3 leçons sur les investissements dans l’éducation des filles

Comment aider les gouvernements, les bailleurs de fonds et les partenaires de mise en œuvre à décider où investir pour améliorer la scolarisation des filles ? Des données sur des projets avérés efficaces peuvent être un excellent point de départ.

11 octobre 2021 par Alessia Mortara, J-PAL Africa, et Onyinye Oguntoye, J-PAL Africa
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Lecture : 6 minutes
Des élèves dans la bibliothèque de l'école primaire de Billy Town à Brewerville, dans le comté de Montserrado au Libéria. Crédit : GPE/ Kelley Lynch
Des élèves dans la bibliothèque de l'école primaire de Billy Town à Brewerville, dans le comté de Montserrado au Libéria. L'école a été construite et les livres achetés grâce à un financement du GPE. Juillet 2016
Credit: GPE/ Kelley Lynch

Au Sommet mondial sur l'éducation cette année, les pays partenaires du GPE et la communauté internationale se sont engagés à investir dans l'accès des filles à l'éducation.

Le monde étant toujours aux prises avec les effets de la pandémie de COVID-19 en dépit des engagements pris, les gouvernements, les bailleurs de fonds et la communauté internationale devront choisir les programmes à financer pour assurer une reprise meilleure et favorable à l’éducation des filles.

Des éléments concrets et précis issus d'évaluations randomisées peuvent maximiser l'impact du financement des bailleurs de fonds.

Pourquoi s'intéresser aux données probantes ?

Les données probantes sur des approches efficaces menées à travers le monde peuvent fournir des idées d'interventions prometteuses dans lesquelles investir.

De manière plus spécifique, les essais contrôlés randomisés peuvent nous révéler quels programmes ont réussi à augmenter la scolarisation des filles et lesquels n'ont pas, avec des résultats souvent surprenants.

Les évaluations d'impact ont montré que dans certains contextes, par exemple, augmenter les dépenses pour les manuels scolaires et les ordinateurs n'a pas augmenté les taux de scolarisation.

Les analyses coût-efficacité peuvent également faire la lumière sur les interventions qui ont donné de bons résultats lorsqu'elles ont été mises en œuvre dans le bon contexte. Certains des programmes de scolarisation les plus rentables testés à ce jour portent sur des problèmes de santé infantile, tels que les vers intestinaux et l'anémie chronique.

Les données probantes issues d’évaluations d'impact global, combinées aux connaissances contextuelles, peuvent également soutenir la conception des interventions afin de maximiser leur impact.

Après avoir recensé les interventions qui fonctionnent, nous pouvons associer les évaluations aux données contextuelles locales pour comprendre si ces interventions peuvent être reproduites dans le contexte local et de quelle manière.

J-PAL Africa, par exemple, travaille actuellement au Nigéria à la conception d'un programme d’acquisition de compétences nécessaires dans la vie courante fondé sur des données probantes, en collaboration avec la Banque mondiale, le ministère fédéral de l'Éducation et de la Santé, le ministère de l'Éducation de l'État de Katsina et le Gender Innovation Lab.

Nous utilisons des données issues d'essais contrôlés randomisés menés sur 36 interventions en matière de compétences nécessaires à la vie courante pour concevoir un programme fondé sur des enseignements tirés à l’échelle mondiale.

Améliorer l’éducation des filles : que nous apprennent les données probantes ?

Les bailleurs de fonds et les gouvernements devraient garder à l'esprit trois leçons clés lorsqu'ils réfléchissent aux interventions dans lesquelles investir pour maintenir les filles à l'école.

1. Les interventions qui réduisent les coûts de l'éducation sont particulièrement efficaces pour augmenter la scolarisation des filles.

Si la plupart des pays ont supprimé les frais de scolarité dans les écoles primaires publiques, l’enseignement secondaire reste toujours payant dans la plupart des cas. Même lorsqu'il n'y a pas de frais de scolarité à proprement parler, les parents doivent souvent payer les uniformes, les manuels et les fournitures scolaires.

Les interventions qui suppriment les coûts, même minimes, liés à la scolarisation peuvent être très efficaces pour augmenter les effectifs et améliorer l’assiduité des élèves.

Au Kenya, les uniformes scolaires coûtent environ 6 dollars chacun, ce qui équivaut à 1,6 % du revenu annuel moyen des ménages locaux. Bien que les uniformes ne soient pas officiellement obligatoires, les élèves subissent une forte pression sociale pour les porter à l'école.

Les filles de sixième année ayant bénéficié d’uniformes gratuits pendant deux ans étaient 16,5 % moins susceptibles d'abandonner leurs études après trois ans comparé à leurs camarades qui n'en avaient pas bénéficié.

L'augmentation de l'offre d'écoles dans les zones où la disponibilité est limitée s’avère particulièrement efficace pour les filles. La mise en place d'écoles communautaires dans des zones reculées d'Afghanistan a permis de réduire le temps de trajet entre l'école et le domicile, augmentant ainsi le nombre d’enfants scolarisés dans les écoles formelles.

Le taux de scolarisation des filles en particulier a augmenté par rapport à celui des garçons et l'écart de scolarisation entre les filles et les garçons est passé de 21 % à 4 %.

Le programme a également permis d'obtenir 2,61 années de scolarité supplémentaires par tranche de 100 dollars dépensés.

Des élèves dans leur salle de classe avec leur enseignant, M. Tukur Yusuf, à l'école primaire centrale de Miga dans l'État de Jigawa au Nigéria. Crédit : GPE/Kelley Lynch
Des élèves dans leur salle de classe avec leur enseignant, M. Tukur Yusuf, à l'école primaire centrale de Miga dans l'État de Jigawa au Nigéria.
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GPE/Kelley Lynch

2. Changer la perception qu'ont les filles et les parents des bénéfices de l'éducation et améliorer les aspirations peuvent conduire à des investissements accrus dans l'éducation

Les programmes qui comblent les lacunes en matière de perception ou qui rendent les bénéfices de l'éducation plus évidents ont contribué à modifier les comportements, et ce à faible coût. Lorsqu'ils décident d'investir dans l'éducation, les parents et les élèves doivent évaluer les coûts et les bénéfices attendus.

Cependant, les coûts sont généralement immédiats, tandis que les bénéfices peuvent être difficiles à évaluer et ne sont pas toujours présents à l'esprit.

En apportant une nouvelle vision des bénéfices de l'éducation, certains programmes évalués ont permis d’augmenter la fréquentation scolaire.

En Inde, des chercheurs ont testé l'impact de l'envoi de recruteurs pour organiser des séances d'information à l'intention des femmes sur les emplois disponibles dans le secteur de l'externalisation des processus d’affaires (BPO).

Les femmes âgées de 18 à 24 ans des villages ayant reçu l'information étaient plus susceptibles d'être employées dans le secteur BPO et les filles âgées de 6 à 17 ans de ces mêmes villages étaient plus susceptibles d’aller à l'école.

Ces résultats sont significatifs car ils ont permis de combler environ 60 % de l'écart de scolarisation entre les garçons et les filles.

L'étude a montré que les parents investissent davantage dans l'éducation de leurs filles lorsqu'on leur présente de manière claire des éléments concrets sur de futures opportunités d'emploi pour ces dernières si elles restent plus longtemps à l'école.

Lorsque les filles ont une certaine influence sur les décisions concernant leur scolarisation, cela renforce leur estime de soi et leurs espoirs en l'avenir, et peut leur assurer d'obtenir de meilleurs résultats scolaires.

Il existe des preuves solides que les programmes destinés aux adolescentes qui incluent des éléments de formation aux compétences sociales et à la vie quotidienne, parfois associées à d'autres interventions, améliorent leur sentiment d'auto-efficacité et leurs attitudes par rapport au genre.

La majorité de ces évaluations ciblant les filles scolarisées ont également eu des effets bénéfiques sur la scolarisation.

Prenons le cas du projet « Educate ! » par exemple. C'est un programme d'intervention visant l’acquisition par les apprenant d'aptitudes à la vie quotidienne, a mis en œuvre une formation en matière de compétences sociales axée sur la préparation à l'emploi (notamment la communication, le travail d'équipe, la confiance en soi, la pensée critique, la créativité et la détermination), associée à des compétences techniques telles que la planification d'entreprise, la budgétisation et l'épargne au cours des deux dernières années de l'enseignement secondaire.

Cela a permis d'améliorer le taux d'achèvement des études chez les filles. Celles-ci avaient également 11 % de chances de plus de s'inscrire dans l'enseignement supérieur.

3. Cependant, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour analyser les obstacles à l'éducation liés au genre.

Bien que les filles aient tendance à bénéficier le plus des interventions générales de scolarisation, nous n'en savons toujours pas assez sur les obstacles à l'éducation liés au genre.

Les gouvernements et leurs partenaires soulignent de nombreuses raisons possibles pour justifier taux élevés d'abandon scolaire, notamment les mariages et les grossesses précoces, violence basée sur le genre en milieu scolaire, les normes de genre défavorables à la scolarisation des filles et une pédagogie insensible au genre.

Ces problèmes affectent principalement les adolescents. En fait, dans de nombreux pays d'Afrique subsaharienne, nous constatons une forte baisse de la scolarisation des filles et une augmentation des disparités entre les sexes entre l'école primaire et l’enseignement secondaire.

Cependant, davantage de preuves sont nécessaires pour comprendre comment les obstacles spécifiques au genre affectent la scolarisation des filles et quelles interventions peuvent efficacement endiguer ces problèmes :

  • Alors que certaines interventions ont réussi à réduire les mariages et les grossesses précoces ainsi que la violence sexiste, nous en savons peu sur leurs effets sur la scolarisation et sur la manière de mettre en œuvre efficacement ces programmes en améliorant les infrastructures scolaires ;
  • Bien que les preuves suggèrent que nous pouvons façonner les normes de genre, il existe peu de recherches rigoureuses sur les interventions qui cherchent à façonner les normes sur la scolarisation des filles ;
  • Enfin, alors que les premières études suggèrent que certaines pratiques d'apprentissage peuvent affecter les filles différemment des garçons, des recherches supplémentaires nous aideront à comprendre si ces pratiques peuvent combler les lacunes d'apprentissage et comment les intégrer dans les systèmes éducatifs.

Évaluer les programmes innovants sur ces sujets permettra de combler les lacunes en matière de données probantes et de fournir aux décideurs politiques et à leurs partenaires des informations leur permettant de prendre des décisions éclairées sur les programmes et les politiques dans lesquels investir.

À J-PAL Africa, nous avons levé la main pour soutenir les gouvernements et les partenaires de mise en œuvre désireux de s'engager dans l’étude de données probantes, soit pour l’élaboration de politiques, soit pour l’évaluation de programmes nouveaux et passionnants visant à stimuler la scolarisation et l'autonomisation des filles.

Si vous souhaitez en savoir plus sur la manière dont nous pouvons vous aider, suivez-nous @JPAL_Africa, inscrivez-vous à notre newsletter ou contactez-nous directement à l'adresse @email.

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