Reconstruire un discours sur l’afrofuturisme et l’optimisme par l’éducation
Qu'est-ce que le film "Black Panther", la célébration de la Journée de l'Afrique et la conférence de la PACE ont en commun ? Ces trois évènements sont un rappel des progrès réalisés par l'Afrique et ses citoyens pour redéfinir et reconquérir leur propre récit.
04 juin 2018 par Victoria Egbetayo, GPE Secretariat
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Lecture : 12 minutes
Des élèves dans une salle de classe inachevée au Kenya. Crédit: GPE/Kelley Lynch
Des élèves dans une salle de classe inachevée au Kenya

Le film Black Panther, succès mondial, a permis au monde de découvrir une nation africaine à la pointe de la technologie, Wakanda, et à travers elle, afrofuturisme et optimisme.

Le 25 mai dernier, 25 pays africains et de nombreux autres dans le monde ont célébré la Journée de l’Afrique, fête annuelle commémorant la création de l’ Organisation de l’unité africaine (connue aujourd’hui sous le nom d’Union africaine). Cette décision symbolique a marqué la libération de l'Afrique des chaînes du colonialisme.

Esclavage et colonialisme ont contribué à réécrire l'histoire de l'Afrique sous le prisme des conflits, de la pauvreté, de la faim et des épidémies. Black Panther s’efforce au contraire d’imaginer ce qui aurait pu être possible si l’Afrique avait été autorisée à développer son potentiel pour elle-même, sans les perturbations, les attaques, la destruction et l’exploitation provoquées par le colonialisme.

Il a fallu l’univers cinématographique de Marvel pour offrir au monde un aperçu du discours du possible que l’Afrique a depuis longtemps défini pour elle-même : l’afro-optimisme, la richesse culturelle et matérielle, la bonne gouvernance, un leadership exemplaire, l’égalité entre les sexes, la paix et la stabilité, l’unité, l’innovation et le progrès technologique. Créé bien avant la création de l’OUA/UA, ce discours s’est incarné dans ces institutions.

La Journée mondiale de l’Afrique est un rappel de l’engagement inébranlable des fondateurs de l’OUA dans la lutte pour l’indépendance et l’unité de l’Afrique. Il s’agit là de la célébration de la libération et de la liberté, la création de l'OUA marquant un tournant dans l’histoire du continent en fournissant une feuille de route et une direction tournée vers l'avenir.

Celles-ci sont désormais incarnées dans son successeur, l'Union africaine, par l’Agenda 2063 et, pour le secteur éducatif, la Stratégie continentale de l’éducation pour l’Afrique (CESA) 2016 – 2025.

La place de l’éducation dans le discours africain

Entre un blockbuster hollywoodien et la célébration de la Journée mondiale de l’Afrique s’est tenue la Conférence panafricaine de haut niveau sur l’éducation (PACE).

Du 25 au 27 avril, l’Union africaine, l’UNESCO et le gouvernement kenyan ont organisé cette conférence dans le but d’évaluer les progrès sur la voie de la réalisation de l’ODD 4 et de la Stratégie continentale de l’éducation pour l’Afrique (CESA).

Ces trois événements constituent un rappel des avancées faites par l’Afrique et ses peuples depuis l’expérience de l’esclavage et du colonialisme.

Les progrès en termes de paix et de stabilité, la gouvernance démocratique, le développement humain, la promotion et la protection des droits de la personne humaine, l'intégration régionale et continentale, l’égalité entre les sexes dans les institutions nationales et continentales, la réduction de la mortalité infantile et maternelle, et encore bien d’autres dividendes concrets de la paix.

La PACE constitua toutefois également un rappel des défis importants et des opportunités à développer dans le secteur éducatif, qui, s'ils sont correctement traités, auront un impact sur tous les autres secteurs et sur la réalisation à la fois des objectifs de développement durable et de l’Agenda 2063.

Désamorcer les difficultés africaines en matière d’éducation et saisir cette opportunité

Rumana est une jeune femme de 26 ans originaire du Soudan qui vient de s'inscrire en septième année. Crédit photo : GPE/Kelley Lynch

Rumana est une jeune femme de 26 ans originaire du Soudan qui vient de s'inscrire en septième année.

Crédit photo : GPE/Kelley Lynch

Les experts techniques et les ministres présents à la PACE ont reconnu collectivement que l’Afrique traversait une crise de l’apprentissage, constat tout à fait partagé par les jeunes présents : en effet, le continent a le taux le plus élevé d’enfants non scolarisés, abrite les pays les plus faibles en termes d’achèvement du primaire et du premier cycle du secondaire, et 202 millions d’enfants et d’adolescents n’acquièrent pas les bases en lecture et en mathématiques, alors même que deux-tiers d’entre eux sont scolarisés.

Le rapport de la Banque mondiale Perspectives : l’école au service de l’apprentissage en Afrique souligne le fait que l’éducation de la petite enfance se trouve confrontée à un véritable embouteillage, que l'environnement d’apprentissage est médiocre et qu’il existe des lacunes en matière de gestion et de soutien des enseignants.

Le seuil de 20 % des dépenses publiques consacrés à l’éducation est atteint par de nombreux pays africains, les pays allouant en moyenne 25 % de leur budget national à ce secteur.

Cela a été clairement exprimé lors de la Conférence de financement du GPE à Dakar, au cours de laquelle 53 pays en développement ont promis d’augmenter leurs dépenses en matière d’éducation.

Malgré tout, les budgets n'investissent pas suffisamment dans l’amélioration de la qualité, tandis qu’un engagement des citoyens et une responsabilité accrus sont nécessaires dans les processus de planification sectorielle. Cela a été particulièrement mis en évidence lors de la PACE, à la fois par les jeunes et les ministres, qui ont lancé un appel pour l’engagement des jeunes dans les processus de planification, d'élaboration des politiques et des réformes sectorielles de l’éducation.

Pour faire écho aux propos d'un participant du Secrétariat de la CEDEAO, lorsqu’un pays est en crise, les Chefs d’État de la CEDEAO réagissent immédiatement et agissent à l’unisson pour régler la situation.

Le défi auquel est à présent confrontée l’éducation en Afrique, s’il n’est pas insurmontable, est une crise qui nécessite le même niveau de volonté politique, de réaction rapide et d’action afin de renverser la situation et d'éviter qu’elle ne s’aggrave.

Réunir les agendas du monde et de la région

Des élèves alignés devant leur école en Mauritanie. Crédit photo : GPE/Kelley Lynch

Des élèves alignés devant leur école en Mauritanie.

Crédit photo: GPE/Kelley Lynch

Le Partenariat mondial pour l’éducation (GPE) a partagé son expérience à travers plusieurs panels et événements en marge de la PACE, notamment dans les domaines de l’enseignement et l’apprentissage, de la responsabilité, de l’engagement des jeunes et de l’égalités des sexes dans l'éducation.

Sur les 67 pays soutenus par le GPE, 40 sont africains. Cela représente 60 %, soit le plus grand groupe de pays du même continent. Les deux tiers des financements du GPE sont destinés à l’Afrique.

La collaboration et l’innovation devenant des éléments de plus en plus prépondérants dans l’action du GPE, il était important que le partenariat se joigne, lors de la PACE, aux partenaires du continent et travaillant en Afrique, afin d’évaluer les progrès réalisés sur la voie de l’ODD 4 et de la CESA.

Jonction entre les agendas mondial et régional, la CESA est centrée sur les progrès de l’Agenda 2063, la réalisation de l’ODD 4 et des objectifs de développement durable.

En soutenant tant de pays, le GPE est un acteur clé essentiel à la réalisation de l’ODD 4 et de la CESA, en incitant les pays en développement partenaires à développer, mettre en œuvre et effectuer le suivi de plans sectoriels de l’éducation robustes. Ceux-ci contiennent des dispositions en matière d’équité, d’apprentissage, ainsi qu’en faveur de systèmes éducatifs renforcés et plus efficaces.

Les engagements politiques de grande ampleur en faveur des progrès faits par les Ministres de l’Éducation africains constituent un résultat important pour la PACE. Notamment dans l’enseignement et l’apprentissage :

  • Assurer le recrutement et le déploiement adéquats, la motivation, la formation et les programmes de développement professionnel des enseignants
  • Renforcer le dialogue et le partenariat avec les organisations d’enseignants
  • Renforcer les systèmes régionaux et nationaux d'évaluation de l’apprentissage afin de veiller à leur utilisation effective dans l’information des politiques et des pratiques d’enseignement et d’apprentissage.

Certains des engagements les plus conséquents figurent dans le domaine de la responsabilité et de la participation citoyenne :

  • Améliorer l’efficacité, la transparence et la responsabilité en optimisant l’allocation des enseignants, le suivi budgétaire, les revues des dépenses publiques/comptes nationaux de l’éducation.
  • Développer les espaces dédiés à la participation publique, notamment celle de la jeunesse, dans le dialogue et la prise de décision en matière d’éducation.

Les ministres se sont engagés en faveur de l’égalité des sexes en rendant tous les aspects du système éducatif favorables à cette égalité, réactifs et axés sur la transformation ; en proposant une éducation sexuelle à l’école et dans les institutions d’enseignement supérieur et en veillant à ce que les adolescents et les jeunes y aient accès ; et en traitant toutes les formes d’exclusion, notamment le handicap et l’albinisme.

En matière de financement, ils se sont engagés pour l’équité, l’efficacité, la transparence et la responsabilité, et ont plaidé pour des réformes fiscales afin d’augmenter les recettes intérieures. Il faut souligner le plaidoyer vibrant des jeunes sur bon nombre de ces questions.

L’UA et l’UNESCO ont également convenu de considérer ensemble la CESA et l’ODD 4, avec un suivi et des rapports conjoints sur les deux agendas.

Lire la Déclaration de la PACE en Anglais et en Français

Une volonté politique substantielle est apparue de traiter et de transformer les systèmes éducatifs africains afin de les rendre pertinents. Il est à présent temps de passer de la Déclaration à l’action.

L’afrofuturisme dans l’éducation - créer un possible réimaginé

Au fil de l’histoire, la ligne entre la fiction et la réalité semble se rétrécir de plus en plus. Aujourd’hui, nous avons l’intelligence artificielle et l’apprentissage machine, la robotique, les nanotechnologies, l’impression 3D, la génétique et la biotechnologie.

La réalité actuelle, c’est une population africaine de 1,2 milliard, soit 17 % de la population mondiale, avec un âge moyen de 19,5 ans. L’Afrique est le deuxième continent le plus peuplé au monde après l’Asie. C’est également le continent abritant la population économiquement active la plus jeune.

Pour ces 15 dernières années, la moyenne des taux de croissance des pays du continent est de 5 %, six des pays figurant parmi les dix premières économies les plus dynamiques au monde ; l’Afrique est une région connaissant parmi les plus rapides croissances.

L’afrofuturisme sera réellement possible demain, car, grâce à une éducation de qualité, nous aurons un monde dans lequel l’Afrique aura mobilisé l’énergie de ses enfants et de sa jeunesse pour reconquérir sa place.

Les engagements pris par les ministres lors de la PACE, le soutien continu du GPE, la voix des enfants et des jeunes rendront cette réalité possible.

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