L’alphabétisation multilingue favorise des sociétés inclusives

La pauvreté des apprentissages est un problème croissant, aggravé dans les contextes où les apprenants ne parlent pas ou ne comprennent pas la langue d'enseignement. Découvrez comment l’éducation multilingue basée sur la langue maternelle peut contribuer à transformer l’apprentissage fondamentale et favoriser l’inclusion et la compréhension mutuelle.

08 septembre 2023 par Brandon Darr, UNESCO Regional Office in Bangkok, et Philina Ng, SIL International
|
Lecture : 5 minutes
Des élèves de maternelle dans le Tamang oriental pendant un cours dans leur langue maternelle. Népal. Crédit: Philina Ng, SIL International
Des élèves de maternelle dans le Tamang oriental pendant un cours dans leur langue maternelle. Népal.
Credit: Philina Ng, SIL International

L’alphabétisation est essentielle dans le monde d’aujourd’hui où la maîtrise des compétences de base en lecture et en écriture ouvre la voie à diverses formes d’information, de connaissances et d’opportunités pour permettre de s’épanouir dans n’importe quelle société.

Il est alarmant de constater que plus de 700 millions d’adultes sont analphabètes et que ce chiffre risque d’augmenter à cause du faible niveau d’alphabétisation dans les écoles primaires.

Actuellement, 70 % des enfants de 10 ans issus de pays à revenu faible et intermédiaire sont incapables de lire et de comprendre un texte simple. Cette statistique, couramment appelée « pauvreté des apprentissages », suggère que les générations futures sont exposées au risque de ne jamais acquérir de connaissances par le biais de contenus écrits tout au long de leur éducation, et de ce fait, de ne pas être en mesure d’acquérir l’une des compétences de base nécessaires pour fonctionner au sein de leur communauté.

Les projections actuelles indiquent que la pauvreté des apprentissages devient un problème grandissant, surtout dans les zones de conflits, où souvent, les populations ne parlent pas la même langue.

Cet obstacle à l’alphabétisation s’accentue de manière exponentielle dans les contextes où les apprenants ne parlent pas ou ne comprennent pas la langue d’enseignement dans leur environnement d’apprentissage. Les apprenants vulnérables ou marginalisés, comme ceux qui sont issus de communautés minoritaires autochtones et ethnolinguistiques, sont encore plus susceptibles d'être affectés.

On estime que presque 37 % des enfants issus des pays à revenu faible ou intermédiaire parlent une langue différente de la langue d’enseignement utilisée dans leur classe.

L’école est le meilleur point de départ pour un apprentissage multilingue

Ainsi, le milieu éducatif offre un cadre essentiel où les élèves développent de manière systématique leurs compétences de base en lecture et en écriture en utilisant les langues qu’ils connaissent le mieux. Ce processus commence par la reconnaissance que l’alphabétisation repose sur la capacité des apprenants à concevoir que le langage oral peut être représenté dans des textes par des symboles écrits.

Les recherches montrent que les compétences en lecture peuvent être transférées de la première langue d’un enfant (L1) à sa seconde langue (L2).

Une étude menée en Afrique du Sud indique que non seulement les compétences en lecture d’un enfant se transfèrent mieux de sa langue maternelle (dans ce cas, le Tswana) à sa seconde langue (l’anglais), mais qu’elles favorisent aussi l’amélioration des compétences en lecture dans les deux langues.

Recruter et autonomiser des enseignants issus de communautés minoritaires autochtones et ethniques peut mettre sur un pied d’égalité les apprenants issus des mêmes communautés linguistiques.

Une évaluation menée en 2018 a montré qu’au Cambodge, certains enseignants de minorité indigène, ont commencé à expérimenter le « translanguaging », un concept pédagogique qui consiste à exploiter toutes les ressources linguistiques d’un apprenant pour enseigner et apprendre, et à appliquer la même stratégie pédagogique aux activités de lecture dans les langues L1 et L2.

Le .translanguaging. a permis d'optimiser le temps des leçons pour intégrer davantage de lecture et de pratiques d'apprentissage, et de renforcer la compréhension de nouveaux concepts dans la L2 grâce à l'utilisation de la L1. Par conséquent, le développement de l’alphabétisation dans la L1 avant d’introduire la L2 permet aux apprenants issus de communautés minoritaires autochtones et ethnolinguistiques de développer de solides bases d’alphabétisation dans la L2.

Du matériel d'apprentissage en khmer. Cambodge. Crédit : GPE/Roun Ry
Du matériel d'apprentissage en khmer pour une classe de première année disposé sur une table à l'école primaire de Chambak Haer, dans le district de Puok à Siem Reap au Cambodge.
Credit:
GPE/Roun Ry

Les langues d’enseignement pour favoriser l’inclusion et la compréhension

Les apprenants déplacés, tels que les enfants réfugiés, peuvent être confrontés à des barrières linguistiques similaires lorsqu’ils intègrent une nouvelle communauté d’accueil, ce qui peut ensuite avoir un impact sur leur cohésion sociale.

La relocalisation de personnes déplacées dans de nouvelles communautés au sein ou à l’extérieur de leur pays d’origine engendre de nouveaux enjeux et opportunités en matière de diversité linguistique et culturelle.

Les écoles et les enseignants des communautés d’accueil ont besoin d’approches efficaces et inclusives sur le plan linguistique, qui utilisent la langue maternelle et la culture d’origine des enfants comme tremplin pour soutenir le développement de leurs compétences de base en lecture et en écriture en même temps que leur intégration dans le système éducatif de leur communauté d’accueil.

Le programme d'éducation multilingue malais-thaïlandais de Patani en Thaïlande est un bon exemple de la manière dont la création d’un espace pour améliorer plusieurs formes d’alphabétisation favorise la cohésion sociale tout en permettant à plusieurs langues de trouver leur place dans la salle de classe.

Ce programme a été initialement lancé pour répondre au faible taux d’alphabétisation en thaï des apprenants malaisiens de Patani. Il a non seulement amélioré les résultats d’alphabétisation des apprenants en utilisant leur L1 (le yawi) avant d’introduire leur L2 (le thaï), mais a aussi permis de travailler étroitement avec les communautés pour promouvoir de meilleures perceptions de leurs propres identités en les impliquant dans les décisions concernant leur langue, leur écriture et leur éducation.

Promouvoir, par cette approche, l’alphabétisation de tous les enfants dans plusieurs langues peut favoriser l’émergence de sociétés inclusives sur le plan linguistique et donc pacifiques à long terme.

Mais pour que cela se produise durablement, il est primordial de mettre en œuvre une transformation systémique dans tous les domaines de l’éducation.

Bien qu’aucun pays n’ait encore atteint cet objectif, de nombreux projets pilotes concomitants en Asie et dans le Pacifique, axés sur différentes composantes de l’éducation, ont donné des résultats positifs et démontré le potentiel de ces initiatives.

Plusieurs d’entre elles seront partagées à l’occasion de la 7e Conférence internationale sur la langue et l’éducation, qui se tiendra à Bangkok, en Thaïlande, du 4 au 6 octobre, 2023.

La conférence rassemblera des décideurs politiques, des chercheurs, des praticiens et des acteurs du développement pour partager leurs points de vue, leurs bonnes pratiques et leurs expériences, et discuter de la manière dont les communautés et les pays peuvent collaborer pour promouvoir une éducation de qualité pour les apprenants les plus vulnérables et marginalisés sur le plan linguistique.

Elle proposera plus d’une centaine de présentations et de discussions de groupe sur divers thèmes, dont l’apprentissage des compétences de base et l’alphabétisation, le translanguaging et les pédagogies multilingues, les manuels pour les apprenants multilingues et l’éducation multilingue dans les situations de crise et d’urgence.

Ces discussions de groupes et présentations, en plus des exemples cités ci-dessus, illustrent des pratiques solides et prometteuses de développement de l’alphabétisation par l’utilisation de la langue maternelle pour lutter contre la pauvreté des apprentissages et des taux d’analphabétisme actuellement élevés et qui défavorisent de manière disproportionnée les apprenants marginalisés sur le plan linguistique.

Tandis que les adolescents et les adultes analphabètes nécessitent des interventions immédiates en matière d’alphabétisation pour leur permettre d'accéder et de participer pleinement à leurs communautés, une telle transformation visant à renforcer les compétences de base par l’éducation est également nécessaire si nous souhaitons favoriser l’émergence de sociétés durables et pacifiques, aujourd’hui et à l’avenir, en Asie-Pacifique comme ailleurs.

Lire aussi

Commentaires

J'ai parcouru le résumé.Je trouve bien intéressant .Je pense bien qu'il faut introduire la langue du milieu pour que les apprenants comprennent vite .Les élèves ne sont pas motivés dans leurs familles à parler la nouvelle langue . Depuis le Sénégal je suis vos programmes bonne continuation.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas divulguée. Tous les champs sont requis

Le contenu de ce champ sera maintenu privé et ne sera pas affiché publiquement.

Texte brut

  • Global and entity tokens are replaced with their values. Explorer les jetons disponibles.
  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.