L’éducation en danger : financer les risques en matière d’éducation
Des phénomènes tels que les séismes, la sècheresse, les conflits armés, les crises sociales, la fluctuation des cours des matières premières et les crises financières perturbent l’offre de services éducatifs et entravent la capacité des systèmes éducatifs à produire des bénéfices durables.
13 avril 2016 par Alice Albright, GPE Secretariat
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Lecture : 8 minutes
Shree Mahendrodaya Higher Secondary School. Sindhupalchowk, Nepal Credit: GPE/Aya Kibesaki

Nos investissements dans l’éducation sont en danger. Des phénomènes tels que les séismes, la sècheresse, les conflits armés, les crises sociales, la fluctuation des cours des matières premières et les crises financières perturbent l’offre de services éducatifs et entravent la capacité des systèmes éducatifs à produire des bénéfices durables.

Les infrastructures éducatives sont détruites ou détériorées. Les écoles sont utilisées comme abris à long terme. Les élèves et les enseignants n’ont plus la possibilité de se rendre dans les écoles par crainte pour leur sécurité. La faim, la malnutrition et d’autres problèmes de santé infantile limitent la fréquentation scolaire et contribuent à l’absentéisme des enseignants. Mais surtout, les segments de population les plus vulnérables sont généralement ceux qui sont le plus affectés en cas de crise.

Les chocs subis par le système

Au Népal, le séisme de mars 2015 a causé 313 millions de dollars de dégâts dans le secteur éducatif. En Sierra Leone, la crise d’Ebola a entrainé la fermeture des écoles pendant près de neuf mois entre 2014 et 2015. En Somalie, des années de guerre civile ont détruit ou entraîné la fermeture de 75 % des écoles publiques, et deux générations d’enfants ont grandi sans aucun accès à l’éducation de base.

Au Tchad, la crise humanitaire, exacerbée par la chute du prix du pétrole, a remis en question la capacité de l’État à honorer ses objectifs de dépenses en matière d'éducation, et les appels à l'aide humanitaire n'ont pas réussi à lever les 7,3 millions de dollars nécessaires au soutien à l’éducation pour les réfugiés. Au Niger, l’instabilité créée par la présence de Boko Haram a forcé l'État à une réallocation des dépenses du budget de l’éducation au secteur de la sécurité.

Il y a également une forte probabilité que la fluctuation des prix du pétrole ait un impact sur le financement de l’éducation au Nigéria, et que la sècheresse en Éthiopie, cause un grave choc dans le secteur éducatif du pays.

Le GPE a investi 4,4 milliards de dollars à travers 120 financements dans 56 pays. L’an dernier, plus de 60 % de nos financements ont été alloués à des pays fragiles et touchés par un conflit. Pour nous, les pertes subies par nos  pays partenaires sont préoccupantes. Des outils de gestion et de transfert des risques, notamment l’assurance, permettraient d'offrir un ensemble conséquent d'instruments de protection de nos investissements face à l’impact de tels chocs.   

Le transfert de certains risques au marché et une meilleure planification des moyens de résilience, permettraient la mobilisation d'autres sources de financement, une plus grande efficacité et une amélioration de la qualité des dépenses.

L’accès rapide aux financements est essentiel

Le coût des chocs est amplifié par les délais d’intervention, alors qu’une intervention rapide a un effet multiplicateur positif. Plus un enfant reste non scolarisé, plus il est susceptible de ne jamais retourner à l'école mais, le financement d’interventions rapides dans les pays pauvres est souvent compliqué.

Tout ceci s’ajoute au fait que le financement d’une intervention en réponse à une crise est imprévisible, que l’aide humanitaire a tendance à se focaliser sur des activités de survie, et que l’éducation ne figure généralement pas au rang des priorités.

Il ne s’agit toutefois pas seulement d’une question de financement. La prise en considération des risques lors de la conception et de la mise en œuvre des plans sectoriels de l’éducation, peut augmenter de façon significative la capacité de gestion proactive de ces risques au sein du pays. Si certains risques ne sont pas aisément prévisibles, d’autres peuvent être atténués au moyen de mesures pratiques telles que la construction de bâtiments scolaires plus solides dans les zones sismiques ou le fait d’éviter, suite à une catastrophe, d’utiliser les écoles comme abris à long terme.

Une évaluation élémentaire des risques au stade de la préparation d’un projet permettrait d’inclure des mesures précieuses d’atténuation de ceux-ci, susceptibles d’être mises en œuvre dans le cadre des plans sectoriels de l’éducation et d’améliorer les capacités nationales de résilience.

L’intérêt du marché

Le marché des assurances montre une volonté croissante de garantir des risques précis affectant les infrastructures matérielles et sociales des pays en développement, notamment les cyclones, les fortes précipitations, les séismes et la sècheresse.

Les assureurs semblent prêts à prendre des risques quantifiés au moyen de modèles basés sur des indices dans lesquels la perte assurée est déterminée à partir de données préalablement convenues et vérifiables de façon indépendante, ainsi que de montants de versement liés à la gravité ou l’ampleur de l’événement particulier et de son impact final.

Ces montants peuvent être utilisés au profit d’un ensemble d’activités déterminé au préalable ou en soutien au budget sectoriel, selon le contexte. Un pays ne serait éligible pour ce type d’assurance que dans la mesure où il aurait inscrit un plan de gestion des risques dans son plan sectoriel de l'éducation.

Une fois assurés, les risques peuvent être transférés au marché international (marchés traditionnels de la réassurance et plus largement, marchés de capitaux) grâce à des instruments tels que les titres obligataires de garantie contre les catastrophes naturelles.

Avec plus de 60 pays partenaires, le GPE offre un ensemble de pays aux caractéristiques naturelles particulièrement diversifiées qui pourrait bien intéresser des investisseurs.

La quantification des risques

Si l’on parvient à réunir ces risques sous-jacents sous forme d’instrument ou de structure, s’ouvre alors une réelle perspective d’utilisation du marché des assurances pour assurer la continuité des systèmes éducatifs vulnérables aux chocs.

Alors que le risque de catastrophes naturelles dans les pays en développement a été modélisé avec succès, le potentiel des risques de nature politique reste à approfondir. Pour parvenir à un mécanisme de financement des risques, il est nécessaire de modéliser le risque événementiel et le coût de maintien des services éducatifs suite à un choc. Cela peut se faire en prenant en compte le nombre de jours d’école manqués et les coûts associés, ou par une mesure combinant le nombre d’enfants affectés au coût estimé par enfant et par jour.

Nous commençons tout juste à explorer ce concept mais son potentiel suscite réellement mon enthousiasme. Je me réjouis à l’avance des avis et suggestions de la Commission internationale sur les opportunités de financement de l’éducation et du panel d’experts en finance qui se réunissent à Washington, D.C. cette semaine. L’éducation est essentielle à la réalisation des Objectifs de développement durable, et la perte des bénéfices de l'éducation entrave la capacité des pays à remplir l’ensemble de leurs objectifs de développement. 

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