Démultiplier l’élan en faveur de l’éducation des filles en Afrique
En tant que survivante de la violence basée sur le genre en milieu scolaire et ayant évité de peu un mariage précoce, Alice Saisha comprend les obstacles auxquels les filles sont confrontées au quotidien. C'est pourquoi elle milite sans relâch pour leur éducation.
18 décembre 2018 par Alice Saisha, UNGEI
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Lecture : 4 minutes
Alice est un modèle à suivre dans sa communauté et retourne régulièrement à son école en tant que mentor
Alice est un modèle à suivre dans sa communauté et retourne régulièrement à son école en tant que mentor

Ayant grandi en zone rurale, je comprends les obstacles que rencontrent quotidiennement les filles. Moi-même survivante de la violence liée au genre en milieu scolaire (VLGMS), j’ai échappé de peu à un mariage précoce. Ce vécu a fait naître en moi une passion militante pour la lutte directe contre ces problèmes, notamment en racontant mon histoire.

Je ne suis pas seule : de nombreuses filles africaines abandonnent l’école ou ne sont pas scolarisées. En cause : la pauvreté, le VIH/SIDA et le mariage d’enfants. En Zambie, 31 % des filles sont déjà mariées à l'âge de 18 ans. Soixante-et-un pourcent des enfants scolarisés ont signalé avoir subi des violences au cours du mois précédent (Fleming and Jacobsen, 2010).

Grâce à l’aide de la CAMFED - Campagne pour l’éducation des filles, j’ai rejoint 119 966 jeunes femmes, anciennes élèves de la CAMFED, qui se font appeler membres du réseau CAMA, dans l’ensemble des zones rurales africaines, notamment au Ghana, au Malawi, en Tanzanie et au Zimbabwe. Nous sommes toutes des ambassadrices chefs de file, qui œuvrons à démultiplier l’élan en faveur de l’éducation des filles en Afrique.

Réinvestissons les bénéfices de notre éducation

En fait, après l’achèvement de nos études secondaires, nombre des membres du réseau CAMA retournent dans leur école locale en tant que Guides d'apprentissage, sortes de modèles et marraines pour les élèves vulnérables, afin de les guider dans un programme scolaire d‘apprentissage des compétences pratiques intitulé My Better World (Mon monde meilleur). Nous aidons ainsi les élèves à surmonter leurs difficultés, rester scolarisées et gagner en confiance pour améliorer leur performance scolaire.

Grâce à des réunions au sein des communautés, nous, membres du réseau CAMA, sommes également le porte-voix des filles invisibles. Nous insistons sur la nécessité d'abattre les obstacles entravant l'accès des filles à l’éducation. Les domaines dont nous nous occupons en priorité sont la justice sociale / les droits de l’enfant, la protection de l’enfance et la santé sexuelle et reproductive des adolescents.

Au cours des réunions, les parents discutent des meilleurs moyens de faire en sorte que les filles restent à l’école et de veiller à ce que davantage de filles soient scolarisées pour bénéficier d’apprentissages. Les parents s’engagent à se joindre à nous pour veiller à la collecte de dons, à la bonne alimentation des enfants et à la satisfaction de leurs besoins scolaires.

Au cours de l’année écoulée, j’ai ainsi rencontré plus de 400 parents désireux de s’engager.

Les réunions communautaires peuvent également donner lieu à des visites au domicile et à des actions concrètes au nom des filles mariées lorsqu’elles étaient enfants. Nous travaillons aux côtés des parties prenantes tels que les chefs locaux, les parents, la police et les membres de la communauté pour plaider en faveur des personnes dans le besoin et répondre aux cas d’abus.

Nous animons des formations et éduquons la communauté sur les questions de santé, en insistant particulièrement sur la santé sexuelle et reproductive des adolescents, scolarisés ou non. Nous tentons de contacter chaque fille âgée de 12 à 18 ans mariée de force afin de la mettre en relation avec des acteurs spécialisés dans les domaines de la santé, de la justice et de l'aide sociale.

Les yeux pleins de larmes, il arrive souvent que les filles expriment combien elles avaient espéré un avenir meilleur.
Alice (en bleu) avec six des nombreux élèves qu'elle a directement soutenus à travers l'école.

Nous mobilisons également le gouvernement par le biais de réunions, de formations et de partage d'expériences concrètes sur l'impact de notre travail. Nous identifions les problèmes clés qui empêchent les filles d’aller à l’école et explorons avec des représentants du ministère de l’Éducation, la meilleure manière de travailler ensemble pour les résoudre.

Du plaidoyer à l’action

Je prends également le temps d'animer des séances d'encadrement à mon ancienne école secondaire, afin d’aider les filles à acquérir des compétences pratiques. En deux ans, j’ai rencontré plus de 500 élèves. Je propose des entretiens de motivation, ainsi que des conseils professionnels pour les aider à élargir leur horizon.

Avec les autres membres du réseau CAMA, je me rends dans les écoles pour rencontrer les représen-tants des clubs scolaires et parler des droits de l'enfant, créer des plateformes pour favoriser la communication entre eux au moyen de réunions, de débats et grâce au théâtre, afin de diffuser l’information.

Selon le domaine et la sensibilité du problème, je conseille les individus et les groupes et propose des séances de parrainage. Cela aide les filles scolarisées à faire face à certaines expériences traumatisantes et leur offre un espace où elles peuvent s'exprimer ouvertement. Près de deux filles sur cinq disent avoir été agressées et n’avoir personne à qui en parler. Elles ont besoin de mon aide.

Le plaidoyer est essentiel. J’ai fait des présentations à la radio, à la télé, dans des réunions, ainsi que dans des événements internationaux, comme par exemple la réunion annuelle du Comité consultatif mondial de l’Initiative en faveur de l’éducation des filles (UNGEI), au cours de laquelle j’ai représenté les jeunes pendant plus de trois ans.

Le plaidoyer entraîne l’action, qui se manifeste par des œuvres de philanthropie, comme le paiement des frais scolaires et des frais d’inscription ou de matériel pour les filles dans le besoin.

Jusqu’ici, j’ai utilisé les fonds générés par la petite affaire d'élevage de poules que j'ai montée afin d’aider les enfants de ma communauté à rester à l’école et réussir.

À ce jour, j’ai pu aider 11 filles et un garçon dans leur scolarité. Je paie leurs frais d’inscription, leurs fournitures et uniformes, et j'abrite également deux filles. Memory, la plus âgée, termine l’école cette année et s’est avérée être une élève remarquable.

Ces filles ont grandi dans l’extrême pauvreté et ont survécu au mariage précoce et à toutes formes de difficultés et de rejet.

Travailler aux côtés des réseaux de jeunes m’a permis de contribuer à des événements, des expositions et des activités de sensibilisation. La CAMA est un réseau qui a contribué à mon développement. Un réseau de soutien entre sœurs qui propose un parrainage entre pairs grâce à un engagement commun : aider d’autres enfants vulnérables.

Ce réseau favorise une évolution positive au sein des communautés pour les garçons et les filles grâce à la philanthropie, au plaidoyer et à la protection de l’enfance.

Toutes ces petites choses que nous faisons contribuent à un impact plus large.

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