Pourquoi l’accès à une éducation de qualité n’est pas le problème des pays pauvres
Mohamed Sidibay, militant pour le droit à l'éducation et ex-enfant soldat, souligne l'importance de la Conférence de financement du GPE, pour s'assurer que les dirigeants du monde accordent la priorité et reconnaissent l'importance de l'éducation comme moteur du développement économique et de la sécurité mondiale.
12 février 2018 par Mohamed Sidibay
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Lecture : 8 minutes
Quelques dirigeants et les défenseurs de la jeunesse se sont réunis pour un atelier de plaidoyer pour l'éducation des jeunes. L'atelier, soutenu par Plan International, s'est tenu à Dakar, le mercredi 31 janvier 2018. Crédit: GPE/Sirtaj Kaur
Quelques dirigeants et les défenseurs de la jeunesse se sont réunis pour un atelier de plaidoyer pour l'éducation des jeunes. L'atelier, soutenu par Plan International, s'est tenu à Dakar, le mercredi 31 janvier 2018.

Chaque jour, nous sommes les témoins des avantages économiques, culturels et sociaux d’une société éduquée. Nous savons tous que l’éducation porte ses fruits. Pourtant, il semble que la plupart de nos dirigeants parlent beaucoup mais agissent peu pour traiter cette question.

En tant que défenseur de l’éducation, ancien enfant soldat et survivant de la guerre, je comprends les effets de la guerre et de la pauvreté sur les esprits, mais je comprends également le pouvoir de transformation de l’éducation dans une vie.

Ce que je ne comprends pas, par contre, c’est le manque d’efforts concertés pour s’attaquer immédiatement et efficacement à un problème qui n’est ni celui des pays africains ni celui des pays pauvres, mais un problème mondial : l’accès à une éducation de qualité.

En recevant une invitation pour assister et intervenir lors de la plus grande conférence de financement de l’éducation jamais organisée à Dakar la semaine dernière, aux côtés de tous ces noms et de ces pouvoirs, j'étais plutôt sceptique.

J’étais sceptique, car je me demandais : Pourquoi maintenant ? Qu’est-ce qui a changé ? Pourquoi tous ces dirigeants se réunissent-ils au Sénégal pour tenter de lever des fonds pour l’éducation ? Malgré tout, j’y suis allé. Et j’en suis heureux.

La conférence de Dakar annonce un changement de paradigme et de politique

À Dakar, j’ai été le témoin d’un changement de paradigme et de politique. La prise de conscience que nous pouvons soit faire de l’éducation de qualité une réalité pour chaque enfant afin de profiter collectivement des avantages d’une génération éduquée, soit faire face aux coûts d’opportunité de l’inaction : la guerre, la pauvreté, le terrorisme et l’instabilité.

L’argent et le pouvoir ont toujours été là. Ce qui manquait cependant, c’était l’établissement de priorités et le capital politique. La Conférence du Partenariat mondial pour l’éducation au Sénégal n’a ni réinventé la roue ni tenté de rendre possible l’impossible, mais plutôt de déplacer le centre de gravité pour faire émerger l’importance primordiale de l’éducation.

En agissant ainsi, le Partenariat a placé à portée de main ce qui semblait impossible il y a quelques années. L’éducation n’est pas simplement fondamentale pour les ODD, elle est, selon les termes du Président Macky Sall, « un investissement dans l’avenir ; [elle] sème les graines de la dignité humaine en chaque enfant ». Pour faire écho à Jim Kim, Président de la Banque mondiale, l’investissement dans « la matière grise » est un des investissements infrastructurels les plus importants pour un pays.

Dakar a révélé un changement radical à la fois dans l'élan et dans la reconnaissance politique de l'importance de l’éducation comme moteur du développement économique et de la sécurité dans le monde.

Le GPE a relevé le niveau d'implication de la jeunesse lors de la conférence

En tant que jeune leader et militant, cette conférence s’est également démarquée par l’implication de la jeunesse. En tant que jeunes, nous sommes souvent invités à ces événements et nous nous rendons généralement compte qu’il ne s’agit guère plus qu’une participation symbolique. Que bien que les dirigeants du monde disent toujours « valoriser » notre opinion, qui, en réalité, s’avère souvent être une considération secondaire.

Cette fois, la direction du GPE a invité moins de jeunes (22) et leur a donné davantage de responsabilités. Et on peut dire que nous nous sommes montrés à la hauteur ! Nous avons tous senti que nous étions mis à contribution pour résoudre un problème commun.

Nous nous sommes réunis le 31 janvier lors d’une pré-conférence organisée par le GPE et Plan International. Il y avait là des jeunes militants de Plan, de FAWE, ONE, l’UNHCR, l’UNICEF et d’Handicap International, ainsi que des jeunes d'établissements scolaires locaux sénégalais.

Nous avons travaillé toute la journée à la formulation de notre déclaration des jeunes, prononcée deux jours plus tard lors de la conférence devant les dirigeants du monde entier. Nous sommes intervenus tout au long du programme de la conférence en tant qu'animateurs, membres de panels, blogueurs en direct, conteurs de notre propre parcours à la manière des conférenciers TED, intervieweurs de leaders mondiaux du secteur de l’éducation. Nous avons également été interrogés par les médias du monde entier.

La voix des jeunes a été entendue

« Donner une voix à ceux qui n’en ont pas » est une formule qui a gagné le monde des pays en développement. J'avoue moi aussi utiliser parfois ces mots. Mais en réalité, ceux que l’on considère sans voix ne l’ont jamais véritablement perdue. Soit on ne voulait pas les entendre, soit on choisissait de les ignorer.

En donnant une plateforme permettant aux jeunes militants et aux dirigeants du monde d’interagir de façon constructive, le GPE a relevé le niveau d’implication des jeunes.

En écho aux mots de notre déclaration de solidarité :

« Les jeunes ne sont pas de simples bénéficiaires de l'éducation. Nous sommes des partenaires pour bâtir un monde meilleur. Les jeunes n’ont pas besoin qu’on leur donne une voix. Nous en avons déjà une. Ce dont nous avons besoin, c’est la plateforme de l’éducation pour laquelle notre voix sera entendue. ».

Comme l’a si bien dit ma camarade militante à la conférence, Salimatou Fatty, de Gambie, « Dirigeants… faites une priorité de ce qui est pour nous le plus sacré, l’éducation. Aucune nation ne s’est développée au niveau économique ou culturel sans une population éduquée. Les coûts d’opportunité de l’absence d’investissement dans la jeunesse sont trop énormes pour être envisageables. Si nous désirons sérieusement un développement durable, pourquoi ne pas commencer par ce qui fonctionne, comme nous le savons déjà, c’est-à-dire par financer une éducation de qualité. »

Ecouter aussi : l’interview de Mohamed par la BBC (en anglais)

Plus d’informations sur les jeunes ambassadeurs de l’éducation du GPE

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