La santé des enfants doit-elle être la prochaine priorité de l’éducation dans le monde ?
Il est clair que pour atteindre l'éducation pour tous, des investissements dans le secteur de la santé de l'enfant et de l'adolescent sont nécessaires.
08 avril 2016 par Donald Bundy, London School of Hygiene & Tropical Medicine, et Linda Schultz, Research Consortium for School Health and Nutrition
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Lecture : 8 minutes
Un jeune élève lave ses mains avant de rentrer en classe. École du Centre, Conakry, Guinée. Crédit: GPE/ Tabassy Baro

Ces dernières décennies, les pays à faible revenu ont accompli de grands progrès sur la voie de l’« éducation pour tous » et des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), grâce à une accélération de la scolarisation et à la promotion d'un accès équitable à l’éducation.

Ces succès ont conduit à mettre davantage l’accent sur de nouveaux objectifs et de reconnaitre notamment que, le fait qu'un plus grand nombre d'enfants passent plus de temps à l'école, n'entraîne pas forcément de meilleurs résultats, si l’on ne met pas simultanément l’accent sur l’apprentissage.

Ces précieux idéaux sont désormais inscrits au sein des Objectifs de développement durable (ODD) mais, les moyens d'atteindre ces objectifs éducatifs multiples dépendent toutefois de quelques solutions bien connues : plus d’écoles, de meilleurs enseignants et outils pédagogiques.

La réalisation de l'objectif de l'éducation pour tous nécessite d’être envisagée au-delà du seul secteur éducatif

Une nouvelle analyse suggère qu’il serait bénéfique d’étendre cette vision pour y inclure la santé et l’alimentation de l’enfant.

La troisième édition des Priorités de contrôle des maladies (DCP3) est la manifestation la plus récente d’une analyse datant d’une vingtaine d’années, portant sur les moyens les plus économiques de promouvoir la santé dans les pays à faible revenu.

Cette dernière édition prend la forme d’une série en 9 volumes, dont le premier a été publié en mars 2015 et le dernier, prévu pour décembre 2016. Pour la première fois, un volume entier des DCP3 traite spécifiquement du développement des enfants et des adolescents, soulignant le fait que l’éducation exerce une influence capitale sur les résultats du développement.

Pour apprendre, les enfants doivent être en bonne santé

Cette analyse souligne que l’accès universel à l’éducation pour les enfants est un des rares exemples de bien public qui fait l’objet d’une acceptation quasi-universelle, et d’un financement en tant qu’objectif politique mondiale.

Elle montre également que les résultats éducatifs sont eux-mêmes essentiellement dépendants de la santé et de l’alimentation de l’enfant : les enfants malades et souffrant de la faim sont moins susceptibles d’aller à l'école et d'apprendre quand ils y vont.

Curieusement, la plupart des pays à faible revenu qui considèrent l'enseignement gratuit comme un bon investissement, n'investissent pas dans la santé et l'alimentation des enfants scolarisés censés bénéficier de l'enseignement offert.

De nombreuses données montrent cependant que, pour beaucoup d’élèves défavorisés, un plus grand investissement dans leur éducation doit être associé à un investissement dans leur santé et leur alimentation également, ceci afin de créer un cercle vertueux. Investir dans la santé et l’alimentation des élèves et des enfants préscolarisés peut consolider le retour sur les investissements dans l’éducation existants : en effet, les pays qui ont déjà accompli des progrès en matière d'éducation constatent souvent qu’il est plus économique d’investir dans la santé et l’alimentation des élèves, que de rechercher des améliorations marginales au moyen d’autres investissements éducatifs.

Investir dans des programmes scolaires de santé et d’alimentation est bénéfique pour l’éducation

Afin de résoudre ce paradoxe, ce volume des DCP3 sur le développement des enfants et des adolescents, souligne que les programmes scolaires de santé et d'alimentation, sont des compléments quasiment universels des programmes d'éducation dans les pays à revenu intermédiaire et élevé.

Le volume présente une brève liste d’investissements clés constituant un ensemble essentiel à des interventions scolaires en matière de santé et d'alimentation dans les pays à faible revenu, favorisant le développement de l’enfant et donc les résultats scolaires :

  • des politiques scolaires saines (par ex. : en matière d’alimentation et d’exercice physique)
  • l’accès à de l’eau potable et des installations sanitaires dans l’établissement
  • l’offre de services de santé à faibles coûts et rendement élevé (par ex. : traitements antiparasitaires, bonne hygiène buccale et fluorisation, repas scolaires ciblés)
  • une éducation à la santé et à l’alimentation dans les programmes scolaires.

Les bénéfices de ce type d’interventions sont beaucoup plus importants auprès des enfants les plus pauvres et les plus malades, ainsi que des filles ; par conséquent, ils permettent d’atteindre des objectifs d'équité en matière d'éducation. Par exemple, les écoles qui mettent en œuvre des campagnes massives de traitement antiparasitaire sont susceptibles de voir une augmentation significative de la fréquentation scolaire au sein du groupe des enfants les plus malades ou souffrant d’un retard de croissance. De même, les études montrent qu’offrir une prophylaxie antipaludéenne aux jeunes enfants, peut entraîner des taux de scolarisation plus élevés dans le primaire, en particulier chez les filles. Cette liste se base sur l’approche FRESH (Focusing Resources on Effective School Health), lancée lors du Forum mondial de l’éducation de Dakar en 2000, qui demeure encore aujourd’hui, un principe directeur fondamental en matière de programmation sanitaire au sein des écoles de nombreux pays à faible revenu.

Le nouveau Plan stratégique pour la période 2016 – 2020 du Partenariat mondial pour l’éducation (GPE), tient spécifiquement compte de la santé et l’alimentation comme éléments importants pour la réalisation d’une éducation universelle de bonne qualité. Il s'agit d'une importante évolution susceptible de favoriser plus d’équité et améliorer la qualité de l’apprentissage, tout en contribuant à renforcer le rendement des investissements dans l’éducation au niveau mondial. Nombre des partenaires au développement qui soutiennent le GPE étant également d’importants investisseurs dans le domaine de la santé mondiale, cette évolution est indéniablement l'occasion de créer une synergie en termes d’investissement dans ces deux secteurs.

***

Donald Bundy, chargé des Maladies orphelines tropicales à la Fondation Bill et Melinda Gates, est le rédacteur en chef du volume 8 des DCP3, « Développement des enfants et des adolescents ». Linda Schultz, de la Banque mondiale, est la coordinatrice du même volume. Celui-ci sera publié en décembre 2016. L’ensemble des volumes déjà publiés de la série, est disponible et téléchargeable gratuitement sur DCP-3.org.

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Commentaires

Enseignant chercheur (senior océanographe) à l'Institut Halieutique et des Sciences Marines (IH.SM) de l'Université de Toliara- Madagascar, je me suis toujours très intéressé par la santé et l'alimentation de mes étudiants depuis plus de 20 ans.
Le problème de la Capacité de Concentration des jeunes durant les longues séances de travail (cours; conférences, travaux dirigés; travaux pratiques...etc.); leur régime alimentaire par rapport à leur culture familiale et leurs activités extra-universitaires et la disponibilité des ressources alimentaires dans leur région respective sont nos thèmes de débats favoris durant les premières heures de démarrage de "mes cours formels" à chaque rentrée universitaire. Ces cours extra intéressent beaucoup nos jeunes étudiants car durant leur itinéraire scolaire (écoles primaire-école secondaire), ils ont reçu peu de cours de nutrition-santé dans le cadre du programme pédagogique national.
Or Madagascar est un pays où l'on trouve une variété d'écosystèmes grâce à ses divers climats, et par conséquent les légumes et les fruits et d’autres plantes endémiques, les ressources aquatiques/halieutiques… abondent en fonction des saisons et dans diverses régions du pays (les marchés de la Capitale en sont les témoins de la richesse de cette biodiversité).
Mise à part les problèmes d’accès à ces ressources vivrières, une grande partie de la population de la grande l’île (instruits et non instruits) reçoivent peu d’informations (même à travers les Médias) sur les notions de la Nutrition/Alimentation/Santé.
Par ailleurs, une équipe de chercheurs de notre Institut a lancé la culture de la Spiruline (souche locale) en 1998-2002 avec la création des 2 fermes dont Spirusud-Antenna qui travaille en collaboration avec les organismes caritatives des sœurs s’occupant des enfants de bas âge malnutris.
Aujourd’hui, en grande partie grâce à notre équipe, il existe environ une quinzaine de producteurs de spiruline à Madagascar. Malheureusement, faute de moyens, de cahier des charges, de normes et de consommateurs trop peu informés sur le produit, une grande partie de ces fermes ne tiennent pas rigueur des nombreux critères qualitatifs sur le processus de production.
Pour remédier à cela, récemment une jeune start-up en business social et solidaire –EQUITALGUE –Madagascar a lancé un produit innovant de haut de gamme de spiruline avec un taux élevé de pigment bleu (phycocyanine) et un goût très peu prononcé facilitant la consommation du produit fini empaqueté avec soin pour conserver ses propriétés intactes. Afin d’être pérenne, la start-up commercialise 75% (majoritairement à l’exportation) pour permettre la distribution de 25% de sa production aux enfants souffrant de malnutrition chronique.
En gestation… un projet de quelques centaines d’hectares de culture semi industrielle de microalgues dans le Grand sud de Madagascar sera réalisé au cœur de la zone sensible au Changement Climatique, où sévissent la sécheresse et la famine périodique ; et initié par 2 organismes associés Spirusud Antenna et Equitalgue production & consulting ; et dont les objectifs sont triple- i) la Prévention contre la Malnutrition chronique infantile ; ii) l’Education nutritionnelle ; et iii) la contribution à la lutte contre le Changement Climatique par la séquestration du CO2 par les micro algues.
L’Intégration de l’Education nutritionnelle (scolaire et parentale) et la Santé fait partie de notre perspective dans nos engagements du Millénaire pour le Développement ; et nous espérons avoir un interlocuteur sensible à notre projet dans le cadre de la lutte contre la Malnutrition chronique infantile dans le Grand Sud de Madagascar.

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