Tribune - Les filles devraient aller à l’école, pas se marier
Alexandra, 16 ans, et sa soeur Yohannan 10 ans, à leur maison à Cabarete en République Dominicaine. Crédit: Fran Afonso/ Girls Not Brides

Alice Albright et Mabel van Oranje, fondatrice et présidente de Filles, pas épouses (Girls Not Brides) nous rappellent que 12 millions de filles sont mariées trop jeunes chaque année, et que 130 millions de filles ne sont pas scolarisées.  Le mariage précoce et le manque d'éducation sont liés. Il faut donc assurer à toutes les filles 12 années d'éducation dans un environnement sur et sain, pour rompre le cercle vicieux de la pauvreté, du mariage d'enfants et des résultats scolaires faibles chez les filles. 

Lire la tribune en anglais dans The Telegraph

Ci-dessous une traduction complète de la tribune :

Les filles devraient aller à l’école, pas se marier

Par Alice Albright et Mabel van Oranje

« La plupart de mes amies n'ont pas d'éducation. Elles ont quitté l'école. Elles se sont mariées et ont des enfants ». Alexandra, 16 ans, vit en République dominicaine, où une fille sur trois est mariée ou en union libre à l'âge de 18 ans. À son âge, Betty, la mère d'Alexandra, avait déjà eu son premier enfant, mais elle a encouragé sa fille à choisir une vie différente. « Tous les jours, ma mère me dit de finir mes études. Et que ce n'est pas le bon moment pour se marier ».

Nous célébrerons l'an prochain le 25ème anniversaire de la Conférence et du Programme d'action de Beijing. À Beijing, les dirigeants du monde entier ont reconnu l'impact dramatique de l'inégalité entre les genres et se sont engagés à éliminer les obstacles à l'autonomisation des femmes. Un quart de siècle plus tard, alors que nous célébrons la Journée internationale de la fille, 12 millions de filles mineures sont encore mariées chaque année et 130 millions ne sont pas scolarisées.

Ces millions de filles et de jeunes femmes verront leurs chances fortement réduites à cause de maternités précoces, de faibles revenus, une moins bonne santé et des risques accrus de violence. Sans les connaissances, la confiance et les compétences que l'éducation procure, elles ont beaucoup moins de chances de faire entendre leur voix au sein de leur communauté ou même de leur famille - ce qui les empêchera de modifier le cours de leur vie et de celles de leurs propres enfants.

La prévention du mariage précoce et l'éducation des filles rencontrent des défis qui sont liés. Lorsque les filles abandonnent l'école, elles ont trois fois plus de chances de se marier avant l'âge de 18 ans que les filles ayant fait des études secondaires ou supérieures. L'enseignement secondaire universel pourrait contribuer à mettre fin aux mariages précoces : en effet, chaque année supplémentaire de scolarité réduit le risque qu'une fille se marie. Tant que les filles seront obligées de se marier, nous n'atteindrons jamais les ambitions mondiales d’éduquer convenablement toutes les filles.

La plupart des filles ont le choix entre se marier ou aller à l'école, mais pas de faire les deux. Les trajectoires de vie des jeunes filles mariées et des filles non scolarisées sont donc intimement liées. Les filles qui ne vont pas à l'école sont beaucoup plus susceptibles de se marier et de tomber enceintes. Les filles mariées ont des responsabilités en tant que mères de s'occuper de leurs enfants, ce qui ne leur laisse que peu de possibilités, voire aucune, de continuer à apprendre. Il n'est généralement pas envisageable qu'elles reprennent leurs études, car les normes sociales et les lois interdisent souvent aux filles enceintes et aux jeunes mères de retourner à l'école. Nous savons que les filles mariées très jeunes et qui abandonnent l'école trop tôt sont plus vulnérables à la violence, à la pauvreté, à la mauvaise santé et à la marginalisation. Malheureusement, leurs enfants sont aussi plus pauvres et en moins bonne santé.

Depuis la conférence de Beijing, des progrès ont été réalisés. Au cours des dix dernières années, la proportion de jeunes femmes ayant été mariées avant l’âge de 18 ans a diminué de 15 %, passant d’une fille sur quatre (soit 25 %) à environ une sur cinq (soit 21 %). De même, depuis 2000, le nombre de filles non scolarisées a diminué de 40 %. Cependant ces progrès sont très inégaux et trop lents.

La pauvreté est l'un des nombreux facteurs qui favorisent les mariages précoces et l'une des principales raisons pour lesquelles les filles ne sont pas scolarisées. Le mariage précoce et l'union informelle restent très répandus, en particulier en Asie du Sud, en Afrique subsaharienne, en Amérique latine et dans les Caraïbes. Si nous n'accélérons pas nos efforts, il faudra des décennies avant que toutes les filles - y compris les plus pauvres - aient la chance d'achever leurs études et d'éviter un mariage précoce.

Les gouvernements peuvent contribuer à résoudre ce problème, par exemple en offrant aux familles des incitations financières pour que les filles restent à l'école et en les aidant à passer du primaire au secondaire en faisant des écoles un endroit sûr pour elles. Le coût financier et la charge que représentent tant les mariages précoces que le faible niveau d`éducation sont de plus en plus reconnus. Certains dirigeants et gouvernements mettent désormais en œuvre des plans d'actions globaux afin de mettre fin aux mariages précoces et de supprimer les obstacles à l'éducation des filles. Il est grand temps que tous les gouvernements fassent davantage pour s'assurer que les filles puissent aller à l'école et ne soient pas mariées trop jeunes. Cela est bénéfique non seulement pour ces filles, mais aussi pour l'économie de leur pays.

Nos organisations, le Partenariat mondial pour l'éducation (PME) et Filles, pas épouses travaillent ensemble pour sensibiliser aux risques et aux coûts des mariages précoces et à l'importance d'accroître l'accès des filles à l'éducation. Le PME a depuis longtemps donné la priorité au travail avec les pays en développement pour donner aux filles un meilleur accès à une éducation de qualité, et il mobilise un soutien en faveur de l'éducation des filles partout dans le monde. Filles, pas épouses mobilise plus de 1 300 organisations membres dans plus de 100 pays pour sensibiliser au mariage précoce et proposer aux gouvernements et aux organisations de la société civile des stratégies pour y mettre fin.

On ne peut pas retrouver une enfance perdue. Bien trop de filles dans le monde n'ont pas accès à une éducation de qualité et, dans leur enfance, ne vivent pas en sécurité. Il est temps d'unir nos forces pour aider les filles à rester à l'école et à éviter le mariage précoce.

Alice Albright est Directrice générale du Partenariat mondial pour l’éducation. Mabel van Oranje est Fondatrice et Présidente de Filles, pas épouses.

Alexandra, 16 ans, et sa soeur Yohannan 10 ans, à leur maison à Cabarete en République Dominicaine. Crédit: Fran Afonso/ Girls Not Brides

Dernières actualités