Les femmes chefs d’établissement à Madagascar : Des leçons pour une éducation transformatrice en matière de genre en Afrique subsaharienne

Avec un nombre élevé de femmes cheffes d’établissements scolaires en Afrique subsaharienne, Madagascar est à l’avant-garde de la promotion de stratégies pour améliorer la professionnalisation des directrices d’écoles. Un nouveau rapport fournit des informations pour renforcer leur rôle et des recommandations pour surmonter les défis auxquels elles sont confrontées.

02 avril 2024 par Carolina Alban Conto, UNESCO International Institute for Educational Planning (IIEP), Fabricia Devignes, UNESCO International Institute for Educational Planning (IIEP), Nathalie Guilbert, UNESCO International Institute for Educational Planning (IIEP), et Nelly Rakoto-Tiana, UNESCO International Institute for Educational Planning (IIEP)
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Une directrice d’école primaire publique assise à son bureau à Antananarivo, Madagascar. Crédit : Ministère de l’Éducation nationale de Madagascar
Une directrice d’école primaire publique assise à son bureau à Antananarivo, Madagascar.
Credit: Ministère de l’Éducation nationale de Madagascar

Assurer l’égalité des genres dans et par l’éducation est essentiel pour maintenir l'élan en faveur des droits des filles et des femmes, pour lesquels la Journée internationale des droits des femmes constitue un moment clé. L'approche de partenariat du GPE se reflète dans cette série de blogs. Toutefois, ce travail ne se limite pas à une journée, mais se poursuit toute l'année à travers le partenariat. Vos commentaires sur les blogs sont les bienvenus et merci de les partager via vos réseaux.

À l’échelle mondiale, les femmes sont surreprésentées dans le corps enseignant du primaire. Toutefois, l’Afrique subsaharienne est la seule région où les femmes constituent la minorité des enseignants du primaire (47 % du nombre total) (UNESCO, 2023).

En outre, les données recueillies dans les pays ayant participé à l’évaluation régionale de l’apprentissage PASEC 2019 montrent que l’écart est encore plus marqué au niveau de la direction des établissements scolaires, où seulement 19,6 % des chefs d’établissement étaient des femmes (Alban Conto, Guilbert et Devignes, 2023.

Avec l’un des pourcentages les plus élevés de femmes occupant des postes de cheffes d’établissements scolaires en Afrique subsaharienne (Alban Conto, Guilbert et Devignes, 2023), Madagascar est à l’avant-garde de la promotion d’une stratégie visant à renforcer la professionnalisation des directeurs d’école.

Pour son pacte de partenariat, le ministère de l’Éducation et ses partenaires ont décidé de donner la priorité à un référentiel de compétences plus structuré, à des processus de recrutement et de développement de carrière institutionnalisés, à une formation adaptée, ainsi qu’à des mécanismes de supervision et d’appui renforcés pour les directeurs d’école primaire.

Cette initiative est très prometteuse pour surmonter les obstacles qui nuisent à une participation plus équitable des femmes à la direction des écoles, permettant ainsi d’améliorer l’égalité des genres à tous les niveaux du système éducatif.

Un nouveau rapport de l’IIPE-UNESCO, l’Initiative « Priorité à l’égalité » (GCI), en partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale de Madagascar, fournit des informations précieuses pour renforcer le rôle des directeurs d’écoles primaires, en reconnaissant les progrès réalisés dans ce sens, et en formulant des recommandations pour surmonter les défis afin d’avoir une plus grande influence dans la transformation du secteur.

Ce travail est intégré dans Le leadership des femmes dans les apprentissages (WiLL, Women in Learning Leadership), une initiative conjointe de l'IIPE-UNESCO et du Centre de recherche Innocenti de l’UNICEF qui consiste à identifier et à développer des pratiques de direction scolaire transformatrices en matière de genre tout en promouvant une meilleure représentation des femmes dans les rôles de chef d’établissement.

L’initiative WiLL a été lancée dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne. Elle est soutenue par le GPE par le biais d’un financement du programme de Partage de connaissances et d'innovations (KIX) dans quatre pays : le Bénin, l'Éthiopie, la Guinée et Madagascar.

Le GPE est également un partenaire technique de l’initiative « Priorité à l’égalité » (GCI).

L’influence des femmes chefs d’établissement sur l’apprentissage des élèves

Considéré comme étant le deuxième facteur le plus important pour l’apprentissage après l’enseignement en classe, le leadership scolaire est un levier essentiel pour améliorer les résultats scolaires.

De nouvelles données ont montré que le genre joue un rôle dans les différences significatives qui existent entre les styles de leadership, mettant en évidence une corrélation positive entre le leadership scolaire des femmes et les résultats scolaires des élèves dans certains contextes (Bergmann, Alban Conto et Brossard, 2022).

Plus précisément, selon une analyse multi-pays du WiLL portant sur les 14 pays participant au PASEC 2019 quatre pays démontrent une corrélation positive et significative entre les performances des élèves en lecture et en mathématiques et la présence d’une femme à la tête de l’établissement.

Les améliorations se situent entre 0,17 et 0,34 d’écart-type supplémentaire dans les résultats des tests standardisés pour les élèves fréquentant des écoles dirigées par des femmes au Bénin, à Madagascar, au Sénégal et au Togo. L’influence positive observée s’étend aux élèves des deux sexes, avec de légères variations d’un pays à l’autre.

Malgré l’augmentation du nombre de femmes dans le corps enseignant à Madagascar (47 %), et leurs qualifications académiques et pédagogiques plus élevées, les normes sociales, l’absence de processus institutionnalisés pour le recrutement et la formation, et les conditions de travail difficiles empêchent les femmes de s’engager plus ardemment dans la direction des écoles à Madagascar.

Le recrutement et la formation des enseignants et des chefs d’établissement font partie du programme PAEB mis en œuvre par la Banque mondiale et financé par le GPE.

Au niveau national, les femmes occupent 35 % des postes de direction des écoles primaires publiques, mais la représentation varie considérablement d’une région à l’autre, avec des districts urbains comme Fianarantsoa enregistrant 80 % de directrices et des districts éloignés comme Befotaka, Port Bergé et Midongy-Sud totalisant moins de 10 %.

Pourcentage de directrices d’école primaire par district.
Pourcentage de directrices d’école primaire par district.
Avertissement : « Les appellations employées dans cette publication et la présentation des données qui y figurent n’impliquent de la part de l’UNICEF, de l’UNESCO ou de l’IIPE aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites. »

Analyse de l’influence du leadership féminin sur les résultats scolaires et l’assiduité des filles

Les écoles situées dans des zones défavorisées font face à des contraintes qui rendent les fonctions de gestion scolaire plus difficiles, en particulier pour les femmes.

Le manque de soutien et les ressources limitées expliquent en grande partie la sous-représentation des femmes parmi les directeurs d’école dans ces contextes. Des facteurs tels que l’insécurité, les longues distances à parcourir, le manque d’emplois pour les conjoints, ainsi que la prévalence des stéréotypes de genre et des normes restrictives imposées aux femmes jouent également un rôle non négligeable.

Les analyses montrent qu’il existe une corrélation positive et significative entre les résultats des élèves et le fait d’avoir une femme à la tête de l’école, même après avoir pris en compte les différences dans l’environnement scolaire et les caractéristiques de l’école, telles que les infrastructures, la taille, le genre et la qualification du personnel, etc.

Malgré les obstacles, les femmes chefs d’établissement ont une influence positive sur les groupes vulnérables et les contextes difficiles. Les élèves fréquentant des écoles dirigées par des femmes ont une probabilité supérieure de 0,34 point de pourcentage de passer en classe supérieure, cet écart atteignant 0,55 point de pourcentage dans le cas spécifique des filles.

En outre, l’ampleur de cette corrélation augmente au fur et à mesure que les filles progressent dans leur parcours éducatif, ce qui laisse supposer que les femmes chefs d’établissement parviennent à réduire l’abandon scolaire des filles.

Les chiffres montrent qu’à Madagascar, bien qu’un plus grand pourcentage de filles âgées de 6 à 10 ans soit scolarisé par rapport aux garçons, les filles sont plus susceptibles d’interrompre leur éducation dans des circonstances difficiles, en particulier dans les zones rurales et appauvries (ISU, 2021).

Les élèves, filles et garçons, des écoles dirigées par des femmes obtiennent également de meilleurs résultats au CEPE (certificat d’études primaires élémentaires), où la probabilité de réussite est supérieure de 0,89 point de pourcentage à celle des élèves des écoles dirigées par des hommes.

La corrélation est plus forte dans les zones rurales (+1,8 point de pourcentage), bien qu’elle ne soit statistiquement significative que pour les filles des zones les plus isolées, ce qui confirme que les directrices peuvent favoriser l’instruction des filles dans les zones reculées.

Un soutien accru aux femmes chefs d’établissement à Madagascar

En mettant en œuvre des stratégies visant à professionnaliser les chefs d’établissement et en fournissant des mécanismes de soutien adaptés, Madagascar ouvre la voie à une plus grande représentation des femmes et à l’équité des genres dans l’éducation.

Les efforts mis en évidence dans le nouveau rapport de l’IIPE-UNESCO soulignent l’importance de s’attaquer aux disparités entre les genres dans les rôles de directeur.

En dépit des défis sociaux et culturels, d’une formation limitée et des responsabilités pédagogiques importantes, de nouvelles données suggèrent que l’adoption d’une approche plus équitable entre les genres peut avoir une influence positive sur les résultats des élèves, en particulier pour les groupes vulnérables vivant dans des environnements défavorables.

Les preuves suggèrent qu’investir dans les compétences des femmes en matière de direction et de gestion améliore non seulement les résultats d’apprentissage de tous les enfants, mais contribue également à réduire les taux d’abandon scolaire, en particulier chez les filles, même dans les communautés les plus pauvres.

Alors que Madagascar poursuit son chemin vers une meilleure éducation, l’exploitation du potentiel des femmes leaders reste une étape cruciale pour créer des environnements d’apprentissage équitables et de qualité pour tous.

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Lire les autres blogs de la série.

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Commentaires

Enseignante de la langue Française depuis longtemps , ma première contribution serait d'enseigner les Femmes et les Filles irregulières , c'est - à-dire qui sont restées derrière pendant leur période de scolarité.
Merci.

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