Le parcours d'ambassadrice de l’éducation d’une jeune femme
Entretien avec Victoria Ibiwoye, représentante de la jeunesse au Comité directeur d’Éducation 2030. Elle nous parle de ses expériences et de ses motivations, et fait passer un message aux autres jeunes concernant l’éducation.
18 octobre 2018 par Secrétariat du GPE
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Lecture : 5 minutes
Victoria Ibiwoye, représentante de la jeunesse au Comité directeur d’Éducation 2030.
Victoria Ibiwoye, représentante de la jeunesse au Comité directeur d’Éducation 2030.

Le thème de 2018 pour la Journée internationale des filles « Avec elle : une force de filles compétentes » met l’accent sur les défis pressants auxquels sont confrontées les filles qui entrent sur le marché du travail.

Elles sont confrontées très tôt à ces défis car, sur elles pèse le fardeau des stéréotypes sexistes et des obstacles structurels qui les empêchent d'acquérir les compétences pertinentes en vue d’obtenir un emploi et bien souvent, d’aller à l’école à plein temps.

On estime à 132 millions, le nombre de filles non scolarisées dans le monde. Si 9 filles sur 10 dans le monde achèvent le primaire, seules 3 sur 4 achèvent le secondaire. Le cercle vicieux du manque d’éducation, d’une faible productivité et de la pauvreté touche les filles et les femmes de façon disproportionnée. Les femmes participent ainsi moins à la main-d’œuvre, avec des différences de revenus entre les femmes et les hommes.

Reconnaissant l’importance de l’éducation dans sa vie et celle de tous les enfants, Victoria Ibiwoye, représentante de la jeunesse au Comité directeur de l’ODD - Éducation 2030, œuvre à faire évoluer les politiques éducatives dans le monde tout en menant un mouvement populaire en faveur de l’éducation au Nigéria. Nous nous sommes entretenus avec elle sur ses motivations, ses expériences et sur le message qu'elle souhaite transmettre aux autres jeunes du monde entier.

Que signifie pour vous le thème « une force de filles compétentes » ?

Les compétences du 21ème siècle sont nécessaires à la main-d’œuvre d’aujourd’hui, et l’acquisition de ces compétences fait partie intégrante de l’éducation en vue d’un développement véritablement durable. Encore aujourd’hui, certains emplois semblent naturellement convenir aux hommes et d’autres, aux femmes. Mais si chacun, fille comme garçon, avait accès à une éducation de qualité, et acquérait donc compétences, nous verrions progressivement se former une armée de citoyens actifs, et nous serions susceptibles d’atteindre une prospérité économique et sociale.

Je crois que nous pouvons créer une force de filles compétentes en éliminant les stéréotypes liés au genre dans nos institutions pédagogiques et en cessant de considérer certains métiers comme des domaines interdits aux filles. La semaine dernière, deux grandes personnalités féminines ont reçu un prix Nobel, - Donna Strickland en physique et Nadia Murad pour la paix. Cela montre que nous pouvons avoir des femmes brillantes en physique, ingénierie et d’autres domaines traditionnellement réservés aux hommes selon les normes sociétales.

Qu’est-ce qui vous a inspirée pour devenir ambassadrice de l'éducation ?

Enfant, j’ai souffert de difficultés d'apprentissage (dyslexie) et j'ai connu plusieurs crises identitaires dues à une enfance difficile. Je me sentais bloquée par les normes sociales. Mais, les difficultés auxquelles j’étais confrontée se sont finalement avérées un bienfait caché, puisqu’elles m’ont poussé à tracer mon chemin dans le plaidoyer en faveur d'une éducation inclusive. L’éducation m’a apportée l’assurance nécessaire pour trouver ma voix. Et mes expériences m’ont motivée à aider les enfants des communautés marginalisées qui, comme moi, sont souvent minées par des questions identitaires. Je voulais m’assurer que ces enfants puissent bénéficier très tôt des enseignements que j’ai pu tirer dans ma vie.

L’état d’esprit positif qui m’anime est un élément important de mon parcours. Malgré tous les obstacles que j’ai rencontrés, mes difficultés d’apprentissage et le fait d’être une fille, je n’ai jamais pensé que quelque chose m’arrêterait. J’ai gagné en connaissance de moi-même en faisant du bénévolat pendant mes années d’étudiante. Cela m'a aidée à libérer mon potentiel et à découvrir ma voie dans le plaidoyer. Je suis devenue une ambassadrice mondiale de la jeunesse grâce à ma volonté de créer une société plus égalitaire, mais aussi grâce à l’éducation de qualité dont j‘ai bénéficié et aux compétences que j’ai acquises.

Parlez-nous de votre fondation OneAfricanChild. Quelles approches innovantes de l’éducation utilisez-vous et quels sont les résultats ?

A la fondation OneAfricanChild, nous sommes engagés dans une redéfinition de l’éducation : nous répondons aux besoins des enfants issus des communautés défavorisées en Afrique au moyen d’ateliers basés sur des activités éducatives, du plaidoyer et de programmes d’émancipation centrés sur la citoyenneté mondiale. Parmi les compétences importantes auxquelles nous nous intéressons, on trouve l'intelligence émotionnelle, la compréhension des droits de l’homme, la paix, le leadership et l’entreprenariat.

Nous travaillons avec les filles et les garçons, mais sommes sensibles au genre et conscients que les filles et les garçons sont différemment affectés par le manque d'accès à l’éducation. En partenariat avec les écoles et les communautés, nous fournissons des programmes de tutorat aux filles et mères adolescentes vivant dans des zones isolées et ayant un accès limité à l'éducation. Les filles et les jeunes mères sont en binômes avec des bénévoles qui partagent avec elles leur parcours de résilience, afin de les inspirer et de contribuer à leur émancipation.

Par exemple, une des tutrices bénévoles qui venait de l'enseignement a entrepris de fabriquer des chaussures, un métier dominé par les hommes au Nigéria. Elle utilise à présent son travail et son expérience comme sources d'inspiration pour que les filles se lancent des défis et fassent évoluer le statu quo. Avec de tels modèles, les filles prennent confiance et gagnent en motivation pour trouver leur propre voie.

Nous pensons que tous les enfants méritent l'opportunité de bénéficier d’une éducation qui les prépare à une citoyenneté active. Grâce à nos ateliers, nous avons contribué à l’émancipation de milliers d'enfants au Nigéria, au Kenya et au Bénin, en leur transmettant les compétences pratiques nécessaires pour envisager leur propre avenir et contribuer à la société de façon significative.

Parlez-nous de votre rôle au Comité directeur de l’ODD 4 – Ed2030 de l'UNESCO. Comment les jeunes peuvent-ils s’impliquer dans ce processus ?

Le Comité directeur de l’ODD 4 – Éducation 2030 est un mécanisme mondial qui examine les avancées relatives à l’ODD 4 (accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promotion des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie) et aide les Etats et la communauté éducative à veiller à la réalisation de cet objectif.

Je suis la représentante de la jeunesse au Comité directeur. Puisque les politiques éducatives ont un impact fondamental sur la vie des jeunes, mon rôle est de veiller à ce que les préoccupations et recommandations des jeunes soient prises en compte dans les décisions du Comité directeur.

Je ne fais pas cela toute seule. Je consulte des jeunes du monde entier afin de recueillir leurs idées et opinions sur les difficultés rencontrées en matière d’éducation.

Lors de la Conférence panafricaine sur l’éducation en avril 2018, j’ai travaillé avec d’autres ambassadeurs de la jeunesse à garantir que les principales préoccupations des jeunes – notamment les droits en matière de santé reproductive et sexuelle, de compétences pour le monde du travail et de responsabilité – soient reflétées dans la Déclaration de Nairobi.

J’ai récemment recommandé la création d’un Groupe de jeunes ambassadeurs représentatif au Comité directeur. Je me réjouis de l'accueil très positif qui a été réservé à ma recommandation, et il y aura donc d’autres occasions pour que les jeunes s’impliquent dans le processus mondial de l’ODD 4.

Les jeunes peuvent également proposer leurs idées en matière d’éducation grâce aux consultations lors de divers événements liés à l’ODD 4. Ils peuvent surtout émettre des recommandations au Comité directeur via twitter @Education2030UN.

Que recommandez-vous aux autres jeunes qui veulent changer les choses ?

À tous mes jeunes camarades, je dirais que leur éducation et leurs compétences ne sont qu’un ingrédient de la réussite – le plus important étant de croire en soi. N’attendez pas les conditions idéales ou le moment idéal pour décider de contribuer à la société.

Si vous êtes touché(e) par un problème social, œuvrez à trouver des solutions en vous impliquant pour faire évoluer votre communauté. Mettez vos compétences à jour de façon continue, faites du bénévolat et trouvez des occasions d’acquérir de nouvelles compétences. Ainsi, vous gagnerez également en assurance pour le métier qui vous intéresse.

Que peuvent faire les dirigeants du monde pour que toutes les filles aient accès à une éducation de qualité ?

Les dirigeants du monde doivent ouvrir la voie et faire de l’émancipation des filles et des jeunes femmes une priorité dans leurs programmes et leurs plans. Nous avons besoin de politiques renforcées et engagées pour que les filles et les jeunes femmes aient des opportunités équitables, comme qu’elles le méritent en tant que citoyennes à même d'exercer leurs droits élémentaires.

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