Le financement de l'éducation ne devrait pas diminuer à cause du COVID-19

La pandémie de COVID-19 pourrait pousser des millions d'enfants à abandonner leurs études. La communauté internationale se doit de prendre des mesures décisives et 190 organisations ont signé un appel à l'action pour garantir la place du financement de l’éducation dans les budgets nationaux.

25 septembre 2020 par David Archer, ActionAid International, et Nyaradzayi Gumbonzvanda, ActionAid International
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Lecture : 6 minutes
Shuma Das, institutrice à l'école de Sahabatpur Daspara Ananda dans le village de Sahabatpur au Bangladesh, expliquant une leçon à ses élèves le 12 octobre 2016.
Shuma Das, institutrice à l'école de Sahabatpur Daspara Ananda dans le village de Sahabatpur au Bangladesh, expliquant une leçon à ses élèves le 12 octobre 2016.
Credit: Crédit photo: Dominic Chavez/Banque mondiale

Au début de ce mois, 190 organisations ont rejoint un Appel à l'action sur le financement intérieur de l'éducation post-COVID-19 (en anglais). Des dizaines de millions d'enfants auront du mal à retourner à l'école ce mois-ci, parce qu'ils ont été contraints de travailler ou de se marier (en anglais).

Des centaines de millions d'autres enfants retourneront dans des écoles qui, déjà sous-financées, risquent de subir des coupes budgétaires (en anglais) massives dans les années à venir, la baisse du PIB risquant de réduire les budgets des écoles d'au moins 210 milliards de dollars. (1)

Cela coïncide avec une période où les coûts de l'éducation devraient augmenter : la réduction des effectifs par classe que nous avons fait valoir pendant de nombreuses années et qui était justifiée sur le plan éducatif, par exemple, pourrait devenir une exigence avec la mise en œuvre de distanciation sociale post-COVID. Toutefois, cela suppose aussi plus d'enseignants et plus de salles de classe.

Malheureusement, nous constatons déjà qu'une partie des coûts des masques, des désinfectants, des thermomètres et du savon dans les écoles est laissée à la charge des parents - ce qui entraînera inévitablement un abandon plus important d’enfants parce que les parents, dont les revenus ont diminué, ne seront pas en mesure de payer ces coûts.

Un tournant décisif pour les investissements dans l'éducation

L'appel à l'action offre une alternative positive - en faisant valoir que le COVID-19 doit représenter un tournant et en montrant comment de nouveaux investissements massifs peuvent être réalisés dans l'éducation publique à travers le monde. Le Partenariat mondial pour l’éducation (GPE) pourrait jouer un rôle central à la fois aujourd’hui et dans les années à venir.

Le GPE exige déjà à ses pays partenaires de maintenir ou d’augmenter la part de leur budget national allouée à l'éducation – allant progressivement à 20 % ou au-delà – comme prérequis s'ils veulent bénéficier du soutien financier du GPE.

Ce critère devrait être examiné de près dans les mois à venir pour éviter que les pays ne détournent les ressources destinées à l'éducation à d’autres fins. Les gouvernements réfléchiront à deux fois avant de réduire leurs propres dépenses en matière d'éducation si cela devait avoir pour conséquence la perte d’un financement du GPE de 10 ou 100 millions de dollars.

Si le GPE a été pionnier pour ce qui est d’encourager l'augmentation des parts allouées à l’éducation dans les budgets nationaux, il ne semble pas avoir suffisamment pris en compte la taille de ces budgets et le rôle crucial de la justice fiscale (en anglais).

Depuis de nombreuses années, le Conseil d'administration du GPE a été régulièrement sollicité pour des actions dans le domaine fiscal. Le prochain plan stratégique du GPE (2021-2025) qui sera adopté en décembre constitue donc une bonne occasion d’aborder cette question. Trop de pays soutenus par le GPE ont un ratio impôts/PIB si faible que même s'ils consacrent 20 % de leur budget à l'éducation, cela serait toujours insuffisant.

Le GPE devrait saisir cette opportunité pour renforcer sa capacité à soutenir des discussions stratégiques et éclairées sur l'accroissement des recettes fiscales au niveau national.

L'accent mis sur le renforcement des systèmes fiscaux de manière équitable crée un terrain d'entente entre les défenseurs de l'éducation et ceux de la santé et des autres services publics.

Dans un moment de crise, ce sont précisément les connexions et les solutions gagnant-gagnant que nous devons tous rechercher.

Le service de la dette et les contraintes salariales peuvent entraver le financement de l'éducation

Durant les dernières discussions du Conseil du GPE sur le financement intérieur, on s’est accordé à reconnaître que l'ampleur de la nouvelle crise de la dette (en anglais) représente un risque sérieux pour les pays souhaitant financer l'éducation. Les propres recherches d'ActionAid ont montré que les pays qui consacrent plus de 12 % de leur budget au service de la dette ont réduit leurs dépenses publiques globales au cours des dernières années.

Le G20 a déjà pris des mesures pour suspendre la dette, mais de nombreux pays ont besoin d'une annulation de la dette et de négociations sur la dette à plus long terme.

Le GPE doit développer sa position institutionnelle sur la dette et renforcer sa capacité d'analyse pour engager les pays dans un dialogue interne et externe sur le sujet et les soutenir dans ce processus. Il est certain que le GPE doit s'exprimer haut et fort pour trouver des solutions, afin qu'aucun pays ne dépense plus pour le remboursement d'anciennes dettes qu'il ne le fait pour l'éducation.

Lors des discussions sur la nouvelle stratégie du GPE, l'accent a été mis en particulier sur les enseignants - reconnaissant que pour bénéficier d’une éducation de qualité rien n'est plus important que la qualité des enseignants.

Pour atteindre l’ODD 4, on estime que le monde aura besoin de 69 millions d'enseignants supplémentaires (17 millions rien qu'en Afrique). Des recherches d'ActionAid (en anglais) publiées en avril 2020 ont montré que, pour les 78 % des pays dont les données sont disponibles, le FMI leur a conseillé de geler ou de réduire la masse salariale du secteur public au cours des trois dernières années.

Cependant, les enseignants constituant le groupe le plus important de la masse salariale, ces objectifs du FMI ne peuvent être atteints sans un gel des recrutements de nouveaux enseignants.

Nous avons demandé l’examen de ces politiques par le Bureau indépendant d'évaluation du FMI et le nouveau directeur général. Pour être en accord avec la nouvelle priorité accordée aux enseignants, le GPE doit maintenir un contact étroit et entamer un dialogue soutenu avec le FMI.

Cette démarche doit être reproduite au niveau national par les partenaires du GPE, en collaboration avec les ministères des finances et les parlementaires, afin de veiller à la résolution rapide de ces contradictions.

Les mesures visant à accroître les parts des budgets allouées à l’éducation, à augmenter les impôts et à réduire la dette ne seront pas suffisantes si les contraintes qui entravent l’augmentation des effectifs du secteur public ne sont pas levées.

De manière plus générale, le GPE doit garantir un engagement plus actif avec les parlements nationaux, de manière à s'assurer que les plans sectoriels de l'éducation occupent une place centrale dans les plans nationaux de développement.

L'orientation des réformes dans secteur de l'éducation est trop importante pour être réduite à un dialogue fermé entre les éducateurs - et le changement radical dans le financement de l'éducation qu’il faut ne se produira qu'en renforçant l'appropriation nationale par les citoyens et leurs représentants.

La reconstitution des ressources du GPE est l’occasion d’agir

Le GPE a déjà assuré que l'égalité des genres et l'inclusion constituent des priorités pour la nouvelle stratégie. Passer de la rhétorique à la pratique s’avère quelque peu difficile certes, mais une partie importante de la solution pourrait se trouver sur l’attention portée au suivi du budget et des dépenses en faveur de l'égalité des genres.

Après le COVID, nous devons veiller à ce que l'éducation agisse comme une force égalisatrice dans chaque société - et renforcer la transparence et la responsabilité peut certainement y contribuer - en s'assurant que, dans la pratique, l'équité est prise en compte dans chaque partie des dépenses.

Une action urgente et ciblée sera nécessaire de la part de tous les partenaires du GPE, en collaboration avec d'autres secteurs (tels que les fonds de santé), pour faire en sorte que les filles qui ont abandonné l’école en raison d'une grossesse ou d'un mariage précoce y retournent. Nous ne devons pas permettre que ces filles deviennent une triste statistique que nous citerons régulièrement dans les années à venir.

En 2021, le GPE reconstituera ses ressources. Si le GPE prend dès à présent les bonnes mesures pour garantir une approche plus globale du financement intérieur dans sa nouvelle stratégie, il pourrait alors avoir un effet transformateur.

Le GPE peut faciliter une meilleure harmonisation et un meilleur alignement de toute l'aide à l'éducation derrière les plans des gouvernements pour renforcer leurs systèmes d'éducation publique.

Les organisations et coalitions d’organisations de la société civile de presque tous les pays où travaille le GPE ont signé l'appel à l'action sur le financement intérieur et suivront de près l'évolution de la situation dans les prochains mois. Nous sommes déterminés à ce que la crise du COVID-19 marque un tournant positif.

En travaillant ensemble, nous pouvons mettre en place des systèmes d'éducation publique financés de manière durable pouvant contribuer à la construction d'économies et de sociétés conformes aux aspirations d’un développement qui se veut véritablement durable.

Lisez les autres blogs de la série sur le financement de l'éducation pendant la crise du COVID-19

(1) Selon Stefania Giannini, DG adjointe de l'UNESCO lors d'un webinaire le 28 juillet 2020 (à partir de la 54eme minute de l'enregistrement)

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