De nouvelles prévisions montrent que nous sommes en retard sur nos objectifs en matière d’éducation
Selon les premières projections sur les progrès accomplis dans la réalisation de l’objectif de développement durable 4 (ODD 4), le monde n’atteindra pas son objectif d’une éducation de qualité pour tous d’ici 2030. Et pour l’Afrique subsaharienne, les défis sont de taille.
18 juillet 2019 par Silvia Montoya, UNESCO Institute for Statistics, et Manos Antoninis, Global Education Monitoring Report
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Un élève dans sa salle de classe à l'école de la Couronne Nord 1 à Niamey au Niger. Crédit: PME/Kelley Lynch
Un élève dans sa salle de classe à l'école de la Couronne Nord 1 à Niamey au Niger.

Nous en sommes à un tiers du chemin qu’il nous reste à parcourir d’ici 2030 pour réaliser l’Agenda pour le développement durable, qui comprend l’Objectif de développement durable 4 (ODD 4) : une éducation de qualité pour tous. Mais, le monde est très en retard sur ses engagements et le temps va rapidement manquer. Tandis que les dirigeants politiques se réunissent cette semaine pour le Forum politique de haut niveau (FPHN), le mécanisme officiel d’évaluation des progrès de l’Agenda 2030, les toutes premières prévisions sur les perspectives de réalisation de l’ODD 4 indiquent un terrible retard à l’échelle mondiale.

Cette année, la génération d’élèves devant achever le cycle secondaire d’ici 2030 devrait faire sa première rentrée scolaire. Cependant, selon les prévisions publiées par l’Institut de la Statistique de l’UNESCO (ISU) et le Rapport mondial de suivi de l’éducation, en 2030, un enfant sur six âgé de 6 à 17 ans sera exclu de l’éducation, et seuls six jeunes sur 10 achèveront le secondaire. En d’autres termes, sans actions pouvant nous sortir de ce statu quo, nous n’y arriverons tout simplement pas.

Les difficultés de l’Afrique subsaharienne

Si le tableau est suffisamment préoccupant à l’échelle mondiale, une région est quant à elle, confrontée à des difficultés encore plus grandes pour réaliser l’ODD 4 : l’Afrique subsaharienne. Les données indiquent en effet que cette région est à la traîne des progrès qui se font ailleurs et accumule un retard de plus en plus important.

D’ici 2030, elle sera encore loin de l’objectif d’enseignement primaire pour tous. D’après les nouvelles prévisions pour les pays à faible revenu, l’essentiel d’entre eux étant situés en Afrique subsaharienne, 19 % des enfants, 31 % des adolescents et 51 % des jeunes seront encore non scolarisés en 2030.

Actuellement, dans les pays à faible revenu, seuls 68 % des enfants achèvent le primaire, et 19 % le secondaire. D’ici 2030, seuls huit sur 10 achèveront le primaire (une cible qui aurait dû être atteinte en 2015), et un sur quatre achèvera le secondaire (cible de 2030).

La situation est extrêmement préoccupante pour les pays d’Afrique subsaharienne, où la population en âge scolaire croît plus rapidement qu’ailleurs dans le monde. Les données montrent que la part d’enfants en âge de fréquenter le primaire et non scolarisés dans cette région a augmenté, passant de 41 % en 2000 à 54 % en 2017.

Dans ces pays, les difficultés dépassent l’accès à la scolarisation et touchent également la qualité de l’éducation offerte. Il semblerait en effet que cette qualité soit en déclin dans certaines parties de la région. Les données du Programme d’analyse des systèmes éducatifs de la CONFEMEN (PASEC) montrent que seuls 42 % des élèves de sixième année dans les pays d’Afrique francophone évalués acquièrent un niveau de compétence minimum. Les tendances actuelles montrent que cette proportion pourrait diminuer de près d’un tiers d’ici 2030.

Pourcentage d’élèves ayant acquis le niveau de compétence minimum en lecture, niveau actuel et prévisions d’ici 2030 par scénarios.
Pourcentage d’élèves ayant acquis le niveau de compétence minimum en lecture, niveau actuel et prévisions d’ici 2030 par scénarios<br >
Ligne bleue : Niveau à atteindre - Ligne jaune : Meilleur niveau - Ligne rouge : Moyenne <br >
Programme d'analyse des systèmes éducatifs de la CONFEMEN (PASEC)

Ces préoccupations sont exacerbées par la baisse de la proportion d’enseignants formés en Afrique subsaharienne depuis 2000, essentiellement du fait que les écoles recrutent des enseignants contractuels, souvent non qualifiés, pour faire face à la demande croissante en matière d’éducation. Seuls 64 % des enseignants du primaire et 50 % des enseignants du secondaire dans la région ont ainsi bénéficié de la formation minimale requise.

Pourcentage d’enseignants formés par région, 2000-2017
Pourcentage d’enseignants formés par région, 2000-2017

Manque d’aide, manque de progrès

Manque d’aide, manque de progrès

L’un des principaux facteurs du peu de progrès accomplis en Afrique subsaharienne et dans d’autres régions est le ralentissement de l’aide à l’éducation. On remarque surtout que les avancées relatives au taux de non scolarisation dans les pays à faible revenu ont été stoppées net une fois que ce taux a atteint 20 %, ce qui coïncide avec une période de pause dans la hausse de l’aide à l’éducation, suite à la crise financière mondiale.

Le Rapport MSE estime que le manque annuel en termes de financement est d’au moins 39 milliards de dollars dans les pays à faible revenu et ceux de la tranche inférieure des pays à revenu intermédiaire. Pour combler ce manque, l’aide à l’éducation doit voir son niveau de 2010 multiplié par six. Pourtant, l’aide à l’éducation, qui a plus que doublé dans les années 2000, stagne depuis 2010. La part de l’éducation dans le total de l’aide publique au développement, mis à part l’allègement de la dette, a chuté pour passer de 10 % en 2010 à 7 % en 2017 – signal clair que l’éducation a perdu son rang dans la liste de priorités des bailleurs.

Durant l’exercice fiscal 2018, le Partenariat mondial pour l’éducation avait près de 1,2 milliard de financements actifs (soit 82 % de tous les financements actifs) dans 26 pays partenaires d’Afrique subsaharienne, en particulier pour soutenir les enfants les plus marginalisés non scolarisés.

Le temps est compté : l’heure de l’engagement a sonné

Si nous n’atteignons pas l’ODD 4, nous ne réaliserons aucun des autres objectifs mondiaux de l’Agenda 2030. Les nouvelles prévisions laissent entrevoir la perspective morose de la déception pour une génération entière, bien que cet échec soit tout à fait évitable. Le monde peut en effet facilement se permettre le modeste investissement dans l’éducation nécessaire pour atteindre cet objectif réalisable : une éducation de qualité pour tous. Nous avons un message pour les dirigeants politiques qui se sont récemment réunis dans le cadre du Forum politique de haut niveau : le statu quo en matière d’éducation doit prendre fin. Il est temps pour eux de s’engager dans l’éducation #Commit2Education.

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