Comment les décideurs identifient et adoptent-ils les innovations à mettre en œuvre à grande échelle ?

Ce blog est le premier d'une série sur les grandes questions de recherche liées au processus de mise à l'échelle des innovations dans le secteur de l'éducation que le mécanisme d'échange de connaissances et d'innovations (KIX) du GPE soutient.

14 mai 2021 par Brad Olsen, Center for Universal Education, Patrick Hannahan, Center for Universal Education, et Gustavo Arcia, Center for Universal Education
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Lecture : 5 minutes
Une enseignante dispensant une leçon à ses élèves dans une école en Inde. Crédit : GPE/Deepa Srikantaiah
Une enseignante dispensant une leçon à ses élèves dans une école en Inde.
Credit: Crédit : GPE/Deepa Srikantaiah

Ce blog a été initialement publié sur le site Web de la Brookings Institution.

Lorsqu'il s'agit de soutenir les innovations à grande échelle, les gouvernements jouent un rôle central. Cependant, les acteurs non étatiques, tels que les chercheurs ou les personnes responsables de la mise en œuvre des projets, sont également essentiels.

Souvent, ce sont eux qui conçoivent, pilotent et promeuvent les innovations, dans l’espoir de les mettre un jour à la disposition des gouvernements pour qu’ils l’adoptent et se l’approprient sur le long terme. Pour preuve : deux tiers des près de 3 000 innovations dans le domaine de l’éducation que renferme le catalogue du Center for Universal Education de la Brookings Institution, ont été lancées dans le secteur privé à but non lucratif, tandis que 12 % seulement (en anglais) provenaient du gouvernement.

Cela signifie que les acteurs non étatiques du secteur de l'éducation doivent bien présenter leurs innovations aux gouvernements. Ils doivent apprendre comment les décideurs identifient et adoptent les innovations à grande échelle. Plus les personnes responsables de leur mise en œuvre et les chercheurs en savent sur le processus de prise de décision, plus ils peuvent être efficaces.

Il s'avère toutefois qu'il existe peu de recherches sur la manière dont les décideurs au niveau des gouvernements choisissent de soutenir et de mettre à l'échelle une innovation - et encore moins dans le domaine de l'éducation (la plupart se concentrant sur la mise à l'échelle des programmes de santé, d'agriculture et de réduction de la pauvreté).

Nous avons passé en revue les recherches existant dans ces quatre domaines dans l’espoir d’y trouver des similitudes et des divergences, et d’identifier les potentielles lacunes à étudier dans le cadre de nos propres recherches.

La recherche a révélé que la prise, par les gouvernements, de décisions concernant la mise à l'échelle de programmes n'est ni linéaire ni purement rationnelle. Elle s’appuie sur une approche tridimensionnelle dans laquelle les caractéristiques techniques et financières d’une innovation doivent interagir avec les relations personnelles, les incitations politiques et les innovations concurrentes.

Bien qu’il existe une diversité d’innovations et de contextes, la littérature suggère que, pour qu’elle ait une chance d’être adoptée par un gouvernement, l’innovation et sa stratégie de mise à l’échelle doivent être alignées sur les besoins des décideurs.

De plus, pour augmenter la probabilité qu’un gouvernement adopte une innovation pour la mettre en œuvre à grande échelle, ladite innovation doit répondre à un problème local urgent, se révéler efficace à différents niveaux et être à la fois rentable et politiquement attrayante.

Répondre à un besoin local urgent

Le contexte importe beaucoup. L'essence d'une innovation axée sur la demande est qu'elle puisse résoudre un problème pressant. Si le décideur ne croit pas qu’elle le puisse, l’innovation en question ne sera pas perçue favorablement. Cela signifie que les responsables de la mise en œuvre de l'innovation et les chercheurs doivent identifier et présenter clairement son lien avec l’éducation.

De plus, il n’existe aucune approche qui conviendrait à tous les contextes. L'innovation doit donc être adaptée aux spécificités du milieu dans lequel elle va être mise en œuvre. Ainsi, dans un environnement où les ressources financières et humaines sont rares, les responsables politiques préfèreront des innovations alignées sur le programme du gouvernement.

Les preuves comptent certes, mais quelle quantité et de quelle manière ?

Les scientifiques pensent souvent que les données à elles seules convaincront les décideurs de choisir les bonnes politiques à mettre à l'échelle.

Cependant, les expériences dans les domaines de l'agriculture, de la santé et de la réduction de la pauvreté indiquent que les décideurs ne s'appuient qu'en partie sur les preuves statistiques (en anglais) et semblent davantage s’en remettre à leur propre intuition, leurs croyances, leurs conseillers, leur degré de familiarité avec le sujet et les réalités politiques du contexte. Ceci pour plusieurs raisons.

Premièrement, les décideurs ne disposent pas toujours de données fiables ou des bons types de données. Les systèmes d'information sur la gestion de l'éducation (SIGE) dans les pays à revenu faible ou intermédiaire sont soit bons, soit mauvais ou carrément inexistants.

Deuxièmement, certaines données sont plus souhaitables que d'autres, et les décideurs ont besoin d'aide pour utiliser les données. Une évaluation intéressante (en anglais) sur le sujet a d’ailleurs été menée, dans le but de savoir si les investissements faits pour la production de données sur l'éducation correspondent à l'utilisation qui est faite de ces données.

Custer et coll. ont constaté que les décideurs ont cité les données sur l'évaluation des programmes comme étant celles qui étaient les plus souhaitées. Cependant, les décideurs ont également signalé un besoin d'aide à la recherche pour interpréter les données, communiquer les résultats aux parties prenantes et élaborer des politiques fondées sur des données probantes.

Troisièmement, les données ont des limites connues : (1) la précision des données des résultats des tests dépend de la façon dont elles sont interprétées ; (2) il y a toujours des facteurs que la recherche ne peut saisir ; (3) faire des essais randomisés contrôlés durant la mise en œuvre d'une innovation peut être trompeur ; et (4) l’existence de trop de données peut conduire à une paralysie décisionnelle.

L'argent est tout aussi important

De nouvelles innovations promettant d'améliorer les performances des établissements scolaires et des élèves sont constamment présentées aux décideurs. Mais, compte tenu des ressources limitées du secteur de l'éducation, ces derniers voudront savoir quelles innovations sont les plus rentables comparées aux autres options.

Ceci est particulièrement important maintenant, étant donné que les deux tiers des pays à revenu faible et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (en anglais) ont réduit leurs budgets de l'éducation depuis le début de la pandémie de COVID-19. Être convaincu que les avantages d’une innovation particulière dépassent ses coûts - ou qu’elle est plus efficiente que d’autres options – sera un élément déterminant du processus.

Éluder la question des finances pourrait donc s'avérer fatal.

Le contexte politique n’est pas en reste non plus

Notre propre évaluation a révélé que les décisions des gouvernements quant à l'adoption ou non d'une innovation se basent en partie sur la qualité ou le potentiel de l'innovation en elle-même, et en partie sur le fait de disposer de données démontrant son efficacité.

Elles semblent également être le résultat de l’alignement de l’innovation sur les propres calculs politiques du décideur, de l’image qu’il souhaite véhiculer, de l’opinion de ses conseillers de confiance et de ses conversations personnelles avec des experts en éducation.

Cela suggère que les innovateurs, les responsables de mise œuvre et les chercheurs qui ne sont assujettis à aucun pouvoir politique doivent réfléchir de manière approfondie et stratégique au fur et à mesure qu'ils développent leurs projets. Ce qui suggère également qu'une étude plus approfondie est nécessaire.

Le Center for Universal Education de la Brookings Institution s'est associé au mécanisme d'échange de connaissances et d'innovations (KIX) du Partenariat mondial pour l'éducation (GPE) - un partenariat conjoint entre le GPE et le Centre de recherche pour le développement international (CRDI) - pour entreprendre des recherches sur les processus de mise à l'échelle de programmes dans le secteur de l'éducation, et notamment sur la manière dont les décideurs identifient et adoptent les innovations à mettre à l’échelle, et le rôle que jouent les compromis et les principaux moteurs de mise à l'échelle dans ces processus.

Nous sommes impatients de partager des connaissances et des idées pertinentes avec la communauté éducative à travers le monde au fur et à mesure que nous les apprenons, notamment en commençant cette série de blogs sur la prise de décision en rapport avec la mise à l'échelle des programmes dans le secteur de l’éducation.

Dans cet article inaugural, nous avons présenté le contexte. Nous aborderons d'autres thèmes liés à la mise à l'échelle des programmes dans les prochains.

Ce projet est soutenu par l'échange de connaissances et d'innovations dans le secteur de l’éducation (KIX) du Partenariat mondial pour l’éducation (GPE), une initiative conjointe du GPE et du Centre de recherches pour le développement international (CRDI). Les opinions exprimées ici ne représentent pas nécessairement celles du GPE, du CRDI ou de son Conseil d’administration.​

La Brookings s'engage à assurer la qualité, l'indépendance et l'impact de tous ses travaux. Les activités soutenues par ses donateurs reflètent cet engagement et les analyses et recommandations faites ici réflètent uniquement les points de vue des chercheurs.

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