabétisation) pèse lourdement sur les perspectives du pays. Mais il ne s’agit pas d’une crise isolée, près de 40 pays étant touchés. Certains des pays en développement les plus pauvres déclarent une énorme sur-scolarisation dans les premières années et un fort taux d'abandon entre la première et la deuxième année. Ceci n’est pas véritablement dû au décrochage des élèves, mais au redoublement (souvent insuffisamment signalé). Comme l'illustre le graphique suivant, de nombreux pays déclarent des taux de scolarisation qui excèdent largement la population des enfants de l’âge du niveau concerné dans le pays. Une importante partie du problème provient du manque d’éducation de la petite enfance de qualité et de stimulation orale précoce, ce qui contribue, entre autres, à une crise de la lecture dans les premières années : près de la moitié des enfants en 2e année des programmes d’évaluation Early Grade Reading Assessment sont incapables de lire un seul mot. La résolution de ce problème apportera d’énormes bénéfices — le développement cognitif précoce étant le meilleur moyen de prédire le développement cognitif ultérieur, lui-même un bon moyen de prédire le revenu. En Ouganda, l'état collabore avec USAID à un Plan d’action national pour le bien-être des enfants qui comprend comme objectif l’amélioration de l’éducation des jeunes enfants.
Un graphique montrant que seuls les taux d'inscription aux niveaux 1 et 2 dépassent la population totale. Crédit: Luis Crouch
  • Améliorer la responsabilité et la pédagogie— de nombreuses études menées sur les programmes de développement dans les régions défavorisées mettent en lumière deux types d’interventions efficaces : celles qui relèvent de la responsabilité (par ex. la rémunération au mérite, l’influence de la communauté sur les récompenses des enseignants) et celles qui relèvent de la pédagogie (par ex. de meilleurs livres, un meilleur enseignement, une programmation et une supervision plus étroites). Les interventions en matière de responsabilisation ne peuvent par elles-mêmes faire suffisamment évoluer les comportements et les résultats. Les interventions pédagogiques sont peu susceptibles d’être déployées ou maintenues sans responsabilisation et supervision. Il importe donc de tendre à l'amélioration en matière de responsabilité comme de pédagogie. Ces deux approches sont tout à fait complémentaires également dans la perspective d’une gestion stratégique. Comme je l’ai récemment étudié dans un article coécrit, les systèmes éducatifs dans les pays en développement ont généralement besoin d'importantes améliorations en termes d’acquis scolaires. Les résultats dans ce domaine sont souvent uniquement obtenus au moyen d'interventions pédagogiques directes, extrêmement coûteuses à déployer. Cependant, les évolutions systémiques, telle que la responsabilisation, ont le potentiel d'améliorer l'enseignement et l'apprentissage à l'échelle du territoire national. Par exemple, au Kenya, les projets utilisent des systèmes de suivi des établissements afin de mieux observer les pratiques pédagogiques.
  • Travailler sur la langue maternelle— offrir un enseignement dans des langues domestiques peu utilisées est souvent considéré comme trop compliqué : cela nécessite une logistique, une coordination, une créativité, ainsi qu’un déploiement et un soutien des enseignants plus avancés. Toutefois, le plus grand handicap des pauvres est linguistique et lié à l’acquisition précoce de la lecture. Il a été démontré que de grandes améliorations des compétences en lecture peuvent être obtenues par un enseignement dans la langue maternelle. Comme on l’observe dans la description poignante faite par SIL, les langues locales ont un rôle essentiel à jouer pour atteindre les plus grands objectifs de développement à l'horizon.
  • Prêter attention aux finances et aux ressources— les finances comptent mais le « comment » pourrait être plus important que le « combien ». Les augmentations de salaire, par exemple, ne conduisent généralement pas à une amélioration de l'apprentissage. Une évaluation de la Banque mondiale des établissements financés par l’état au Malawi a constaté qu’il n’y avait pratiquement aucun lien entre les dépenses et les résultats. Un financement favorable aux pauvres étroitement lié aux résultats peut être utile mais il faut veiller à éviter des incitations qui peuvent avoir des effets pervers, comme l’enseignement en fonction des tests. Un soutien différencié (par ex. davantage de financement pour les pauvres ou un plus grand investissement dans le soutien aux enseignants obtenant des résultats plus faibles plutôt que dans la formation professionnelle généralisée) constituerait une véritable innovation dans de nombreux pays.
  • Repenser les systèmes— de plus en plus, des interventions verticales telles que les programmes d’apprentissage précoce de la lecture d’USAID obtiennent des résultats impressionnants. Toutefois, une systématisation totale de l’éducation dans un contexte de développement s’avère généralement irréalisable. Précédemment, les efforts d’amélioration du système (dans les années 80 et 90) ont été en quelque sorte désolidarisés des acquis scolaires, de la mesure des résultats et de l’utilisation concrète de cas d’exemple du potentiel des réformes. De nouveaux programmes tels que les programmes d’apprentissage précoce de la lecture offrent une preuve concrète en termes d’application et d’impact. Les professionnels doivent examiner en profondeur les expériences concrètes récentes et réfléchir à leur application potentielle « minimaliste » ou « sine qua non » pour répondre aux besoins des pauvres. Le programmeRISE(Research on Improving Systems of Education) financé par DFID constitue à cet égard une innovation prometteuse.

Dans l’idéal, ces interventions doivent être envisagées en même temps, au sein de réformes systémiques. Certaines versions ou sous-ensembles de ces interventions systémiques, dont la mise en œuvre est aisée, pourraient s’avérer relativement rapidement bénéfiques, pour peu qu’une véritable volonté politique existe.

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