Vagues de chaleur et pluies torrentielles : en Tanzanie, le secteur de l’éducation est confronté à une crise climatique

Les écoles en Tanzanie sont confrontées à une crise croissante due au changement climatique, qui a de graves répercussions sur l’éducation. Une étude récente soulève des questions sur la nécessité de remédier aux vulnérabilités actuelles des infrastructures et formule des recommandations sur la manière de bâtir des systèmes éducatifs résilients au changement climatique.

19 décembre 2024 par Ian Sullivan, Fab Inc., et Ines Achtell, Fab Inc.
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Séance d'observation dans une salle de classe en Tanzanie. Crédit : Laterite
Séance d'observation dans une salle de classe en Tanzanie.
Credit: Laterite

En Tanzanie, les écoles connaissent une crise croissante sous l’effet du changement climatique, qui a de profondes répercussions sur le secteur de l’éducation.

Ces dernières années, près de 2 millions d’enfants ont été scolarisés à l’école primaire. Les filles sont scolarisées à un nombre plus élevé que les garçons. Les taux de réussite au primaire ont augmenté de 30 %.

Cependant, sans investissements dans des infrastructures résilientes face au changement climatique, ainsi que dans les établissements scolaires et la les enseignants, ces progrès remarquables dans le secteur de l’éducation risquent d’être compromis dans les années à venir.

Les projections climatiques suggèrent que les températures moyennes en Tanzanie augmenteront d’environ 1,4 degré d’ici 2030 et que le pays pourrait connaître jusqu’à 80 jours supplémentaires de chaleur extrême par an d’ici 2040.

Ces phénomènes seront accompagnés de régimes pluviométriques de plus en plus imprévisibles, exacerbant les sécheresses, les tempêtes et les inondations.

Cela s’inscrit dans une préoccupation plus vaste à l’échelle mondiale, comme en témoigne la priorité accordée par le GPE à l’amélioration de l’éducation dans les pays les plus vulnérables aux impacts du changement climatique.

L’étude que nous avons récemment menée en Tanzanie, intitulée : Temperature, Rainfall, and Learning: Evidence from School Surveys in Tanzania (Température, précipitations et apprentissage : données probantes des enquêtes menées dans les écoles de Tanzanie), soulève des questions sur la nécessité de remédier aux vulnérabilités actuelles des infrastructures, sachant que la crise du climat et de l’environnement ne fera que les aggraver.

Dans notre étude, nous nous sommes principalement intéressés à 48 écoles situées dans les régions de Dodoma, Pwani et Mara. Nos conclusions soulignent l’urgence d’investir, d’élaborer des politiques et de planifier pour bâtir et maintenir des infrastructures scolaires résilientes face au changement climatique dans tout le pays.

Carte montrant les régions de Dodoma, Pwani et Mara en Tanzanie où l'étude Fab Inc. a été menée. Crédit : Fab Inc.
Carte montrant les régions de Dodoma, Pwani et Mara en Tanzanie où l'étude Fab Inc. a été menée.
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Fab Inc.

L’impact de la hausse des températures sur l’apprentissage

La hausse des températures dans les salles de classe est l’un des impacts majeurs du changement climatique sur l’enseignement et l’apprentissage.

Dans le cadre de notre étude en Tanzanie, nous avons placé un thermomètre dans une salle de classe de chacune des écoles participantes. Nous avons constaté que plus de 50 % des cours ont lieu dans des pièces où la température dépasse 26,7 °C, un seuil au-delà duquel les performances cognitives commencent à se détériorer.

Proportion de jours où les salles de classe ont connu des températures supérieures à 26,7 degrés dans les régions étudiées. Crédit : Fab Inc.
Proportion de jours où les salles de classe ont connu des températures supérieures à 26,7 degrés dans les régions étudiées.
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Fab Inc.

Les cours de l’après-midi sont particulièrement touchés à mesure que la température grimpe dans la classe, les heures les plus chaudes étant entre 14h et 15h. D’après notre enquête, 44 % des chefs d’établissement décrivent les salles de classe comme étant « très chaudes ».

Grâce à nos observations en classe, nous avons identifié plusieurs facteurs contribuant aux températures élevées, notamment, des salles de classe pourvues de toits métalliques non isolés, d’une ventilation insuffisante et d’un ombrage inadéquat.

En analysant le programme scolaire parallèlement aux données de température (comme le montrent les diagrammes de notre étude), nous constatons que les écoles ont tenté d’atténuer les effets de la chaleur en programmant les matières principales, telles que les mathématiques et les sciences, aux heures les plus fraîches du matin.

Graphique en rayon de soleil montrant les températures moyennes auxquelles différentes matières scolaires ont été enseignées un lundi par rapport à un jeudi typique. Crédit : Fab Inc.
Graphique en rayon de soleil montrant les températures moyennes auxquelles différentes matières scolaires ont été enseignées un lundi par rapport à un jeudi typique.
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Cependant, même ces cours ont souvent lieu à des températures qui dépassent des niveaux optimaux pour l’apprentissage, soulignant ainsi l’insuffisance des infrastructures scolaires actuelles pour protéger les enfants contre la hausse des températures.

Le rôle perturbateur de la pluie

En Tanzanie, la pluie apporte son lot de difficultés supplémentaires, déstabilisant un peu plus le système éducatif de plusieurs manières.

La pluie pose un problème aujourd’hui sur le plan de l’amélioration des résultats d’apprentissage, mais elle pourrait également entraîner demain une véritable régression de l’éducation, en raison des impacts de plus en plus imprévisibles des précipitations, des tempêtes plus violentes et des inondations.

Carte indiquant les précipitations annuelles moyennes à travers la Tanzanie. Crédit : Fab Inc.
Carte indiquant les précipitations annuelles moyennes à travers la Tanzanie.
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Fab Inc.

En particulier, le bruit de la pluie qui s’abat sur les toits en tôle perturbe les leçons, 42 % des chefs d’établissement le considérant comme un problème majeur. L’eau de pluie s’infiltre régulièrement dans les salles de classe, abîmant les sols et les murs, et rendant l’espace en partie inutilisable, si ce n’est entièrement.

En outre, pendant la saison des pluies, les inondations affectent environ un tiers des salles de classe. Sachant que les élèves et les enseignants doivent souvent franchir des routes inondées pour se rendre à l’école, il est évident qu’il reste beaucoup à faire pour limiter les perturbations de l’éducation pendant les saisons des pluies.

Fait alarmant, un tiers des écoles interrogées ne disposaient pas d’accès à de l’eau potable, un besoin essentiel pour la santé des élèves, surtout dans des environnements à température élevée.

Investir dans l’avenir : des systèmes éducatifs intégrant le climat

Les conclusions soulèvent des préoccupations plus vastes concernant l’intersection entre l’éducation et le changement climatique dans toute la Tanzanie et dans d’autres pays particulièrement vulnérables aux impacts du changement climatique.

Il est urgent de transformer les systèmes éducatifs afin de doter les générations futures des connaissances et des compétences dont elles auront besoin pour appréhender et atténuer les impacts grandissants du changement climatique.

Notre rapport renforce l’appel à une action décisive pour adapter les infrastructures scolaires aux réalités d’un climat en plein bouleversement.

Au nombre des recommandations, citons l’amélioration de la ventilation des salles de classe, la mise en place de mécanismes d’ombrage et la construction de toits avec des matériaux plus légers et une isolation adéquate.

Pour créer des solutions durables, il est également essentiel de favoriser la collaboration avec les communautés locales et de recourir à des techniques de construction innovantes qui intègrent la question du changement climatique.

Les problématiques qui ressortent de notre expérience en Tanzanie sont un rappel brutal que les impacts du changement climatique dépassent la question environnementale et ont de profondes répercussions sur les systèmes fondamentaux qui soutiennent le développement humain.

Garantir une éducation intégrant les enjeux climatiques ne se limite pas à améliorer les infrastructures. C’est un véritable investissement dans l’avenir des enfants de Tanzanie et leur capacité à s’épanouir dans un monde de plus en plus imprévisible.

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