Tirer parti du dividende démographique en finançant l’éducation des filles et favorisant l’égalité des sexes en Afrique
Investir dans l'éducation des filles est l'un des meilleurs moyens pour l'Afrique de tirer profit de son dividende démographique. L'éducation des filles contribue à la fois à leur autonomistation sur le plan économique et améliore également la santé entre autre. Mais, les effets les plus importants de l'éducation d'une fille résident dans l'impact intergénérationnel d'un tel investissement, notamment sur la santé et le bien-être de leurs familles et l'éducation de leurs propres enfants.
03 août 2017 par Houraye M. Anne, Forum for African Women Educationalists (FAWE)
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Haja Logan (Gauche), 12 ans et Mercy Yarqwe, 15 ans, partagent un bureau à l’école publique de Vincent Town (EPE- 6ème année), une école bénéficiant d’une subvention grâce au financement accordé par le GPE au Libéria. Vincent Town, comté de Bomi, Libéria
Haja Logan (Gauche), 12 ans et Mercy Yarqwe, 15 ans, partagent un bureau à l’école publique de Vincent Town (EPE- 6ème année), une école bénéficiant d’une subvention grâce au financement accordé par le GPE au Libéria. Vincent Town, comté de Bomi, Libéria

En Afrique, le niveau de scolarité actuel est faible et ne pourrait relever les défis auxquels est confronté le continent. Des millions de jeunes Africains ne sont pas scolarisés (l’Afrique subsaharienne accueille plus de la moitié des enfants non scolarisés du monde), tandis qu’une majorité des enfants scolarisés n’apprend même pas les compétences élémentaires en calcul, lecture et écriture RMS 2013/2014, PASEC 2014). Il faut ajouter à cela une demande croissante pesant sur l’éducation due à la structure démographique de l’Afrique, dont la population jeune dépasse de loin la population adulte.

L’éducation en Afrique doit devenir une priorité

Pour résoudre de façon adéquate les problèmes liés à l’accès, la participation et l’achèvement au sein du système éducatif, ainsi qu’à la qualité de l’enseignement dont bénéficient les jeunes, il est nécessaire d’investir massivement dans le secteur éducatif. Il est communément admis que les États doivent allouer au minimum 20 % de leurs dépenses publiques à l’éducation. Et il est temps que cela soit le cas.

Tirer parti du dividende démographique en garantissant aux jeunes les compétences cognitives qui leur seront nécessaires sera la voie du développement du continent. Cependant, si amplifier les efforts intérieurs en faveur du budget de l’éducation afin d’atteindre ce seuil minimum est une condition nécessaire, celle-ci est loin d’être suffisante.

Même si les pays africains augmentent le niveau de financement de l’éducation et si les bailleurs respectent leur engagement afin de garantir qu’aucun pays ne soit empêché de réaliser l’objectif de l’Éducation pour tous par manque de ressources, pour obtenir les bénéfices escomptés, il est nécessaire de privilégier une gestion efficace des ressources et il importe tout autant d’opter pour un financement équitable et inclusif destiné aux populations défavorisées, la plus critique étant celle des filles.

C’est pourquoi le FAWE (Forum des éducatrices africaines) soutient le Partenariat mondial pour l’éducation dans ses efforts auprès des pays africains pour augmenter ou maintenir des dépenses destinées à l’éducation à 20 % ou plus des dépenses publiques, ainsi que pour privilégier des dépenses éducatives favorisant la qualité, l’efficacité et l’équité. En effet, l’action du GPE, avec une ferme orientation sur l’éducation des filles et l’éducation dans les situations de fragilité, de conflit et de crise humanitaire, notamment par son soutien aux pays qui s’efforcent de favoriser l’éducation des filles, des réfugiés et des PDI, vient compléter les domaines d’action du FAWE.

L’investissement dans l’éducation des filles est le meilleur investissement pour tirer profit du dividende démographique

Bien que l’inégalité entre les sexes ait été considérablement réduite en Afrique grâce à l’objectif de l’éducation pour tous (EPT) et du Plan d’action (PA) de la Deuxième décennie pour l’éducation en Afrique de l’Union africaine (UA) les défis qui se profilent demeurent énormes. Ce travail inachevé a donné lieu à un programme encore plus ambitieux détaillé dans les Objectifs de développement durable (ODD 4 et 5), la Stratégie continentale de l’éducation pour l’Afrique (CESA 16-25) et la Stratégie sur l’égalité entre les sexes pour la CESA, en cours de finalisation. Les deux programmes entraînent un changement de paradigme de la parité à l’égalité entre les sexes au sein de, et par l’éducation.

La valeur de l’éducation des filles produit des bénéfices à la fois particuliers et collectifs pour les filles et les femmes au sein de leur communauté. Les recherches montrent que l’éducation a un impact positif sur l’épanouissement, la santé, et les futures perspectives d’emploi, ainsi que sur les gains, la voix et l’autonomie des femmes. De plus, elle influe de façon positive les transformations sociales par la promotion d’attitudes progressistes, favorise la paix et la stabilité, ainsi que les perspectives de développement au niveau national.

Mais les effets les plus importants de l’éducation des filles se situent dans l’impact intergénérationnel d’un tel investissement, notamment sur la santé des familles et le bien-être et l’éducation de leurs propres enfants.

L’achèvement d’une éducation de qualité protège les filles de pratiques culturelles néfastes tels que le mariage précoce et les mutilations génitales féminines, accroît leur participation à la vie publique, réduit les niveaux de pauvreté au sein d’une région / communauté donnée, favorise une culture pacifique et démocratique propice à la bonne gouvernance et induit ainsi un cercle vertueux entre l'éducation des filles et le développement.

Il existe par ailleurs une forte corrélation entre le niveau d’éducation des filles et la portée et l’ampleur des bénéfices potentiels escomptés.

Le coût de l’inaction ou de l’ignorance de l’inégalité des sexes s’est traduit par une perte en termes de création de richesses d’une valeur de 104,75 milliards de dollars en Afrique subsaharienne en 2014, soit une perte de 6 points de PIB pour la région, chiffre en constante augmentation depuis 26,13 milliards de dollars en 2000 (Rapport 2016 du PNUD sur le développement humain en Afrique). Le continent ne peut souffrir ce coût d'opportunité.

La qualité de l’investissement dans l’éducation des filles est fondamentale

Lorsqu’on examine les problèmes du financement de l’éducation et de l’éducation des filles, il est également essentiel de reconnaître que les contraintes budgétaires et les demandes intersectorielles concurrentielles pesant sur les ressources publiques limitent la capacité des pays à augmenter indéfiniment le niveau de financement du secteur. Ainsi, quel que soit le niveau global du financement de l’éducation, il est crucial de faire les investissements adéquats pour atteindre une éducation inclusive de qualité.

Ceci est également valable en matière d’éducation des filles. En effet, les obstacles à l’éducation liés au sexe peuvent s’ajouter à d’autre facteurs tels que la pauvreté, le handicap et la situation géographique (DME de l'UNESCO DME, WISE), ce qui les rend ainsi quasiment insurmontables pour les jeunes filles.

Les pratiques actuelles d’allocation ne prennent cependant pas nécessairement en compte ce facteur, et entraînent ainsi des investissements publics susceptibles de renforcer les inégalités entre les sexes ou bien liées à l’aspect social, économique et territorial au sein du système, l’argent n’étant pas mieux ciblé pour les filles ayant réellement besoin de soutien.

Il semble donc nécessaire de veiller à des politiques mieux définies et des allocations mieux ciblées afin de soutenir les filles les plus défavorisées, qui ne peuvent être aidées que par les ressources publiques. Pour parvenir à l’équité, cela semble donc nécessaire au niveau de l’intrant comme du processus. Là encore, c’est pourquoi FAWE soutient l’action complémentaire du GPE, qui favorise l’éducation pour les plus défavorisés, notamment les filles, et œuvre aux côtés des États pour garantir une meilleure prise en compte des problèmes d’équité, d’inclusion et de données ventilées par sexe.

Cette planification proactive des politiques pour cibler les filles les plus vulnérables dépend de la qualité du Système d’information et de gestion de l’éducation (SIGE) qui, souvent, ne permet pas le niveau de sophistication requis par les capacités de planification nécessaires. L’appropriation nationale et le financement du SIGE sont donc des éléments essentiels.

Nécessité d’une planification, d’une budgétisation et d’un financement de l’éducation en faveur de l’égalité entre les sexes en Afrique

On peut ainsi déduire de ce qui précède que le financement n’est efficace que lorsqu’il est associé à des capacités adéquates de planification, budgétisation et mise en œuvre de l’éducation des filles en Afrique.

Il faut attirer l’attention sur ces fonctions essentielles, qui veilleront à ce que l’argent dépensé dans l’éducation, et en particulier dans l’éducation des filles, constitue un investissement qui permette un retour maximum.

Investir dans l’éducation des filles est un acte stratégique d’autant plus nécessaire pour l’Afrique que les inégalités y demeurent importantes, notamment l’inégalité entre les sexes.

Les enjeux sont de taille, et ne pas saisir cette opportunité pourrait transformer un atout potentiel en bombe à retardement et se traduire par une instabilité politique, voire une guerre civile. En effet, près de 40 % des personnes s’engageant dans un mouvement rebelle sont motivées par le manque de perspectives économiques (African Development Bank: Jobs for Youth in Africa - Strategy for Creating 25 Million Jobs and Equipping 50 Million Youth [2016-2025])

Pour tirer parti du dividende démographique de l’Afrique, l’investissement dans l’éducation des filles exigera :

  • des États africains qu’ils augmentent leurs efforts conformément aux normes et standards définis par la communauté internationale, soit respectivement 15 à 20 % du budget national et / ou 4 à 6 pourcent du PIB alloué à l’éducation. Pour ce faire, il est indispensable de diversifier les sources de financement intérieur, ainsi que d’élargir l’assiette fiscale nationale.
  • de la communauté des bailleurs qu’elle se montre à la hauteur et étende son engagement en matière d’éducation afin qu’aucun pays ne soit empêché d’atteindre l’objectif de l’Éducation pour tous par manque de ressources.
  • la détermination d’une norme internationale minimale relative à la part des dépenses publiques destinées à l’éducation consacrée à l’éducation des filles et à une budgétisation favorisant l’égalité entre les sexes.
  • une meilleure allocation et une gestion efficace des ressources financières afin de veiller à ce que l’argent public cible les groupes nécessitant une aide et pour lesquels les ressources seront prioritaires, notamment les filles.
  • l’assurance que le secteur éducatif veille à l’égalité des sexes à tous les niveaux (intrant – processus – extrant) et dans tous les secteurs.
  • l’assurance que des fonctions adéquates sont en place afin de transformer les dépenses en investissement dans l’éducation des filles et qu’elles sont dotées des capacités requises (RH, finances, technologie, expertise et compétences).

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