Au Burkina Faso, les filles dénoncent la crise de la sécurité et de l’apprentissage

Zoom sur l'éducation des filles et l'égalité des sexes
La directrice générale du GPE, Alice Albright, a rencontré de jeunes militantes pour le droit à l'éducation qui appellent le G7 et les dirigeants du monde à agir.

18 mars 2019 par Sabine Terlecki, Global Partnership for Education Secretariat
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Lecture : 5 minutes
Alice Albright échangeant avec des élèves à l'école primaire de Laye au Burkina Faso. Crédit: GPE/Roland Zanre
Alice Albright échangeant avec des élèves à l'école primaire de Laye au Burkina Faso.

Au Burkina Faso, de nombreuses filles font face à d’importants obstacles pour être scolarisées, qu’il s’agisse de l’impossibilité d’accéder à une école, des enseignements de faible qualité reçus, des violences liées au genre ou des mariages et grossesses précoces. Ces obstacles s’ajoutent au problème sécuritaire que posent les attaques terroristes perpétrées dans plusieurs régions, et qui a entraîné la fermeture de bon nombre d’écoles et le déplacement d’un nombre important de personnes. Paradoxalement, ne pas être scolarisées augmente la vulnérabilité des filles à ces obstacles.

Mon école a été fermée suite à des attaques terroristes en janvier 2019. Au moins 47 personnes ont été tuées selon les sources gouvernementales. Mon plus grand souhait est de retourner à l’école.
Rose*, 17 ans

Au cours d’une récente visite au Burkina Faso, Alice Albright, Directrice générale du GPE et membre du Conseil consultatif sur l’égalité des sexes du G7, a rencontré quelques militantes pour le droit à l’éducation, afin de recueillir leur témoignage sur les difficultés qu’elles rencontrent, ainsi que les recommandations qu’elles ont à formuler à l’endroit de la communauté internationale.

Pendant que l’insécurité gagne du terrain, la crise de l’apprentissage s’aggrave

Le Burkina Faso est confronté à une crise sécuritaire majeure. La région du Sahel au nord, limitrophe du Mali et du Niger, subit des violences de la part de plusieurs groupes terroristes. La Fondation Thomson Reuters signale que depuis début 2019, près de 1 000 personnes fuient le pays chaque jour.

La situation dans les régions touchées est extrêmement instable, et l’augmentation des menaces et des attaques sème la peur dans toute la région et a entraîné la fermeture de plus de 1 000 écoles. Près de 150 000 enfants sont touchés ; des douzaines d’enseignants ont été victimes d’agressions, certains ont été tués. Les élèves ont peur d’aller à l’école. La population concernée représente environ 3 % de l’ensemble de la population en âge d’être scolarisée.

Le gouvernement, qui a pris la Présidence de l’Alliance du G5 Sahel en février 2019 a établi une stratégie sur 5 ans pour passer des solutions d’urgence à un plan à long terme, afin de limiter les problèmes de sécurité. Ce plan comprend des mesures pour faciliter la relocalisation vers des centres urbains sécurisés, augmenter le nombre d’écoles publiques franco-arabes, de programmes radio éducatifs, ainsi que développer des services d’inspection pour veiller à ce que les enseignants ne quittent pas leur poste.

Le gouvernement se concentre sur la qualité de l’éducation et encourage les communautés à s’impliquer et s’approprier les écoles, afin de renforcer et protéger la valeur de l’éducation.

Alice Albright écoutant des militantes pour le droit à l'éducation lui parler de leurs difficultés d'accès à l'éducation. Crédit: GPE/Roland Zanre
Alice Albright écoutant des militantes pour le droit à l'éducation lui parler de leurs difficultés d'accès à l'éducation.

Les filles défendent leur droit à l’éducation

Les multiples crises et d’autres obstacles empêchent les enfants, en particulier les filles, de bénéficier d’une éducation de qualité. Les filles sont touchées par ces crises de façon disproportionnée, et c’est pourquoi l’inclusion des filles dans l’éducation demeure une priorité majeure pour le gouvernement du Burkina Faso. Depuis 2013, le même nombre de filles et de garçons achève l’école primaire, et la cible est presque atteinte pour le premier cycle du secondaire. Mais, la crise sécuritaire pourrait rapidement changer la donne.

Au cours de sa visite, Alice Albright a échangé avec des filles, élèves dans des écoles primaires et des collèges. Elle a également rencontré un groupe de huit militantes du droit à l’éducation, présenté au GPE par Plan International Burkina Faso, afin d’écouter leur témoignage sur les difficultés qu’elles rencontrent et leurs besoins.

Ces filles ont évoqué la pauvreté, le chemin de l’école de plus en plus insécurisé, la violence liée au genre, le harcèlement et les abus sexuels, ainsi que les mariages précoces comme étant autant d’obstacles à l’égalité des sexes dans l’éducation au Burkina Faso.

J’ai 17 ans. Le 31 janvier, mon grand-père m’a envoyée dans un autre village pour assister aux obsèques de son frère. En fait, c’était un mensonge, et ce qu’il avait organisé était mon mariage forcé. On m’a conduite dans la maison de l’homme que je n’avais jamais vu et que je devais épouser. Ce que je craignais le plus s’est passé dans son lit. Je pleurais jour et nuit. Je ne le connaissais pas, ne voulais pas de mari et je ne voulais pas de lui. Ce que je voulais, c’est retourner à l’école. Le 19 février, j’ai réussi à m’enfuir. Je suis allée tout droit à la gendarmerie. Les gendarmes m’ont envoyée au centre social local qui a organisé ma protection.
Françoise*, 17 ans

L'ONG Girls not Brides signale qu’au Burkina Faso, 52 % des filles sont mariées avant leur 18ème anniversaire et 10 % avant l’âge de 15 ans. Selon l’UNICEF, le Burkina Faso affiche le cinquième taux de mariage d’enfants le plus élevé au monde.

D’autres filles ont raconté que la violence scolaire liée au genre était un problème quotidien. Elles sont ainsi exposées à la violence physique, psychologique et sexuelle et au harcèlement d’hommes sur le chemin de l’école et à l’école, de leurs camarades de sexe masculin, voire des enseignants.

Certaines filles ont évoqué le fait que leurs tâches domestiques les empêchent d’étudier. Tout cela est lié à des normes culturelles selon lesquelles l’éducation des filles n’est pas une priorité par rapport à ses devoirs traditionnels. Sans le soutien de leur famille, de nombreuses filles abandonnent ainsi l’école.

Pour éliminer ces obstacles, les filles ont recommandé que le gouvernement, avec le soutien de la communauté internationale, rouvre et sécurise dès que possible les écoles dans les zones touchées par les conflits, construise plus d’écoles pour réduire la distance domicile-école et augmente le nombre de dortoirs, améliore les installations sanitaires et la fourniture d’eau propre à l’école, mette en œuvre des mesures pour juguler la violence scolaire liée au genre et publie les données sur les grossesses précoces non désirées à l’école.

L’Afrique a besoin de 17 millions d’enseignants formés d’ici 2030

Une des solutions clés reconnues par les filles est l’impact positif qu’ont les enseignantes qualifiées sur leur éducation. Ces dernières leur servent de modèles qui les encouragent à achever leur scolarité.

La plupart d’entre nous sommes régulièrement confrontées à la violence liée au genre. Des enseignantes qualifiées peuvent nous aider à achever nos études.

Edith*, 19 ans

L’Afrique a besoin de 17 millions d’enseignants formés d’ici 2030 pour atteindre l’ODD 4. Pour augmenter de manière significative le nombre d’enseignants qualifiés d’ici 2030, le GPE plaide l’adoption d’un engagement par le G7 et les dirigeants africains d’augmenter de façon substantielle le nombre d’enseignants qualifiés en Afrique et de soutenir des politiques relatives aux enseignants qui permettront de lutter contre les stéréotypes et de favoriser l’égalité des sexes.

Le GPE fait entendre la voix des filles au Conseil consultatif sur l’égalité des sexes du G7

En tant que membre du Conseil consultatif sur l’égalité des sexes du G7, Alice Albright pourra transmettre au groupe ces témoignages et celui d’autres filles, puisqu’elle est chargée de maintenir l’axe des travaux du G7 sur l’égalité des sexes.

Plus précisément, le groupe compilera et fera la promotion d’un recueil de lois favorables à l’égalité des sexes, afin de concrétiser le droit de toutes les filles d’accéder à une éducation de qualité.

Le Partenariat mondial pour l’éducation a le privilège d’œuvrer avec le G7 et ses partenaires à la promotion de l’égalité des sexes et des changements systémiques nécessaires pour garantir l’avènement d’une génération de filles éduquées, en bonne santé et en sécurité dans l’Afrique de 2030, dont feront partie celles que nous avons rencontrées au Burkina Faso.

* Remarque : tous les noms ont été modifiés afin de protéger l’identité de ces jeunes filles

 

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