Ce que disent et font les défenseurs de l’éducation à propos de la privatisation de l’éducation
Réunis en Côte d’Ivoire le mois dernier, des défenseurs de l’éducation du monde entier ont adopté les Principes d’Abidjan sur l’obligation des États en matière de droits de l’Homme de fournir un enseignement public et de réglementer la participation du secteur privé dans l’éducation.
22 mars 2019 par Maryline Mangenot, Global Campaign for Education, Laura Giannecchini, Latin American Campaign for the Right to Education (CLADE), et Addie Unsi, E-NET Philippines
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Education activists supporting the #YouthStrike4Climate movement in Abidjan. Credit: GCE
Des défenseurs de l’éducation manifestant en soutien au mouvement #YouthStrike4Climate à Abidjan.

Des défenseurs de l’éducation ou des droits de l’Homme issus de la société civile se sont réunis à Abidjan le mois dernier pour l’assemblée mondiale annuelle du Consortium international sur la privatisation de l’éducation et les droits de l’Homme (CPEDH).

Des délégués du monde entier se sont retrouvés pour débattre de l’adoption des Principes d’Abidjan, un document s’appuyant sur les droits de l’Homme, qui décrit l’obligation qu’ont les États de fournir un enseignement gratuit, public et inclusif, ainsi que de réglementer la participation du secteur privé dans l’éducation.

Les Principes d’Abidjan ont été élaborés en s’appuyant sur les normes juridiques internationales et la jurisprudence en matière de droits de l’Homme dans un processus ouvert, transparent et largement consultatif, avec la participation d’acteurs provenant de secteurs variés : avocats spécialisés dans les droits de l’Homme, spécialistes et professionnels de l’éducation, communautés concernées et organisations de la société civile du monde entier.

De 2016 à 2018, une série de consultations régionales, nationales et thématiques a été organisée dans le monde. Le point culminant de ces consultations a été la conférence d’adoption finale de ces principes à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Un secrétariat composé d’ Amnesty International, du Equal Education Law Centre, de la Global Initiative for Economic, Social, and Cultural Rights, de l'Initiative for Social and Economic Rights, et l'Initiative sur le droit à l'éducation a facilité le processus consultatif.

La réunion a également étudié les priorités des membres du CPEDH pour les deux prochaines années, ainsi que les stratégies et tactiques nécessaires pour ralentir et mieux réglementer la participation des acteurs privés dans le secteur de l’éducation.

Utiliser les Principes d’Abidjan pour le plaidoyer aux Philippines

Les Philippines et la région de l’Asie du Pacifique sont témoins d’une augmentation de la privatisation dans l’éducation suivant différents modes, tels que les partenariats public-privé sous la forme de modèle de contrats d’enseignement et de programmes de coupons ou bien de chaînes d’écoles privées et d’écoles à frais de scolarité peu élevés.

Les Principes d’Abidjan constituent un document historique qui favorisera les efforts de plaidoyer d’E-NET Philippines en matière de réglementation de la participation du secteur privé dans l’éducation en exigeant que le gouvernement définisse comme priorité le financement permettant de renforcer le système éducatif public.

Ce document sera tout particulièrement utile pour consolider la recherche sur le cadre de réglementation des écoles privées. Le résultat servira alors de donnée empirique solide pour exiger des règlementations plus fermes en matière de participation des acteurs privés dans l’éducation aux Philippines.

L’élaboration de politiques locales, telles que le Code de l’éducation de la région autonome de Bangsamoro pour les Musulmans Mindanao, sera un autre exemple concret de mise en œuvre des Principes d’Abidjan. La région autonome de Bangsamoro pour les Musulmans Mindanao est une nouvelle région politique destinée à la minorité musulmane du sud du pays, qui a initié le processus de définition de ses politiques locales. Le « Code de l’éducation » fait partie des domaines prioritaires et définira le système éducatif local et les lois en la matière.

Dans cette région, les membres d’E-NET Philippines ont l’opportunité d’engager le processus en utilisant les Principes d’Abidjan pour garantir un enseignement public plus solide et règlementer la privatisation. Ce travail est essentiel, car les acteurs privés ont tendance à proliférer dans un système éducatif décentralisé.

Une réunion réussie pour booster notre action collective

Au cours des dernières décennies, la CLADE a pu observer une croissance plus prononcée de la privatisation de l’enseignement en Amérique latine. Il s’agit d’un phénomène complexe qui présente des aspects différents dans les différents pays de la région, les acteurs privés intervenant non seulement dans la prestation directe et indirecte des services éducatifs, mais également intensifiant leur influence sur les prises de décisions politiques en matière d’éducation, ainsi que sur l’opinion publique.

La réunion d’Abidjan était essentielle, car elle a été l’occasion d’apprendre des autres régions et d’analyser collectivement ce phénomène en envisageant ensemble les prochaines étapes.

Les participants ont entre autres choses convenu que, puisque la privatisation touche différents secteurs, il était important de collaborer étroitement avec la santé et les autres mouvements de services publics et de renforcer les liens entre le mouvement de l’éducation et celui en faveur de la justice fiscale, dans le but d’assurer un financement approprié pour un enseignement gratuit, public et inclusif.

Nous devrons également étudier les mécanismes des fonds d’obligations à impact social et le financement des prestataires d’enseignement non publics, qui affaiblissent les systèmes éducatifs publics, et nous devrons aussi rapidement renforcer un discours différent, afin de recréer la confiance dans l’enseignement public.

Faire évoluer le discours sur l’enseignement public au niveau mondial

Dans une perspective globale, cette réunion a rassemblé des voix du monde entier, partageant les mêmes préoccupations quant à la propension des États à se tourner vers le secteur privé pour des solutions à court terme, malgré les nombreuses études alertant contre les effets pervers qu’ont les partenariats public-privé pour la réalisation de l’objectif de l’éducation pour tous.

La Campagne mondiale pour l’éducation (CME) est impliquée dans les travaux sur la privatisation depuis la création du Consortium et a soutenu les acteurs de la société civile dans la production et la diffusion de rapports et outils de plaidoyer.

De nombreuses coalitions nationales soutenues par le Fonds de la société civile pour l’éducation, un programme de la CME principalement financé par le Partenariat mondial pour l’éducation, ont pu mettre en place des stratégies de renforcement des capacités publiques et limiter l’intrusion du secteur privé dans la sphère publique de l’éducation.

La CME a renouvelé son soutien aux travaux communs du CPEDH réfutant les mythes négatifs et a réaffirmé son engagement dans le renforcement ces capacités de la société civile à plaider pour l’augmentation du financement du secteur public.

À propos du Consortium sur la privatisation de l’éducation et les droits de l’Homme

Le CPEDH est une alliance d’organisations et d’individus de la société civile du monde entier qui a pour but de réglementer et limiter le rôle du secteur privé comme prestataire de services éducatifs, sur la base du principe des droits de l’Homme prônant l’éducation pour tous, et étudiant tout particulièrement les effets négatifs de la privatisation sur les groupes les plus marginalisés et vulnérables.

Remarque : Le Conseil d’administration du GPE révisera sa stratégie relative au secteur privé lors de sa prochaine réunion. Les opinions exprimées dans ce blog sont celles des auteurs.

 

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