Mesurer les acquis scolaires sans forcément passer par des tests papier-crayon
Je n’oublierai jamais ce général qui, dans la lutte du Zimbabwe pour sa liberté, disait : « Trouver le problème, ça c’est facile. Ce qui est dur c’est d’identifier la solution ». Vraie pour la guerre, cette remarque l’est tout autant pour les autres entreprises humaines.
13 mars 2014 par Dzingai Mutumbuka
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Lecture : 10 minutes
Aberash Tsegaye and teacher Roman Getiye  Hidassie School. Addis Ababa, Ethiopia. November 2012. Credit: GPE/Midastouch

Je n’oublierai jamais ce général qui, dans la lutte du Zimbabwe pour sa liberté, disait : « Trouver le problème, ça c’est facile. Ce qui est dur c’est d’identifier la solution ». Vraie pour la guerre, cette remarque l’est tout autant pour les autres entreprises humaines.

Du côté de l’éducation, nous savons que nous avons beaucoup de problèmes. C’est d’ailleurs ce que montre clairement le dernier Rapport mondial de suivi. Des millions d’enfants ne sont pas scolarisés (30 millions en Afrique) et des millions d’enfants qui vont en classe n’y acquièrent pas de connaissances. C’est un énorme problème d’inégalité et un énorme gâchis. Alors, quelles sont les solutions ? 

S’attaquer au déficit mondial de données sur les apprentissages

Depuis juillet 2012, j’ai la chance de contribuer à un groupe qui travaille activement sur cette question. Le Comité de réflexion sur la métrique des apprentissages (LMTF) a été créé pour établir un consensus entre les diverses parties prenantes de l’éducation sur les méthodes à utiliser pour mesurer les apprentissages à l’échelle mondiale et suivre leur évolution.

Dès le départ, le comité a reconnu qu’une mesure efficace des apprentissages ne suffit certainement pas à les améliorer et ne constitue qu’une partie de la solution à apporter aux nombreux problèmes de l’éducation dans le monde.

Nous avons néanmoins convenu qu’en l’absence de données valables sur les apprentissages, il nous était impossible de définir le problème et donc de lui trouver une solution. Afin de pouvoir déterminer les meilleurs moyens d’amélioration des performances d’apprentissage des élèves (supports d’enseignement, meilleurs matériels pédagogiques portant sur des sujets spécifiques, etc.), il est essentiel de commencer par faire le point sur les acquis scolaires. Nous nous sommes donc attelés à l’élaboration de recommandations pour réduire une carence de base : l’absence de définition et de métrique communes pour assurer un suivi mondial des acquis scolaires.

Pour vous abonner à la liste de diffusion du LMTF, envoyez un message à LearningMetrics@brookings.edu.

Les recommandations finales du comité, publiées en septembre 2013, ont été élaborées sur la base des apports des 30 organisations membres, de 186 experts techniques et de consultations publiques menées auprès de plus de 1 700 personnes dans 118 pays. Mais les chiffres ne disent pas tout. En réalité, trouver un consensus parmi les membres du comité n’a pas été une tâche facile. Il était normal que nous ne soyons pas d’accord sur tout, compte tenu des nombreux secteurs, contextes et zones géographiques représentés. Ces désaccords ont néanmoins incité le comité à se montrer innovant dans sa réflexion. 

Pas de préférence pour un type de tests

Le comité a, par exemple, décidé de ne pas privilégier les domaines d’apprentissage faisant déjà l’objet de grandes évaluations à l’échelle internationale mais de raisonner plus globalement en regroupant ces domaines avec d’autres, moins bien mesurés et moins bien définis. Le comité n’a pas non plus voulu recommander un seul type de test ou une méthode unique de recueil de données sur les acquis scolaires. Les consultations nous ont montré, en effet, qu’il existe au niveau mondial un fort désir d’exploration de domaines d’apprentissage dépassant la lecture/écriture et le calcul, ainsi que d’autres méthodes d’évaluation des acquis que les tests classiques papier-crayon. C’est la raison pour laquelle, le comité a recommandé un cadre global de sept domaines d’apprentissages, sept domaines de mesure de suivi mondial, ainsi que la prise en compte de méthodes multiples pour la conception des systèmes d’évaluation des opportunités et des résultats d’apprentissage.

Malgré les efforts déployés par le comité pour tenir compte de tous les points de vue, des divergences d’opinion subsistent sur ces sujets et le comité privilégie la poursuite du dialogue et de la collaboration tandis qu’il aborde la phase suivante de son travail.

Pas d’approche unique           

En ma qualité d’ancien ministre de l’Éducation et de président en exercice de l’Association pour le développement de l’éducation en Afrique (ADEA), j’ai dirigé le dernier groupe de travail du LMTF chargé d’étudier comment mettre à profit la mesure des apprentissages pour améliorer la qualité de l’éducation. Les cinq mois qui nous étaient alloués pour ce travail nous ont à peine permis d’effleurer ce sujet complexe. Pourtant, il y a un point qui n’a cessé d’apparaître dans les consultations que nous avons eues avec plus de 50 ministres, secrétaires permanents et représentants1 : le rôle clé des enseignants dans toute amorce de solution à la crise des apprentissages. Les consultations ont aussi confirmé ce que nous pressentions tous : il n’est pas possible de retenir une approche unique si nous souhaitons aider tous les pays à évaluer et à améliorer leurs niveaux d’apprentissage.  

Tandis que la première phase du travail du comité touche à sa fin, nous savons qu’il nous reste beaucoup à faire pour atteindre notre but ultime : contribuer à l’élévation des niveaux d’apprentissage dans le monde. 

C’est la raison pour laquelle, dans la prochaine phase de son travail, au cours des deux prochaines années, le comité mettra l’accent non plus sur des recommandations mondiales mais sur un appui actif aux pays. 

De plus, nous démarquant d’une stricte orientation sur la mesure en tant que telle, nous étendrons notre réflexion aux possibilités d’utilisation de ces données pour améliorer les acquis scolaires (en tenant compte notamment des données recueillies par les enseignants et les écoles pour étayer leur pratique).  

Le projecteur sur l’Afrique

En Afrique, les recommandations du LMTF influencent d’ores et déjà les débats sur la qualité de l’éducation. L’ADEA va notamment aider les ministres africains de l’Éducation à mettre sur pied un pôle de qualité inter-pays (PQIP) sur l’enseignement et les apprentissages, conjointement dirigé par le Rwanda et l’Ouganda. Cette entreprise est soutenue par la Commission de l’Union africaine, membre du LMTF, et par les ministres de l’Éducation du Rwanda et de l’Ouganda qui se sont engagés à assumer un rôle de leader et à consacrer des ressources financières et humaines à la mise en route de cet important travail.

L’objectif est de créer un forum qui permettra aux pays d’échanger des idées et de s’entraider tandis qu’ils s’essaient à mettre en œuvre les idées contenues dans les recommandations du LMTF. Dans un premier temps, le pôle de qualité inter-pays se concentrera sur l’Afrique de l’Est mais, comme c’est le cas pour d’autres pôles, il étendra ensuite son périmètre aux autres pays de la région. Les pôles précédemment mis en place sur l’éducation pour la paix, le développement technique et le développement des compétences, ou encore l’emploi des langues africaines ont permis l’établissement d’une plateforme de rencontre des représentants des ministères de l’Éducation des différents pays d’Afrique, où œuvrer ensemble à la résolution des problèmes et partager des informations sur les expériences éducatives innovantes réalisées en Afrique.

Dans les autres régions du monde, de l’Amérique latine à l’Asie, les membres du comité prennent également l’initiative d’actions de promotion des recommandations du LMTF. En contribuant à constituer un réseau mondial d’acteurs mettant l’accent non seulement sur l’accès à l’éducation mais aussi sur l’acquisition des connaissances, le comité travaille à établir une meilleure collaboration entre les organisations existantes, à apporter aux pays un appui plus grand et plus pertinent, et à constituer une coalition de parties prenantes ayant une vision commune de l’apprentissage pour tous.    

Note

1. Afghanistan, Afrique du Sud, Argentine, Bahamas, Barbade, Burundi, République démocratique du Congo, Corée du Sud, Côte d’Ivoire, République dominicaine, Éthiopie, Ghana, Guyana, Honduras, Inde, Jamaïque, Jordanie, Kazakhstan, Kenya, République kirghize, RDP lao, Lesotho, Libéria, Malaisie, Malawi, Mali, Mauritanie, Mexique, Népal, Nigéria, Oman, Ouganda, Pakistan, Palestine, Paraguay, Pérou, Rwanda, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Sénégal, Soudan du Sud, Tadjikistan, Tanzanie (Zanzibar), Tchad, Thaïlande, Timor-Leste, Tunisie, Uruguay, Viet Nam, Yémen, Zambie, Zimbabwe​

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