De meilleures données de l’éducation pour un meilleur financement en situation d'urgence
Comme l’illustrent les exemples de certaines États arabes tels que le Soudan, la Syrie ou le Yémen, l’accès à des données fiables sur le financement de l’éducation dans les situations de conflit manque cruellement, ce qui complique davantage la tâche quand il s’agit d’apporter un soutien adapté aux systèmes éducatifs de ces pays.
29 mars 2018 par Sawsan Al Refai, Arab Campaign for Education
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Lecture : 9 minutes
Une salle de classe du niveau 7 au Soudan. Crédit: GPE/Kelley Lynch
Une salle de classe du niveau 7 au Soudan

Bien que la région arabe ait progressé en termes de taux de scolarisation au cours de la dernière décennie, depuis deux ans, les progrès ont cessé. Dans la région, le nombre total d’enfants, d'adolescents et de jeunes non scolarisés est resté pratiquement le même depuis trois ans. Dans cette zone déchirée par les conflits, on ne s’attend cependant qu’à une détérioration des taux de scolarisation et autres statistiques de l’éducatione.

L’état de l’éducation dans la région arabe

Le pays arabe ayant le plus grand nombre d’enfants non scolarisés est le Soudan (avec 2,7 millions d’enfants en âge de fréquenter l’école et non scolarisés). Le Yémen et la Syrie ont également des nombres élevés d’enfants non scolarisés, mais du fait des conflits faisant rage dans ces deux pays, il n’existe aucun chiffre fiable, quels que soient la région ou le groupe d’âge.

Au Yémen seul, on estime qu’au moins 1,9 millions d’enfants sont non scolarisés et que 4,2 millions ont besoin d’une aide pour pouvoir poursuivre leur scolarité. Le Soudan et le Yémen sont tous deux des pays largement touchés par la pauvreté économique, et dans ces pays, les taux de non scolarisation sont systématiquement plus élevés que dans les autres pays de la région. En matière d’éducation, les disparités entre les sexes pour ces deux pays sont également supérieures à la moyenne régionale, avec moins de filles ayant accès à l’éducation que leurs pairs garçons.

Les enfants réfugiés ont cinq fois plus de risques d’être non scolarisés que les enfants non réfugiés. Les besoins éducatifs des nombres élevés de réfugiés et de personnes déplacées internes qui se déplacent à partir ou vers les pays comme le Yémen, la Syrie, l’Irak et la Libye, dont au moins la moitié a moins de 18 ans, ne sont pas pris en compte.

Le financement de l'Éducation 2030 dans les scénarios d’urgence

La région arabe a adopté l’agenda du Développement durable, ainsi que l'Éducation 2030 et sa vision ambitieuse. Mais seuls quelques pays de la région ont pris en compte l'agenda Éducation 2030 dans sa totalité, non seulement avec ses exigences pour un financement de l’éducation suffisant, mais également pour la garantie d’une éducation de qualité inclusive et équitable. Dans la région, l’autre problème est de rendre disponibles des données de l'éducation qui soient fiables.

Toutes les données disponibles montrent qu’aucun des pays touchés par un conflit dans la région satisfait aux normes internationales en matière de financement de l’éducation (dans l’ensemble des pays touchés par un conflit, la part de budget allouée à l’éducation est largement inférieure à 20 %).

Dans les pays qui s’appuient largement sur le financement du secteur public de l’éducation par des bailleurs, comme le Yémen, l’éducation reçoit la plus petite part des financements destinés à des groupes – par exemple, le Plan d’aide humanitaire du Yémen ne prend en compte que 0,8 % des besoins du secteur.

Tandis que la Commission de l’éducation demande à ce que 97 % des financements requis pour réaliser l'ODD 4 proviennent des budgets nationaux, dans cette région, la réalité montre qu'il est difficile de satisfaire cette exigence en situation d’urgence pour plusieurs raisons, les données figurant parmi les plus essentielles. Au cours de la conférence de refinancement du GPE en février, seuls deux pays de la région se sont engagés, le Soudan et la Somalie.

Les données sur le financement de l’éducation sont difficiles à obtenirt

Lorsque les États sont préoccupés par la satisfaction des besoins élémentaires des populations touchées par un conflit (ou lorsqu’ils sont directement engagés dans un conflit armé), il n’est pas rare que l'infrastructure et les systèmes responsables des données de l’éducation se fragilisent, voire s’effondrent.

Les données sur les budgets de l’éducation dans les zones touchées par un conflit sont opaques et peu fiables. À l’exception de la Palestine, aucun pays arabe en situation d'urgence ne diffuse de données sur le budget et les dépenses en matière d’éducation. Les données sur le financement sont également extrêmement politisées en cas de conflit et souvent, elles ne reflètent pas les véritables chiffres.

Par ailleurs, lorsqu’il y a plusieurs autorités dans le secteur de l’éducation (comme dans le cas de deux ministères de l’éducation au Yémen), ou qu’il y a une absence d’harmonie dans le processus de budgétisation entre le niveau national et le niveau fédéral (comme au Soudan), il devient très difficile de déterminer les dépenses en matière d’éducation.

Les données sur les groupes marginalisés sont encore plus difficiles à obtenir. Il s’agit en effet de groupes d’enfants qui sont systématiquement négligés dans les statistiques, tels que les enfants handicapés, les enfants réfugiés et les filles mariées.

Il existe peu de coordination entre les agences régionales et internationales. Dans le cas de la Syrie par exemple, au moins 50 acteurs différents dans la région tentent de proposer des services éducatifs, et chaque organisation fournit ses propres statistiques. Le problème est donc non seulement que le niveau actuel en matière de prestation des services éducatifs n’est pas clair pour ces populations, mais surtout que la responsabilité quant à la production et la diffusion des données devient floue et se trouve dispersée entre plusieurs acteurs.

Les systèmes de données de l’État comme de la société civile sont davantage affaiblis par le fait que les financements destinés aux activités statistiques sont inadéquats ou inexistants. La société civile dispose souvent de peu de capacités pour collecter des données fiables à la fois sur les besoins de l’éducation et les budgets qui y sont alloués selon les normes internationales. Ceci est aggravé par une coordination insuffisante à la fois au niveau national, et entre les parties prenantes nationales et internationales.

La reconstitution des données dans les situations d’urgence

Alice Albright, Directrice générale du GPE, a souligné, lors du lancement de la Table ronde sur les solutions relatives aux données de l’éducation que les données étaient une des priorités les plus urgentes pour la réalisation de l’ODD 4. Il devrait en être de même dans les situations d’urgence. La reconstitution des fonds n’est efficace que si elle est associée à des efforts concentrés d’amélioration des données, non seulement sur le financement de l’éducation, mais sur l’éducation en général.

Le pouvoir de plaidoyer du GPE et d'autres bailleurs et acteurs internationaux de l’éducation doit être axé sur la collaboration avec la société civile dans les pays confrontés à des scénarios d’urgence pour un accès à des données plus transparentes et fiables.

Le rôle de l’Institut de la Statistique de l’UNESCO (ISU), qui est d’explorer des moyens plus efficaces et innovants de refléter les données de la région arabe comme « région non homogène » et zone de conflit, est également essentiel pour traduire les besoins éducatifs au-delà des simples évaluations d’apprentissage et du financement de l’éducation.

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