D’une manière générale, les objectifs de l'Éducation pour tous adoptés en 2000 et arrivant à échéance cette année ont permis aux pays en développement de réaliser des progrès considérables. Grâce à l’orientation claire fournie par les objectifs, des millions d'enfants supplémentaires ont maintenant accès à l'éducation de base (Rapport mondial de suivi de l'EPT 2015).
Pourtant, l’accès est insuffisant et une crise de l’éducation est manifeste, particulièrement parmi les élèves les plus pauvres et les plus vulnérables. Dans le monde, 250 millions d’enfants ne sont pas capables de lire, d’écrire ni de calculer, dont 130 millions sont scolarisés . (Rapport mondial de suivi de l'EPT 2014).
Pourcentage d’enfants incapables de lire un seul mot (en 2ème année). USAID 2015
En réponse à cette situation alarmante, la communauté internationale, lors du Forum mondial sur l'éducation en Corée en mai dernier, a fixé un nouvel objectif pour l'éducation au cours des 15 prochaines années: « Assurer une éducation inclusive, équitable et de qualité et un apprentissage tout au long de la vie pour tous».
L'Objectif de développement durable pour l'éducation, qui doit être approuvé à la fin du mois par les Nations Unies, stipule clairement que l'enseignement préscolaire sera l'un des objectifs stratégiques pour résoudre la crise de l'éducation d'une manière équitable. Les pays devraient :
« D’ici 2030, veiller à ce que toutes les filles et tous les garçons aient accès au développement de la petite enfance de qualité, aux soins et à l'éducation préscolaire afin qu'ils soient prêts pour l'enseignement primaire. »
L’éducation de la petite enfance est la clé de l’apprentissage ultérieur
L'accent global explicite mis sur l'éducation préscolaire crée un élan pour cet apprentissage, étayé par de plus en plus de faits dans les pays à revenu faible et élevé.
Les preuves sont incontestables :
- Les élèves ayant une expérience préscolaire montrent dans la plupart des cas des résultats plus élevés en lecture, vocabulaire, mathématiques ou en raisonnement quantitatif par rapport à ceux qui n’ont pas eu d’enseignement préscolaire.
- Une éducation préscolaire de bonne qualité résulte en des économies de coûts et à une efficacité accrue dans l'enseignement primaire: une assiduité et des résultats plus élevés, des taux de redoublement et d’abandon plus faibles, moins de cours de rattrapage et d’éducation spécialisée.
- Les jeunes qui ont bénéficié d’une éducation de la petite enfance ont tendance à obtenir de meilleurs résultats à l'évaluation PISA qu'ils passent à l’âge de 15 ans, par comparaison aux jeunes qui n’en ont pas bénéficié, après contrôle des antécédents socio-économiques (OCDE 2010).
Le rôle crucial de l'éducation de la petite enfance est une incitation pour convaincre les partenaires de développement, notamment les ministères de l'éducation et des finances, à investir davantage dans l'enseignement préscolaire, en particulier en situation de crise économique (Shaeffer 2015).
Des tendances positives dans l’éducation préscolaire en Afrique sub-saharienne
En 2015, les données provenant des pays soutiennent l'argument selon lequel les services de développement du préscolaire et de la petite enfance sont prêts à décoller en Afrique sub-saharienne dans un contexte de progrès au niveau de l'accès, d’inégalités croissantes et de défis en matière de qualité.
En Afrique, la scolarisation préscolaire a augmenté de près de deux fois et demie entre 1999 et 2015, une hausse de 84%. Mais avec un niveau de départ très bas et une poussée démographique, la plupart des pays de la région ont encore des taux de scolarisation préscolaire très faibles: plus de 80% des jeunes enfants en Afrique sub-saharienne n'ont pas accès à ces programmes.
Des avancées prometteuses se dessinent: sept pays ont atteint un taux brut de scolarisation de 80% ou plus en ce qui concerne l'éducation préscolaire: la Guinée équatoriale, le Ghana, Maurice, l’Angola, le Cap-Vert, les Seychelles et l'Afrique du Sud.
Mais seulement 2 % des enfants sont scolarisés au Mali, Burkina Faso ou en Somalie.
Une demande croissante pour le préscolaire
Cependant, nous devrions rester optimistes car une demande croissante existe pour les services préscolaires en Afrique. .
Les parents et les communautés représentant l’ensemble de la situation socio-économique, vivant dans des bidonvilles, des villes ou des villages, sont demandeurs d’une éducation préscolaire pour leurs enfants.
La preuve flagrante de cette demande est la grande cohorte d’enfants n’ayant pas l’âge mais étant inscrits en 1ère année de primaire dans plusieurs pays africains. Un autre signe se décèle dans l'augmentation rapide des services d'éducation, notamment le préscolaire, fournis par le secteur privé et des organisations caritatives.
Scolarisation préscolaire publique par rapport au privé (source: ISU)
En moyenne en Afrique sub-saharienne, 60% des enfants scolarisés en préscolaire bénéficient de programmes gérés par des opérateurs privés (Rapport mondial de suivi de l'EPT 2015).
Trois pays ouvrent la voie au développement de l’éducation préscolaire
Au Ghana, la politique explicite du gouvernement est un bon exemple de la volonté d'élargir rapidement l'accès à l'éducation préscolaire: après la suppression des frais, le Ghana a connu une forte croissance de la participation à l’éducation préscolaire. L'offre et la demande pour les services préscolaires ont créé une plus grande capacité institutionnelle dans le pays, cependant la qualité n’est pas suffisante et l'accès universel n’est pas encore atteint.
Au Kenya et en Tanzanie, la politique a été d'inclure l'éducation préscolaire dans le cycle de l'éducation de base : les lois exigent maintenant que les sections préscolaires soient rattachées à toutes les écoles primaires, mais les frais de scolarité demeurent dans les deux pays.
Atteindre les objectifs d'éducation pour 2030 en Afrique en soutenant l’éducation préscolaire
Une stimulation dans l’éducation préscolaire en Afrique subsaharienne peut survenir par des progrès tangibles dans trois domaines: la politique / les connaissances, le financement et les réseaux.
- De bonnes politiques relatives aux services préscolaires équitables et abordables, fondées sur les connaissances et les faits actualisés de ce qui fonctionne dans le contexte africain, devraient être intégrées dans les plans d'action de l'éducation et être mises en œuvre correctement.
- Les initiatives de financement à la fois nationales et internationales devraient combler l'écart financier et promouvoir des modèles innovants de répartition équitable des ressources.
- La connaissance technique doit être renforcée et partagée. Des plateformes et des réseaux africains ont été créés pour stimuler l'éducation préscolaire. Un exemple est le Pôle de qualité inter-pays (PQIP) pour le développement de la petite enfance, lancé par l'Association pour le Développement de l'Education en Afrique (ADEA) et hébergé par Maurice. Un autre exemple est celui de l’Université virtuelle du développement de la petite enfance (ECDVU). Ces réseaux doivent renforcer les liens avec les décideurs politiques, et, par le biais d’ateliers techniques, devraient promouvoir la prestation de l'éducation préscolaire pour tous vers la réalisation des objectifs de l'éducation.
Le nouvel objectif de développement durable en faveur de l'éducation montrera de nets progrès en Afrique sub-saharienne si les pays et les partenaires de développement répondent d'urgence à la demande croissante pour l’éducation préscolaire.