Comment utiliser les données pour améliorer l’enseignement et l’apprentissage ?

Leçons tirées d’approches réussies en matière de collecte de données et d’utilisation innovante pour stimuler et améliorer les pratiques d’apprentissage et d’enseignement.

31 janvier 2025 par Clio Dintilhac, Gates Foundation
|
Lecture : 5 minutes
Une enseignante au tableau à l'école primaire de Nyamachaki, dans le comté de Nyeri, au Kenya. Crédit : GPE/Kelley Lynch

Une enseignante au tableau à l'école primaire de Nyamachaki, dans le comté de Nyeri, au Kenya.

Credit: GPE/Kelley Lynch

Quelles sont vos meilleures écoles ? Lesquelles de vos écoles sont à la traîne et pourquoi ? Tous les enfants ont-ils des livres ? Les enseignants enseignent-ils efficacement et suivent-ils les plans de cours ? Les formations ont-elles eu lieu et ont-elles été efficaces ?

Voici quelques-unes des questions que j'avais incluses dans mon guide d'entretien avec les responsables du district dans un pays d'Afrique subsaharienne il y a quelques mois.

Je me souviendrai toujours de leur réponse franche :

  • « Nous avons peu de données sur les écoles en difficulté et peu de moyens pour les soutenir. »
  • « Notre ratio d’inspecteurs/conseillers par école est de 1/200. Il est physiquement impossible qu’ils visitent toutes les écoles même juste une fois par an. »
  • « Nos inspecteurs/conseillers pédagogiques ont un budget très limité pour les descentes sur le terrain – s’ils veulent les faire, ce sera à leurs propres frais. »
  • « Lorsqu’ils s’y rendent, ils remplissent un rapport papier, ce qui prends du temps à revoir. »
  • « Même une fois qu’on a l’information, nous avons peu de capacité pour agir sur les données. »

Collecter et utiliser les données scolaires pour améliorer les performances est complexe, même avec des fonctionnaires motivés.

Mieux comprendre comment soutenir aux niveaux des districts, des sous-districts et du ministère pour surveiller si l'apprentissage a lieu et si les activités clés pour soutenir un enseignement efficace sont mises en œuvre est essentiel.

Stratégies clés pour améliorer les résultats à grande échelle

Nous avons pourtant de solides raisons d’être optimistes. Beaucoup de preuves existent sur la manière d’améliorer l’apprentissage fondamental à l’échelle. La synthèse du Global Education Advisory Panel met en avant deux approches fondées sur les preuves :

  1. L’utilisation d’une pédagogie structurée dans un contexte de classe entière : les enseignants disposent de guides, de matériel pédagogique adapté aux guides, de formations, de coaching et de suivis réguliers pour soutenir une pédagogie structurée ;
  2. L’enseignement au bon niveau (TaRL) pour remédiation : cette méthode regroupe les élèves par niveau de compétence et adapte l’enseignement à leurs besoins.

Cependant, ces méthodes ne fonctionnent que si les enseignants les appliquent quotidiennement. Pour surveiller cela, il faut des données. Des données sur :

  • L’apprentissage ;
  • Les pratiques des enseignants ;
  • La réalisation des activités clés favorisant de bonnes pratiques pédagogiques, comme la réception des livres ou la tenue des formations des enseignants (plus de détails sur la surveillance des activités clés ici).

Leçons internationales sur l’utilisation des données en éducation

Les systèmes performants utilisent les données de manière innovante pour améliorer l’apprentissage. Une analyse des réformes réussies de l’éducation suggère trois approches prometteuses :

1. Utiliser des données d’apprentissage au niveau des élèves

La première approche consiste à utiliser les données d’apprentissage collectées au niveau des élèves pour identifier les écoles qui ont besoin d’un soutien supplémentaire pour atteindre les objectifs d’apprentissage.

L’approche TaRL en Zambie a démontré des résultats à grande échelle : après un an, la maîtrise de la lecture pour 1 200 élèves des niveaux 3 à 5, dans 80 écoles des provinces de l’Est et du Sud, est passé de 34 % à 52 % au test ASER lors d'un projet pilote en 2016.

Les enseignants évaluent les élèves trois fois par an pour répartir les élèves en groupes de remédiation afin qu’ils puissent rattraper leur retard à un niveau et à un rythme qui conviennent le mieux à leurs besoins.

Ces données d’évaluation sont utilisées directement pour informer les décisions pédagogiques et elles sont aussi consolidées aux niveaux des districts et des régions pour mesurer les progrès des écoles.

L’un des inconvénients de cette approche est le temps que les enseignants consacrent à la collecte des données d’apprentissage auprès de chaque élève plusieurs fois par an. Heureusement, des efforts sont en cours pour réduire le temps que les enseignants consacrent à ces évaluations dans le cadre de la méthode TaRL.

2. Utiliser des indicateurs de mise en œuvre dans les programmes de pédagogie explicite

La deuxième approche, utilisée par de nombreux programmes de pédagogie explicite dans les pays à revenu faible et intermédiaire, consiste à collecter des indicateurs clés de mise en œuvre par le personnel au niveau des districts ou les directeurs d’écoles, souvent à l’aide de tablettes.

Les indicateurs sont capturés par des questions telles que « Le matériel pédagogique est-il disponible en classe ? », « Les enseignant l’utilisent-ils ? », « Suivent-ils le plan de cours ? », ou « Les élèves s’engagent-ils directement avec les compétences en question ? »

Cette approche de suivi a été mise en œuvre dans de nombreux programmes de pédagogie explicites comme Tusome au Kenya.

L’avantage est un diagnostic complet des problèmes de mise en œuvre, permettant aux collecteurs de données de fournir des retours aux enseignants. L’inconvénient est qu’il n’y a souvent pas de personnel au niveau du district et du sous-district pour effectuer ce niveau de suivi, le personnel scolaire étant déjà confronté à une charge de travail importante.

Certains pays utilisent des systèmes de rotation pour garantir que les écoles qui ont du mal à maintenir et à améliorer leurs résultats d’apprentissage bénéficient de visites plus fréquentes pour un soutien supplémentaire.

Lorsque le personnel n'est pas disponible, des enquêtes ponctuelles sont un moyen de continuer à surveiller la mise en œuvre des programmes d’instruction explicite avec l'aide d'une assistance technique externe.

3. Adopter des utilisations innovantes des données d’apprentissage administratif

La dernière approche, bien que moins évaluée, est pragmatique et rentable. Elle utilise les données des examens et les données administratives pour mieux comprendre les performances des écoles.

Au Népal, des tableaux de bord basés sur des données administratives d’apprentissage identifient les disparités afin de concentrer les ressources sur les zones les plus vulnérables.

La création de tels tableaux de bord nécessite que des données pertinentes soient collectées via des systèmes administratifs ou des substituts comme les résultats d'examens.

Bien qu’il s’agisse d’une approche prometteuse, des preuves supplémentaires sont nécessaires pour évaluer dans quelles conditions les tableaux de bord de données peuvent cibler précisément les écoles en difficulté.

Ces trois approches qui se concentrent sur l’utilisation des données pour améliorer l’apprentissage ne s’excluent pas mutuellement et peuvent facilement bénéficier aux objectifs scolaires lorsqu’elles sont utilisées en combinaison comme cela a été discuté lors d’un panel à la conférence FLEX (résumé ici, avec des réflexions supplémentaires sur la conférence partagée ).

Le Sénégal, par exemple, utilise à la fois la première et la deuxième approche décrites ici en effectuant des évaluations trimestrielles au niveau des élèves (approche 1) et en utilisant des données sur la fidélité de la mise en œuvre des programmes pédagogiques structurés - qui capturent dans quelle mesure le matériel pédagogique est délivré comme prévu aux élèves - et est mesuré à l'aide d'un nouvel outil dédié (approche 2) pour gérer leur système.

Daara Serigne Mansour Sy. Tivaouane, Sénégal. Crédit : GPE/Chantal Rigaud

Daara Serigne Mansour Sy. Tivaouane, Sénégal.

Credit:
GPE/Chantal Rigaud

Ce que nous savons et ce que nous ne savons pas encore

Nous avons déjà beaucoup appris des modèles existants d'utilisation des données au niveau district/sous-district pour mieux comprendre l’enseignement et l’apprentissage dans les écoles.

Il reste cependant de nombreux domaines à explorer dans leur intégralité et dans toute la mesure des avantages que plus de données peuvent apporter aux systèmes éducatifs pour améliorer l’apprentissage.

Ce blog illustre différentes approches de collecte et d’utilisation des données. Mais, il est tout aussi important de comprendre la meilleure façon de soutenir l’utilisation des données pour la pratique de l’enseignement.

Les niveaux décentralisés ont souvent beaucoup de travail administratif et de gestion à accomplir qui n’est pas directement lié au soutien pédagogique. Les aider à donner la priorité au soutien pédagogique nécessite de redéfinir et de réorganiser leur travail.

Nous avons besoin de plus de preuves sur les approches efficaces pour y parvenir. Davantage de preuves et de plaidoyer sont nécessaires sur les approches efficaces et les données pour améliorer l’enseignement et l’apprentissage en classe.

J’ai hâte d’en apprendre davantage sur les approches de différents pays sur ces questions clés lors du panel dédié à la conférence « Apprendre pour demain ».

Comme le disent les jeunes champions de l’apprentissage Zawadi et Elvis du Kenya : nous avons besoin de données pertinentes pour améliorer l’apprentissage : « Mesurons tôt, mesurons tous et mesurons bien ».

Lire aussi

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas divulguée. Tous les champs sont requis

Le contenu de ce champ sera maintenu privé et ne sera pas affiché publiquement.

Comments

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.