L'histoire de deux écoles en République démocratique du Congo

A Gemena et Goma, deux villes situées presque à l'opposé l'une de l'autre en République démocratique du Congo, j'ai vu deux écoles qui montrent les promesses et les défis du secteur de l'éducation du pays.

20 avril 2015 par Chantal Rigaud, GPE Secretariat
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Lecture : 9 minutes
Les enfants de l'école primaire Mboga à Goma. Crédit: GPE/Chantal Rigaud

Par une chaude journée à l'extérieur de Gemena, la capitale de la province de l'Equateur dans le nord-ouest de la République démocratique du Congo (RDC), un groupe d'enfants âgés de 6 à 10 ans jouent une pièce qui fait éclater de rire et de plaisir une centaine de spectateurs.

Une fillette aux cheveux en tresses serrées, attachées en queue de cheval, porte la chemise blanche impeccable et la jupe bleu foncé de son uniforme scolaire. Elle joue le rôle d'Alice Albright, Directrice générale du Partenariat mondial pour l'éducation. Un petit garçon avec un élégant costume sombre et des chaussures brillantes joue Maker Mwangu Famba, Ministre de l'éducation de la RDC, portant des lunettes semblables à celles du Ministre. Autour d'eux, d'autres enfants jouent les autres rôles : gouverneur de la province, commissaire à l'éducation, directeur de l'école, enseignants, parents, élèves, et même de l'interprète !

Une école flambant neuve

Les enfants jouent une scène qu'ils avaient observée un an auparavant, lorsque le Ministre et Alice Albright étaient venus à Gemena pour poser la première pierre de leur toute nouvelle école. Le bâtiment original de l'école primaire de Kanzi avait des murs de terre et un toit de chaume. Il y avait une  fuite d'eau à l'intérieur quand il pleuvait.

Photos avant/après de l'école primaire Kanzi à Gemena

Un an plus tard, deux nouveaux bâtiments avec des murs en ciment et des toits en tôle abritent six classes, allant de la 1ère à la 6ème année. Les bâtiments ont été construits dans le cadre du financement de 100 millions de dollars US du Partenariat mondial pour l'éducation.

Les salles de classe sont fraîchement peintes et ont des rangées de nouveaux pupitres bien alignées. Les enfants ont reçu de nouveaux manuels scolaires pour le français, les mathématiques, les sciences et l'éducation civique. Les ballons de football distribués l'année dernière sont présentés fièrement par plusieurs équipes en maillots rouges et bleus qui ont couru le long de nos voitures quand nous sommes arrivés.

C’est un jour de fête à Gemena. Nous ressentons l'énergie et la joie de la communauté alors qu’ils célèbrent leur nouvelle école, et nous partageons leur espoir que ces meilleures conditions scolaires sont un pas en avant vers un meilleur apprentissage.

Les contrastes d'un vaste pays

L’atterrissage à Goma le lendemain nous montre un paysage très différent, non seulement géographiquement, mais aussi dans son système éducatif.

Goma, la capitale du Nord-Kivu, est située sur les rives du lac Kivu, à la frontière avec le Rwanda. La ville a connu sa part de catastrophes naturelles : le volcan Nyiragongo, qui est à proximité et toujours actif, a laissé une longue traînée de roches de lave noire après son éruption en 2002, détruisant une partie de la ville. Les conflits impliquant les pays voisins et les groupes rebelles ont ravagé la région au cours des dernières décennies.

L'école primaire de Mboga se trouve au bord d'un chemin rocailleux à la périphérie de Goma. Pendant le conflit, l'école a été complètement détruite, mais aujourd’hui, ses bâtiments sont bien aménagés avec de jolis pupitres et des tableaux propres. Les comités d’accueil des différentes écoles à proximité, avec les enfants qui chantent pendant que leurs enseignants les dirigent, sont tout aussi beaux qu’à Gemena.

Mais en regardant les visages de ces enfants autour de nous, je ne vois pas beaucoup de sourires et les regards sont sévères. Il est facile de voir que les habitants de Goma, en particulier ses enfants, ont connu le pire de ce que la vie peut apporter.

Les difficultés de coût et de qualité à l'école primaire Mboga

Nous avons assisté à une leçon dans une classe de 3ème année, sous la direction de l’enseignant Jean-Paul Niyibizi. Les garçons et les filles se ressemblent, des cheveux coupés ras et les mêmes uniformes avec une chemise blanche et un pantalon bleu marine. On dirait que les filles essayent de se cacher. Les enfants suivent de près les instructions de leur maître, levant la main pour répondre aux questions, applaudissant en rythme pour féliciter une bonne réponse, mais les questions posées sont très simples, relevant davantage du niveau d’élèves de maternelle.

L'école primaire de Mboga accueille 363 élèves, dont 150 sont orphelins. Il y a 11 classes, de la 1ère à la 6ème année. L’école commence à sept heures du matin et se termine à 12h35. L'école emploie 10 enseignants, mais trois d'entre eux ne sont pas rémunérés. C’est un problème commun en RDC, où les parents doivent souvent contribuer aux frais de fonctionnement de l'école car le budget de l'éducation est insuffisant pour couvrir toutes les dépenses.

Juste à l’extérieur de la salle de classe de 3ème année, nous recontrons Tegera, un garçon de 12 ans qui n’en paraît pas plus de 8. Il fréquente une école à proximité et parle anglais car, depuis la perte de sa famille pendant le conflit, il a passé du temps avec les soldats de la force du maintien de la paix des Nations Unies, la MONUSCO. Il vit maintenant avec une famille d'accueil et dit qu'il veut être professeur quand il sera grand. Tegera s’accroche à son professeur, Matthieu Nyota, mais je ne suis pas certaine que ce garçon pourra réaliser son rêve.

Le choix de l’espoir malgré les défis immenses

Une fillette à l'école primaire Kanzi à Gemena. Crédit: GPE/Federico ScoppaLes deux visites m’ont laissée pleine d’espoir et en même temps inquiète. Les deux écoles ont reçu un soutien grâce au financement de 100 millions de dollars US que le Partenariat mondial a alloué à la RDC en 2013, et qui se terminera en 2016: à Gemena, l'école a été reconstruite et rénovée grâce au financement. À Goma et Gemena, les manuels ont été achetés grâce au financement. Le financement a été approuvé par le Conseil du GPE en 2012 suite à l'approbation du plan intérimaire pour le secteur de l'éducation de la RDC par les partenaires de l'éducation du pays.

En tout, le financement a déjà soutenu la distribution de plus de 20 millions de manuels scolaires à travers le pays. La construction d'écoles, la formation des enseignants et le soutien à l'administration des écoles sont concentrés dans les deux provinces cibles de l'Équateur et du Kasaï Occidental.

Mais les enfants reçoivent une éducation encore médiocre et le taux d'achèvement de l'école primaire, de 69% en moyenne, doit être amélioré. L’école n’est pas encore totalement gratuite, malgré la loi adoptée par le pays en 2010, et les parents doivent souvent en supporter les coûts, ou bien ne pas envoyer leurs enfants à l'école.

Malgré ces défis, je choisis d'être optimiste et de croire que la République démocratique du Congo est sur la bonne voie quant à l'amélioration de son système éducatif, même si le chemin est encore long.

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