Quelques alternatives aux ateliers de développement professionnel
Conception collaborative de cours, co-enseignement et observation et feedback sont trois alternatives et des compléments aux ateliers pour améliorer le développement professionnel des enseignants.
16 juillet 2018 par Mary Burns, Escola Superior de Educação de Paula Frassinetti
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Une enseignante devant le tablea à l'école publique de Billy Town au Libéria. Crédit: GPE/ Kelley Lynch
Une enseignante devant le tablea à l'école publique de Billy Town au Libéria.

L'article du mois dernier traitait des avantages et inconvénients des ateliers et mettait en évidence leur plus grande limite — le fait qu’ils soient axés sur le transfert de connaissances plutôt que sur le soutien, afin d’amener les enseignants à mettre en œuvre ce qu’ils ont appris.

Prêcher par l’exemple

Le post de ce mois-ci propose trois alternatives et compléments aux ateliers qui permettent de combler cet « écart de mise en œuvre » (1). Si chacun est indépendant et a ses qualités propres, les trois modèles présentés ici sont également interconnectés et font souvent partie d’un ensemble de soutien au sein de l’école. Nous verrons que ces approches peuvent être utilisées comme moyens de suivi des ateliers ou remplacer ces derniers.

Elles peuvent être utilisées comme modèles autonomes de développement professionnel ou faire partie d’un programme de coaching (2). Mais surtout, je ne me contente pas de prôner simplement ces modèles. Je les ai utilisés et grâce à eux, j’ai vu des enseignants mettre en œuvre de nouvelles idées et des innovations.

La conception collaborative des leçons

  Le co-enseignement via Skype en Indonésie du point de vue de l’enseignant (2008). Crédit photo:

Le co-enseignement via Skype en Indonésie du point de vue de l’enseignant (2008).

Crédit photo: Mary Burns

Dans la conception collaborative des leçons, l’animateur en développement professionnel (un autre enseignant, un chef d’établissement ou un coach par exemple) travaille avec un enseignant ou un groupe d’enseignants à la conception d’une leçon ou d’une série de leçons au moyen de l'approche désirée (une méthode d‘instruction ou une stratégie de compréhension en lecture par exemple). Cette conception se fait selon un processus (tel que Understanding by Design ou 5Es), qui aide les enseignants à développer des résultats d’apprentissage mesurables, à s’impliquer dans des activités pédagogiques et à choisir un critère d’évaluation pour mesurer ces résultats.

Il s’agit là, selon mon expérience, d’une des formes les plus efficaces d’apprentissage professionnel, en grande partie parce que de nombreux enseignants n'ont peut-être jamais été formé à la conception pédagogique – et parce que concevoir des leçons, les enseigner et évaluer l’apprentissage, constituent le cœur de « l’enseignement ».

La conception de leçons comprend les éléments centraux de l’enseignement – le contenu, le programme, l’instruction, l’évaluation et les interactions entre eux. La conception de leçons avec un groupe de pairs, animée par un expert compétent en développement professionnel, peut être un processus extraordinairement instructif. Elle engendre des conversations approfondies sur l’enseignement et l’apprentissage. Elle lie la théorie et la pratique. Elle fait la promotion de l’action et de la réflexion.

Elle permet aux enseignants de se concentrer à la fois sur les grandes idées et sur la pratique de l’enseignement – la préparation du matériel, la constitution de groupes, la conception des acquis scolaires, la correspondance des acquis à l’instruction et l’évaluation, etc. Mais surtout, elle permet aux enseignants de saisir les connaissances apprises dans l’atelier (ou le séminaire ou le cours) et de commencer à les mettre en pratique.

Le co-enseignement

 Co-enseignement en Indonésie du point de vue du coach (2008). Photo: Mary Burns Photo Credit:

Co-enseignement en Indonésie du point de vue du coach (2008).

Crédit photo: Mary Burns

Le co-enseignement est explicite : deux enseignants ou un enseignant et un coach instruisent une leçon ensemble (comme celles conçues dans le cadre d'un processus de conception collaborative). Les photos 1 et 2 illustrent le co-enseignement à distance en Indonésie avec une enseignante dans un lieu (image 1) et son coach dans un autre lieu (image 2).

Il existe de nombreux modèles de co-enseignement. Par exemple, les enseignants instruisant ensemble peuvent se répartir les rôles par périodes de temps ou dans des espaces différents, enseigner soit en parallèle, soit en séquence. Le coach peut enseigner les aspects les plus complexes tandis que l’enseignant l’observe. Alternativement, l’enseignant peut enseigner les parties les plus difficiles d’une leçon tandis que le coach l’observe.

Le co-enseignement comporte des défis. Les enseignants qui instruisent ensemble peuvent avoir une personnalité et un style de travail très différents, et chacun d’eux doit céder un certain degré de contrôle. Le co-enseignement est extrêmement exigeant en termes de logistiques et d’organisation. Lorsqu’on n’est pas l'enseignant habituel, il peut être également très intimidant de co-enseigner à des élèves qu'on ne connaît pas et avec qui on n’a pas construit de relation.

Malgré ces difficultés, les avantages du co-enseignement sont nombreux. Il n’y a pas de meilleure façon d’aider les enseignants à mettre en œuvre ce qu’ils ont appris dans un atelier ou un cours. Le co-enseignement aide les enseignants dans la gestion de la classe et fournit une modélisation, une structure et un soutien en temps réel. Avec sa nature hautement collégiale et collaborative, il rend moins impressionnante la mise en œuvre future de nouvelles pratiques.

L’observation et le feedback

Ils consistent tous les deux en l’observation informelle ou formelle de la pratique d’un enseignant dans la classe par un pair ou un observateur extérieur, afin d’améliorer des aspects spécifiques ou généraux de la pratique pédagogique de l’enseignant.

Dans la forme de développement professionnel constituée par l’observation et le feedback, un observateur préparé et compétent, en consultation avec l'enseignant, observe une partie déterminée de la leçon en classe. Il y a généralement une réunion initiale pendant laquelle l’enseignant et l’observateur discutent de la classe, des objectifs et des points sur lesquels l'enseignant aimerait un soutien ou un feedback, et l’observateur explique le processus d’observation. Au cours de cette réunion, l’observateur informe l’enseignant des outils d'observation qu’il utilisera.

L’observation dans la classe est suivie d’une réunion post-observation dans laquelle l’enseignant fait une autoévaluation, l’observateur propose un feedback au moyen d’un protocole structuré ou semi-structuré, et puis ensemble, observateur et enseignant devisent un plan d’action pour l’amélioration de l’activité observée.

Malheureusement, les observations en classe sont souvent conçues et mises en œuvre sur des modes qui affaiblissent leur potentiel. Les observations sont souvent utilisées à des fins de responsabilité, de communication de données ou d’évaluation plutôt que pour le soutien et l’amélioration (non, on ne peut pas tout avoir !).

C’est souvent une chose que l’ont fait aux enseignants plutôt qu’avec les enseignants. Il se peut que les observateurs soient mal préparés et n'aient jamais enseigné. Il est possible que les données soient trop aisément utilisées comme confirmation que oui, notre programme est super, bien qu’on ne puisse pas généraliser à partir d’une seule mesure et malgré les nombreuses limites de la validité des données d'observation (préjugé de confirmation, effet Hawthorne, effet de halo, erreur de mesure, etc.).

Il est possible que les observateurs utilisent un outil d’observation récemment élaboré, qui manque de sensibilité et de fiabilité. Il se peut que l’outil d’observation ait un niveau d’inférence trop élevé pour être exact (sans la formation nécessaire sur la différence entre un « 3 » et un « 4 » sur une échelle de Likert) ou si bas (avec une liste de vérification binaire) que les distinctions qualitatives sur la pratique de l’enseignant sont impossibles. Il se peut que les observateurs ne proposent aucun feedback ou que celui-ci ne soit ni précis ni intéressant ni utilisable. Enfin, il est possible que les observations et le feedback soient si peu fréquents que leur utilité est mise en doute.

Cependant, lorsque l’objectif est adéquat, que les personnes, les procédures et les protocoles sont les bons, et qu’ils sont faits régulièrement dans le temps, l’observation et le feedback sont très utiles pour combler l'écart de mise en œuvre. Premièrement, ils capitalisent sur le pouvoir de l’évaluation formative en termes d’apprentissage. Apprendre de nouvelles compétences est une chose difficile à maîtriser. L’observation et le feedback fournissent à l’enseignant et au prestataire de développement professionnel des données sur les mécanismes et techniques pédagogiques, afin d’améliorer la pratique.

Ensuite, les enseignants reçoivent un feedback en temps réel (ou pratiquement) sur leurs efforts. Un feedback SMART (spécifique, mesurable, accessible, rationnel, temporel) donne aux enseignants des techniques précises pour combler l’écart de mise en œuvre – partir de là où ils sont pour aller là où ils veulent parvenir. Enfin, l’observation et le feedback comportent une composante affective. Le feedback est essentiel pour veiller à ce que les enseignants n'abandonnent pas, mais apprennent plutôt de leurs erreurs, afin de s’améliorer à chaque fois. Avec une observation continue, le cycle de feedback doit se resserrer et l’amélioration être plus mesurable.

L’anti-atelier

Collectivement, ces trois modèles de développement professionnel sont l’antithèse de tout ce qui « ne va pas » dans l’atelier..

Tout d’abord, ce sont des anti-atelier – personnalisé, différentié, in vivo, basé sur la matière et impliquant une pratique distribuée. Ils constituent un développement professionnel authentique inscrit dans le travail.

Ensuite, ils rendent la mise en œuvre bien plus certaine que le « saupoudrage » de l’atelier. Mon expérience ces deux dernières décennies, en tant que coach ayant utilisé les pratiques exposées ci-dessus et en tant que conceptrice de programmes de coaching, m’a montré que ces modèles de développement professionnel obtiennent des taux beaucoup plus élevés de mise en œuvre de qualité qu’un développement professionnel uniquement basé sur l’atelier.

En Indonésie, par exemple, le programme de coaching 2008 – 2011 du CDE a vu un taux de mise en œuvre de 98 % grâce aux approches présentées ci-dessus, par rapport à un taux de mise en œuvre à un chiffre pour notre développement professionnel uniquement basé sur l’atelier.

Ces résultats sont cohérents avec les recherches montrant que les enseignants bénéficiant d’un soutien continu au cours de la phase de mise en œuvre – plutôt que ceux qui participent simplement à des ateliers – sont bien plus ouverts aux évolutions pédagogiques et plus susceptible de procéder à ces changements (Knight & Cornett, 2009)..

Cependant, aider les enseignant à concevoir des activités, co-enseigner ces activités avec eux et mener une observation et un feedback sur la qualité, exigent des personnes hautement compétentes qui comprennent profondément l’enseignement et peuvent donc travailler en toute intelligence avec les enseignants grâce à des moyens très différents et individualisés. Il est bien plus facile d'« animer une formation » plutôt que de travailler avec les enseignants selon les trois modèles de développement professionnel décrits ici.

Un éternel recommencement

Ils seront nombreux à dire que tout cela est bien joli, mais que nous ne pouvons pas nous permettre les modèles de développement professionnel décrits dans ce post. Une telle déclaration, si courante dans les projets financés par des bailleurs, est le fruit d’un discours dominant, très souvent non informé et non étayé, selon lequel le terrain n’a pas « les moyens » de mettre en place des modèles de développement professionnel éprouvés au sein de l’école. Souvent, il ne s’agit pas d’un manque de fonds, mais d’un manque d’imagination.

Ainsi, malgré les données probantes en faveur du contraire, de nombreux projets continuent d’investir dans des ateliers décousus, épisodiques plutôt qu'un développement professionnel continu, au sein de l’école et basé sur le soutien, qui peut aider les enseignants à adapter les connaissances de la salle de formation dans la salle de classe. Les projets et programmes continuent donc ainsi, malgré le fait que les ateliers soient coûteux (avions, trains, voitures, hôtels, salles de conférence, indemnités journalières, etc.) et inefficaces (Yoon, et al. 2007).

Cet état d’esprit ne changera que lorsque les décideurs politiques s’engageront en faveur d’un apprentissage professionnel de qualité. En attendant, si nous désirons améliorer le développement professionnel des enseignants, nous devons terminer là où nous avons commencé : avec l’atelier. Ce sera le sujet du prochain et dernier post de cette série.

Remarques

  1. Pour d’autres modèles de développement professionnel, bien vouloir consulter Five Models of Teacher-Centered Professional Development.
  2. Le coaching étant un vaste sujet, je réserve la discussion portant sur ce thème pour une autre fois.

Reférences

Knight, J. & Cornett, J. (2009). Studying the impact of instructional coaching. Lawrence, KS: Kansas Coaching Project for the Center on Research on Learning.

Yoon, K.S, Duncan, T., Wen-Yu Lee, S., Scarloss, B. & Shapley, K.L. (2007). Reviewing the Evidence on How Teacher Professional Development Affects Student Achievement. Issues and Answers Report, REL 2007 – No. 033. Washington, D.C.: U.S. Department of Education, Institute of Education Sciences, National Center for Education Evaluation and Regional Assistance, Regional Educational Laboratory Southwest.

Part 1 of this 3-part series: Workshops 101 for teacher professional development

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