Comment éviter les pièges des programmes de coaching financés par les bailleurs de fonds

Comment surmonter les pièges des programmes de coaching financés par les bailleurs de fonds pour soutenir le développement professionnel des enseignants.

23 mai 2022 par Mary Burns, Escola Superior de Educação de Paula Frassinetti
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Lecture : 8 minutes
Mariam Mohamed Vall, 32 ans, étudiante en troisième année à l'École Normale des Instituteurs de Nouakchott. Crédit : GPE/Kelley Lynch
Mariam Mohamed Vall, 32 ans, étudiante en troisième année à l'École Normale des Instituteurs de Nouakchott, pendant une leçon dans une classe d'arabe à l'école Annexe de Nouakchott, en Mauritanie, en novembre 2017.
Credit: GPE/Kelley Lynch

Ce blog est le quatrième d'une série sur le coaching des enseignants.

En tant qu'ancienne coach en milieu scolaire et partisane de longue date du coaching dans le cadre de projets de développement professionnel des enseignants financés par des bailleurs de fonds, assister à l'adoption de programmes de coaching des enseignants ces dernières années a été encourageant.

Bien que la recherche sur le coaching soit encore en pleine évolution, une chose est sûre : les enseignants estiment que le coaching est une activité particulièrement nécessaire1.

Cela dit, les programmes de développement international tels qu’ils sont conçus, insistent généralement sur les aspects techniques du coaching, l’ampleur et la rapidité d’exécution de tels programmes. Cela a des conséquences involontaires ou créent des « pièges » qui menacent d’annihiler les avantages potentiels du coaching.

Ce blog recense certains des pièges inhérents au coaching dans les systèmes à grande échelle qui menacent la durabilité, l'intention, l'efficacité, l'équité et l'allocation des ressources des programmes de coaching en eux-mêmes. Il en propose également des solutions potentielles.

Le piège de l'expertise

Le premier piège est celui de l'expertise. Nous le constatons dans de nombreux projets où le coaching est assuré par une personne extérieure à l'établissement scolaire, à l’instar d’une agence de mise en œuvre ou une université, par exemple.

Lorsqu'un coach fournit une assistance technique, il peut être considéré par l'enseignant comme un expert. D’ailleurs, le coach peut aussi se considérer comme un expert. Le risque demeure dans le fait que les enseignants assument un rôle passif et le coach un rôle trop assertif.

Une telle dynamique peut potentiellement miner les moyens d’action et l'autonomie des enseignants. Ainsi, le piège de l'expertise menace la durabilité du programme de coaching, car lorsque le programme se terminera, l'enseignant pourra ne pas se sentir capable de continuer sans le coach.

Il existe de nombreuses solutions au piège de l'expertise. Tout d'abord, les projets peuvent employer des coachs pairs afin de réduire la différence de statut. Ensuite, des « accords de partenariat » entre le coach et l'enseignant peuvent définir le rôle de chacun, en veillant à ce que l'enseignant - et non le coach - gère la relation professionnelle2.

Enfin, les programmes doivent investir dans la formation de « coachs compétents capables de structurer les conversations avec les enseignants comme des dialogues entre deux partenaires égaux » pour aider les enseignants à prendre en charge leur apprentissage3.

Le piège de la docilité

Un deuxième piège, émanant du premier, est celui de la docilité.

Dans le domaine du développement international, le paradigme dominant du renforcement des capacités repose sur la théorie de « l'enseignant défaillant » : l'enseignant ne sait pas comment faire quelque chose ; l'agence de mise en œuvre y remédie par le biais du développement professionnel ; et le coach est déployé pour aider les enseignants à mettre en pratique leurs nouvelles compétences.

Dans les projets de grande envergure accordant une attention particulière aux résultats numériques, le coach, du fait de son accès aux salles de classe des enseignants, devient inévitablement l'agent responsable de la formation, et non plus l'agent de soutien. Et la docilité devient le point central des actions de l'enseignant et du coach.

La docilité est une bonne chose - nous faisons les choses parce que nous devons les faire - et il y a sûrement un courant sous-jacent de docilité dans le coaching technique. Nous devons très souvent obtenir des enseignants qu’ils soient dociles avant d'obtenir leur adhésion au programme.

Mais si le piège de l'expertise menace la durabilité du coaching, le piège de la docilité menace son intention. Le coaching et la redevabilité sont deux activités différentes. Le coaching c’est du développement professionnel - et non du suivi-évaluation.

Le flou qui entoure le rôle du coach en tant que soutien et évaluateur affaiblit la relation de coaching en déformant son objectif, en rendant la relation hiérarchique et en transformant la nature du coaching de soutien en redevabilité et en contrôle4. Cela peut miner l’engagement sincère des enseignants envers leur développement professionnel.

La solution au piège de la docilité est double : tout d'abord, les agences de mise en œuvre doivent faire une distinction claire entre les activités de responsabilisation et celles de coaching. Elles peuvent ensuite diviser le travail entre le coach et un superviseur, un évaluateur ou un inspecteur qui supervise et assure la responsabilisation.

Le piège de la fidélité

Le piège de la fidélité (de la mise en œuvre du programme de développement professionnel) est lié à celui de la docilité. L'objectif du développement professionnel et du coaching des enseignants est souvent celui d’une mise en œuvre très fidèle d'une approche ou d'une innovation. Le concept sous-jacent est que l'« innovation » doit être mise en œuvre exactement comme prévu par les concepteurs, sans aucune variation par rapport à ce modèle.

Il existe certainement des recherches promouvant l'importance de la fidélité de la mise en œuvre. En 2019, un examen des études financées par le gouvernement fédéral sur les programmes d'amélioration de la pédagogie dans les salles de classe aux États-Unis a associé une mise en œuvre de mauvaise qualité à des impacts plus faibles sur les résultats d'apprentissage des élèves5.

Cependant, il s'agissait de programmes soigneusement conçus par des experts en contenu et fondés sur des tests rigoureux. Ce n'est peut-être pas le cas pour tous les programmes de développement international.

Le piège de la fidélité, lorsqu'il est poussé à l'extrême, fait passer le coaching des moyens d’action, de l'autonomisation, de la contextualisation et du développement de l'enseignant à l'imitation – c’est-à-dire suivre un script ou un processus étape par étape – et impose souvent une approche unique.

En outre, pour être efficaces, les coachs doivent montrer qu'ils font confiance aux instincts professionnels des enseignants. Le piège de la fidélité menace la confiance du coach dans l'efficacité de l'enseignant, un élément fondamental de la relation de coaching elle-même.

Il existe deux solutions au piège de la fidélité. Premièrement, nous devons être certains que les nouvelles approches méritent d'être mises en œuvre avec fidélité, en nous appuyant sur une assurance qualité et sur une évaluation externe rigoureuse.

Deuxièmement, nous devons permettre ce que Hill, Papay et Schwartz appellent « l'adaptation avec des garde-fous », c'est-à-dire aider les enseignants à modifier progressivement certains aspects de l'innovation tout en respectant ses éléments fondamentaux. Selon la même étude, cette démarche peut améliorer les résultats d'apprentissage des élèves au-delà de ce que permet la seule fidélité du programme.

M. Orkeo Chittavongsa, conseiller pédagogique, observe Mme Khammanh Ladavone, enseignante. Crédit : GPE/Kelley Lynch
M. Orkeo Chittavongsa, conseiller pédagogique, observe Mme Khammanh Ladavone, enseignante, en situation de classe à l'école primaire de Somsanouk, dans le district de Pak Ou en RDP lao. Décembre 2018.
Credit:
GPE/Kelley Lynch

Le piège du retour d'information

S'il existe un point commun à tous les programmes de coaching financés par des bailleurs de fonds, il s'agit des observations en classe avec un retour d'information. La théorie du changement qui le sous-tend se déroule comme suit : le coach observe une classe et fournit un retour d'information correctif, et l'enseignant travaille à s'améliorer sur la base de ces observations.

Mais le retour d’information ne fonctionne pas toujours comme ça. Nous pouvons l'accepter, le modifier pour qu'il corresponde à notre schéma existant, ou le rejeter purement et simplement. Et selon de nombreuses recherches, nous faisons couramment ce dernier choix. Nous nous mettons sur la défensive et rejetons le retour d'information. Cet élément essentiel de nos programmes de coaching n'est donc peut-être pas aussi efficace que nous le pensons.

Le retour d'information pose d'autres problèmes : le fait de souligner les faiblesses des performances peut véritablement empêcher l'apprentissage6. L'apprentissage et l'excellence ne s’obtiennent pas en se concentrant sur l'échec, mais en s’appuyant sur ce que nous faisons bien. Ainsi, le quatrième piège, celui du retour d’information, menace la croyance fondamentale sur laquelle se base nombre de nos programmes de coaching.

Nous pouvons lutter contre le piège du retour d’information. Tout d'abord, nous pouvons abandonner les « discours » sur l'excellence de l'enseignement en classe pour « montrer » ce à quoi cela ressemble dans la pratique. Deuxièmement, nous pouvons mettre en place des protocoles qui structurent les conversations de sorte que l'enseignant, et non le coach, identifie ce qu'il faut changer.

Les deux derniers pièges concernent les ressources et leur bonne utilisation.

Le piège de l'uniformité

Le piège de l'uniformité part des meilleures intentions, à savoir veiller à ce que chaque enseignant reçoive la même « dose » de coaching. Pourtant, comme chaque enseignant aborde le changement différemment, tous n'ont pas besoin de coaching ; et ceux qui en ont besoin, n’en ont pas besoin de la même manière. En fait, ceux qui ont le plus besoin de coaching peuvent être désavantagés par un programme de coaching qui traite tout le monde de la même manière. Ainsi, le piège de l'uniformité menace l'équité du coaching.

Le coaching doit être personnalisé et ne pas constituer une forme unique de développement professionnel des enseignants. Les innovateurs et les précurseurs s'emparent souvent d'une innovation et la mettent en pratique, tandis que de nombreux réfractaires ne l’adopteront jamais7. Dans ces conditions, le coaching doit se concentrer sur ceux qui se trouvent au milieu car la majorité d’entre eux auront besoin de beaucoup plus de soutien pour mettre en œuvre une innovation.

Dispenser un coaching à ceux qui en ont le plus besoin permet un coaching personnalisé de meilleure qualité. Le fait de travailler avec un nombre plus restreint d'enseignants permet au coach de soutenir les enseignants autour d'une innovation particulière et de travailler intensivement pour aider les enseignants à atteindre leurs objectifs autour de cette innovation.

Le piège de la simplicité

Le piège de la simplicité est lié au piège de l'uniformité et part d'une autre bonne intention - celle de vouloir aider les enseignants à relever tous les défis. Mais, de même que les enseignants n'ont pas tous besoin de coaching, les innovations n’ont pas toutes besoin d’être encadrées.

Le piège de la simplicité consiste d'abord à examiner les types d'activités ou de tâches associées au changement. Les tâches simples reposent sur un ensemble d'étapes qui produiront les mêmes résultats à chaque fois que ces étapes seront suivies. Les tâches compliquées exigent un travail plus complexe et plus difficile, mais elles consistent en des formules et des étapes qui devraient produire des résultats prévisibles.

Enfin, les tâches complexes présentent un défi d'adaptation. Elles exigent d'aller au-delà des connaissances et des méthodes de travail existantes. Elles peuvent impliquer de découvrir, de changer de paradigme et de sortir des sentiers battus8.

Certaines innovations sont simples (par exemple, enseigner l'alphabet) et d'autres plus compliquées (apprendre à utiliser la technologie). Pourtant, les deux ont des solutions techniques - si les enseignants suivent une série d'étapes, ils arriveront à une solution.

Pour les innovations complexes - l'enseignement d'un nouveau programme d'études s’appuyant sur des normes, par exemple -, les guides étape par étape ne fonctionnent pas, car ces innovations comportent une grande part de variabilité et d'imprévisibilité. De plus, les tâches complexes font intervenir les croyances, les intentions, les paradigmes, les valeurs et les comportements des enseignants.

De nombreux programmes proposent un coaching pour les trois types de tâches - simples, compliquées et complexes. Ainsi, le piège de la simplicité dilue l'efficacité du coaching car il est plus facile de se concentrer sur les changements simples que sur les changements complexes. Cependant, nous devons concentrer le coaching sur les activités complexes, surtout lorsque ces tâches sont accompagnées d'attentes élevées.

Nous pouvons y parvenir en classant nos innovations par catégories, en aidant les enseignants à trouver des ressources pour les défis simples et compliqués, et en consacrant d'intenses efforts de coaching aux innovations complexes pour lesquelles un coach serait le plus bénéfique.

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Lire les précédents blogs de cette série :

  1. Inclure le coaching des enseignants dans les programmes d'éducation a travers le monde
  2. 8 idées reçues sur le coaching des enseignants qui nuisent à cette pratique
  3. Le coaching en ligne est-il une alternative efficace au coaching en présentiel ?

Références

  1. Ostrand, K., Seylar, J., & Luke, C. (2020). Prevalence of Coaching and Approaches to Supporting in Education. Retrieved from https://tinyurl.com/swgkg5p
  2. Garmston, R., & Wellman, B. (2013). The Adaptive School: A Sourcebook for Developing Collaborative Groups. London, UK: Rowman & Littlefield.
  3. Knight, J. (2022). The Definitive Guide to Instructional Coaching. Alexandria, VA: Association of Supervision and Curriculum Development.
  4. Knight, J. (2019, November). Why Teacher Autonomy Is Central to Coaching Success. Education Leadership, 77(3), 14-20.
  5. Hill, H., Papay, J., & Schwartz, N. (2022). Dispelling the Myths: What the Research Says About Teacher Professional Learning. The Research Partnership for Professional Learning. Providence, RI: Annenberg Institute for School Reform at Brown University. / Hill, H., & Erickson, A. (2019). Using implementation fidelity to aid in interpreting program impacts: A brief review. Educational Researcher, 48(9), 590-598.
  6. Buckingham, M., & Goodall, A. (2019, May). The feedback fallacy. Harvard Business Review, 92-101.
  7. Rogers, E. (1995). Diffusions of innovations (4th ed.). New York, NY: Free Press.
  8. Glouberman, S., & Zimmerman, B. (2002). Complicated and Complex Systems: What Would Successful Reform of Medicare Look Like? Ottowa, CA: Commission on the Future of Health Care in Canada. Retrieved from http://www.hc-sc.gc.ca/english/pdf/romanow/ pdfs/8_Glouberman_E.pdf / Haifetz, R., & Linksky, M. (2002, June). Change Management: A Survival Guide for Leaders. Harvard Business Review.

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