5 raisons d'investir 5 milliards de dollars : entretien avec Laura Giannecchini et Helen Dabu

Dans le cadre de sa campagne de financement qui vise à collecter au moins 5 milliards de dollars sur cinq ans, le GPE a posé à Laura Giannecchini et Helen Dabu, 5 questions sur le pouvoir de l'éducation. Voici leurs réponses.

19 mai 2021 par Secrétariat du GPE
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Lecture : 5 minutes
5 raisons pour 5 milliards de dollars : entretien avec Laura Giannecchini et Helen Dabu

Helen Dabu est la Secrétaire générale de l’Association d’Asie-Pacifique sud pour l’éducation de base et des adultes (ASPBAE).

Laura Giannecchini est la coordonnatrice du développement institutionnel de la Campagne latino-américaine pour le droit à l'éducation (CLADE).

Toutes deux sont d'anciennes membres du Conseil d'administration du GPE, au sein duquel elles représentaient les organisations de la société civile actives dans les pays partenaires du GPE.

1. Le thème central de la Semaine d’action mondiale pour l’éducation cette année était le financement de l’éducation. Quel rôle joue les coalitions nationales et régionales, comme l'ASPBAE et la CLADE, pour pousser les pays à augmenter leur financement national de l'éducation ?

Helen Dabu : l'ASPBAE et la CLADE, de manière conjointe avec la CME et d'autres coalitions nationales et régionales d’actions en faveur de l'éducation, jouent un rôle essentiel en mobilisant les gouvernements, notamment ceux des pays en développement, en leur demandant de préserver et d’augmenter progressivement les budgets de l'éducation.

Vu l'impact de la pandémie de COVID-19 sur le financement de l'éducation, avec la CME et le GPE, nous avons lancé un appel aux dirigeants à l’occasion de la semaine d’action mondiale pour l’éducation cette année.

En tant qu'organisations de la société civile impliquées dans les politiques et le financement de l'éducation aux niveaux national et régional, nous soutenons l’existence de systèmes éducatifs transparents et responsables qui contribueront à réaliser le droit à l'éducation et à mettre en œuvre le programme ODD 4 / Éducation 2030.

Laura Giannecchini : en adoptant l'Agenda Éducation 2030, les gouvernements ont convenu d'atteindre la référence mondiale qui demande aux pays d’allouer 20 % de leur budget national et 6 % de leur PIB à l'éducation.

L’un des principaux moyens d’augmenter le budget de l’éducation consiste à adopter des mécanismes de justice fiscale. Ainsi, les coalitions nationales font également campagne et plaident en faveur de l'adoption d'une fiscalité progressive - comme en Argentine et en Bolivie, où des mesures d'imposition des personnes riches ont été approuvées pendant la pandémie de COVID-19.

Les coalitions régionales encouragent ce type d'apprentissage entre pairs et incitent d’autres entités régionales et d'autres gouvernements à faire pareil.

2. Que perdra-t-on si le financement de l'éducation n’est pas pris en compte dans les programmes de riposte à la pandémie de COVID-19 et de reprise ?

Helen Dabu : ne pas inclure l'éducation et son financement dans les plans de riposte et de reprise post-pandémie sera dévastateur pour les pays et entraînera des inégalités profondes et graves qui perdureront. Nous avons toujours affirmé que financer l'éducation permettrait une reprise rapide et à long terme.

Renforcer la résilience des personnes et de la société en toute crise, comme celle de la COVID-19, suppose de financer des systèmes éducatifs publics plus solides.

Laura Giannecchini : l'éducation est un droit humain dont dépend la réalisation d'autres droits. Les gouvernements, en tant que garants de ce droit, doivent faire tout leur possible pour le respecter, même dans des situations aussi critiques.

Garantir un financement adéquat de l'éducation, en plus d'être un engagement juridique, éthique et moral, signifie : éviter l’aggravation des inégalités en matière d’éducation et sociales déjà inacceptables ; accélérer la reprise économique post-pandémie ; garantir l'amélioration de la santé et des conditions de vie des générations actuelles et futures ; et mieux préparer les populations aux crises futures.

3. Les revenus et les assiettes fiscales des pays d'Asie-Pacifique restent faibles et peu d'entre eux mettent en œuvre des politiques visant l'équité. Comment la COVID-19 a-t-elle aggravé cette situation, notamment les inégalités en matière d’éducation des filles et d’accès au numérique pour les enfants et les jeunes ?

Helen Dabu : les enfants, les jeunes et les adultes appartenant à des groupes marginalisés et exclus ont été touchés de manière disproportionnée par la COVID-19.

Cela a davantage révélé les problèmes d'équité, d'inclusion et de genre dans l'éducation car les pauvres, les enfants des zones reculées et rurales, les enfants handicapés, les enfants et les jeunes non scolarisés, les apprenants adultes marginalisés, les femmes et les filles, les réfugiés et les personnes vivant dans des contextes fragiles disposaient de peu ou pas de moyens d'accéder à l'éducation et d'apprendre, surtout lorsqu’il a fallu passer à l’apprentissage en ligne.

Rien qu'en Asie-Pacifique, environ 1,88 milliard de personnes, soit près de la moitié de la population, n'ont pas accès à Internet. Les systèmes fiscaux de la région doivent se transformer progressivement pour générer des revenus qui financeront des systèmes d'éducation publique inclusifs, sensibles au genre, résilients et durables.

4. La CLADE plaide pour des systèmes éducatifs inclusifs qui répondent aux besoins de tous les enfants. À votre avis, quelle est l'action la plus efficace que les gouvernements puissent mettre en œuvre pour y parvenir ?

Laura Giannecchini : les systèmes éducatifs en Amérique latine et dans les Caraïbes sont très inégaux. Ils n'ont peut-être pas pleinement intégré et mis en avant les connaissances et les expériences de nombreux groupes historiquement marginalisés dans la région non plus.

L'éducation inclusive doit répondre aux différents besoins et correspondre aux réalités de chacun et de chaque élève. C'est une éducation qui reconnaît la richesse de la diversité et promeut un dialogue interculturel selon une approche intersectorielle et intersectionnelle.

Pour garantir que l’éducation soit inclusive, il est essentiel que les gouvernements dialoguent avec les différents acteurs de la communauté éducative, qu’ils écoutent leurs avis, leurs attentes et leurs besoins. Les gouvernements doivent mettre en place un système qui éduque les citoyens, contribue à transformer la société et s'attaque aux injustices sociales et environnementales.

5. Quels souvenirs gardez-vous de vos années passées à l’école ? Y a-t-il eu des moments ou des enseignants qui vous ont particulièrement marqué ?

Helen Dabu : ayant vécu dans la pauvreté dans une communauté rurale des Philippines, l'école était pour moi un lieu d'espoir, de liberté et de libération.

Je serai toujours reconnaissante vis-à-vis de tous mes enseignants, de la maternelle à l‘université, qui sont allés au-delà de leur vocation pour nourrir mes capacités et mes forces à surmonter les défis de la vie et être en mesure de contribuer à la société. Leur générosité et les sacrifices de mes parents m'ont inspiré et motivé à travailler dans le domaine du développement, et de consacrer ma vie au service des autres.

Laura Giannecchini : ces questions me sont venues à l’esprit deux jours après le décès de l'un des enseignants qui m’ont le plus marqué quand j'étais adolescente. Je ne peux m'empêcher de mentionner l'importance de cette dame qui a eu un impact non seulement sur moi, mais sur des générations d'élèves, grâce à ses cours de philosophie et d'histoire mémorables.

Elle transformait ses cours en des espaces de réflexion critique et d'exercices de la démocratie. Ses leçons et questions provocantes sur le sens de la vie, la participation politique et l'importance de l'éducation continuent d'être extrêmement nécessaires et inspirent ma lutte quotidienne pour une éducation qui émancipe.

Ses cours étaient une vraie expérience d’éducation transformatrice que je souhaite à tout le monde de connaître.

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Helen Dabu et Laura Giannecchini lèvent la main en soutien à la campagne de financement du GPE.
Helen Dabu et Laura Giannecchini lèvent la main en soutien à la campagne de financement du GPE.

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Commentaires

Nous apprécions à juste valeur les initiatives que vous prenez pour le développement de l'éducation des jeunes à travers le monde, particulièrement pour les pays en développement en Afrique.
Fort est de constater que certains pays en développement en Afrique qui éprouvent des difficultés non de moindres dans ce secteur combien important ne sont pas pris en compte dans vos programmes.
Cas de mon pays la République Démocratique du Congo qui a une densité de la population estimée à 80 millions d'habitants avec une superficie de 2.345.000 km2 un des deux premiers grands pays du continent africain. Sa population composée en majorité par les jeunes avec un taux de 70% connait d'énorme difficultés dans le domaine de l'éducation du fait que le Gouvernement n'est pas en mesure d'assurer la facilité à l'accès à l'éducation malgré la gratuite de l'enseignement primaire instaurée par le nouveau Chef de l'Etat. Faute de moyens nécessaires pour la prise en charge du fonctionnement des écoles cette gratuité connait un ralentissement pour son aboutissement et présente des insuffisance quant à la qualité de l'enseignement.
C'est ce qui justifie l'implication et l'engagement des organisations de la société civile congolaise à mobiliser les partenaires de tous les horizons du monde pour sauver l'éducation des jeunes congolais en péril.
Quid de votre accompagnement à l'éducation en RDC étant donné que vous êtes plus en Afrique de l'Est, du nord et de l'Ouest?
Trésor MBUENDE MASIYA
Secrétaire Exécutif

En réponse à par ONG-CRI DES JE…

Merci de votre commentaire. Vous pouvez en savoir plus sur l'appui du GPE en République Démocratique du Congo à ce lien : https://www.globalpartnership.org/fr/where-we-work/democratic-republic-of-congo

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