Les origines des mouvements de la société civile pour l’éducation dans le monde

Retour sur l’histoire du Fonds de la société civile pour l’éducation, ce dispositif administré par la Campagne mondiale pour l’éducation et financé par le Partenariat mondial pour l’éducation qui a galvanisé l’action militante déployée à l’échelon mondial et national pour accorder une plus grande place à l’éducation dans l’agenda du développement.

28 avril 2020 par Wolfgang Leumer, Global Campaign for Education
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Lecture : 7 minutes
Des participants attentifs lors d'une session de la 6e assemblée mondiale du FSCE en 2018.
Des participants attentifs lors d'une session de la 6e assemblée mondiale du FSCE en 2018.
Credit: FSCE

Dans les années 2000, la Campagne mondiale pour l’éducation (CME) a décidé de reproduire le modèle qu’elle avait appliqué avec succès pour fédérer les organisations de la société civile (OSC). Mais cette fois, l’idée était de les rassembler aux niveaux national, régional et mondial, autour de ce qui est progressivement devenu le Fonds de la société civile pour l’éducation (FSCE), bénéficiant d’une dotation du Partenariat mondial pour l’éducation (PME) de 70,3 millions de dollars.

La création du FSCE est fondée sur la conviction que les alliances et les coalitions ont le pouvoir de susciter le changement. Pendant dix ans, le Fonds a été un programme mondial unique et ambitieux qui a soutenu la participation citoyenne à l’élaboration des politiques, à la planification, à la budgétisation et au suivi dans le secteur de l’éducation.

Il a également aidé les OSC à joindre leurs forces pour créer diverses coalitions nationales et demander à leurs gouvernements d’honorer leurs engagements envers l’éducation. Le nombre de coalitions soutenues par la CME est ainsi passé de 44 en 2009 à 63 dix ans plus tard.

Les premières années

La CME et l’édition 2000 du Forum mondial sur l’éducation

L’histoire du FSCE serait incomplète sans un hommage aux organisations militantes qui se sont réunies en 1999 pour mobiliser la société civile en faveur de l’éducation : ActionAid, Oxfam International, l’Internationale de l’éducation (IE) et la Marche mondiale contre le travail des enfants. Ensemble, ils ont formé la Campagne mondiale pour l’éducation (CME).

La CME s’est rapidement imposée comme le représentant légitime des 300 ONG rassemblées à Dakar pour préparer le Forum mondial sur l’éducation de 2000 et est devenue de facto la « voix des ONG » (en anglais) dans l’Initiative pour la mise en œuvre accélérée de l’éducation pour tous (FTI-EPT, qui deviendra plus tard le PME) et d’autres instances stratégiques.

L’action menée par la CME visait essentiellement à mettre en place des réseaux nationaux d’organisations de promotion de l’éducation, afin de mobiliser des financements internationaux en faveur de l’éducation, de réaffirmer le rôle important des enseignants dans la réalisation des objectifs de l’Initiative FTI-EPT et de protéger les droits des enfants.

2002 – 2010 : L’origine du FSCE s’inscrit dans la continuité du Fonds du Commonwealth pour l’éducation et du projet Real World Strategies.

2009 – 2012 : Phase I – Naissance du FSCE

En 2008, l’efficacité de l’aide au développement était au cœur des discussions. L’Initiative FTI-EPT promettait qu’« aucun pays sérieusement engagé en faveur de l’éducation pour tous ne [serait] empêché d’atteindre cet objectif par le manque de ressources ».

Afin de mobiliser les fonds nécessaires pour permettre aux sociétés civiles de participer au dialogue sur l’Éducation pour tous, la CME a soumis à l’Initiative FTI-EPT une proposition visant à soutenir des coalitions nationales pour l’éducation dans 45 pays partenaires en Asie et dans le Pacifique, en Afrique et en Amérique latine.

Ces larges alliances de la société civile réuniraient des ONG, des syndicats d’enseignants, des associations de parents d’élèves, des organisations communautaires, des groupes confessionnels et de nombreuses autres entités locales et nationales œuvrant dans le but commun de promouvoir l’éducation pour tous dans leur pays. Le FSCE a été approuvé pour une durée de deux ans en décembre 2008, la CME étant chargée de superviser les trois guichets régionaux du FSCE en Afrique, en Asie et en Amérique latine.

La phase I du FSCE a offert une expérience unique aux OSC militant en faveur de l’éducation à tous les niveaux. La portée des financements a permis à la CME et à ses partenaires de renforcer les capacités de 45 coalitions nationales.

Selon le Rapport d’évaluation indépendante du FSCE (en anglais), le Fonds « a permis de structurer divers réseaux de la société civile et de leur donner les ressources et les moyens d’action nécessaires pour promouvoir une éducation de qualité dans le monde entier… »

2013-2015 : Phase II – Un programme à part entière aux objectifs ambitieux

Les recommandations issues de la phase I ont guidé la conception de la phase II du FSCE qui a financé et soutenu 51 coalitions nationales de la société civile, afin qu’elles puissent mettre en œuvre, en toute liberté et selon leurs objectifs respectifs, des programmes visant à influencer les politiques éducatives.

Ses objectifs consistaient à « contribuer à la réalisation des objectifs nationaux en matière d’éducation et de l’Éducation pour tous en assurant la participation effective des organisations de la société civile et des citoyens aux débats sur l’éducation ainsi qu’à la planification et à l’examen du secteur ».

La phase II du FSCE a également reçu un appui de l’initiative allemande BACKUP – L’éducation en Afrique (en anglais) pour les activités menées en Afrique, et du gouvernement espagnol AECID - en anglais) pour les pays partenaires d’Amérique latine et des Caraïbes non membres du PME. Les financements de l’AECID étaient directement gérés par la Campagne latino-américaine pour le droit à l’éducation (CLADE - en anglais), dans le cadre d’un programme global du FSCE dans la région.

Selon une évaluation indépendante du FSCE (en anglais) réalisée en 2015 :

« Ce programme s’est avéré extrêmement efficace pour renforcer la participation de la société civile à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi des politiques éducatives, et les coalitions sont de plus en plus appréciées par leurs gouvernements respectifs pour leur crédibilité, leurs capacités avérées et leur contribution à des initiatives de plaidoyer fondées sur des données probantes. »

« Les données recueillies et analysées montrent que l’une des principales contributions du programme du FSCE est le renforcement des moyens et des ressources financières consacrées à la recherche. L’aide fournie aux coalitions pour mener ou soutenir des travaux de recherche a joué un rôle essentiel en leur permettant d’apporter des contributions substantielles dans le domaine de l’action publique. »

Des participants à la 6e assemblée mondiale du FSCE en 2018.
Des participants à la 6e assemblée mondiale du FSCE en 2018.

2015-2019 : Phase III – La dernière étape

La phase III du FSCE a été approuvée par le PME en octobre 2015. Contrairement aux phases précédentes, les travaux des bénéficiaires de cette phase étaient plus étroitement liés aux objectifs stratégiques du PME, eux-mêmes alignés sur l’Objectif de développement durable (ODD) 4.

Les coalitions ont reçu un appui pour mener des activités de recherche orientées sur le plaidoyer et des campagnes de sensibilisation du public, et pour partager leurs connaissances et leur expertise entre régions et au sein des régions, afin de coordonner leurs messages, d’échanger les pratiques exemplaires et d’améliorer leurs compétences politiques liées aux processus du PME et de l’ODD 4.

Cette phase a soutenu des coalitions dans 63 pays, pour leur permettre d’être mieux informées et de participer efficacement à la planification, à la budgétisation, au suivi et à l’examen des politiques éducatives. Il a également financé des débats de haut niveau à l’échelon communautaire, local et national.

Perspectives

Le programme du FSCE a introduit des changements durables dans les activités de plaidoyer en faveur de l’éducation aux niveaux national, régional et mondial.

Voici un aperçu des résultats de haut niveau obtenus grâce au FSCE (à confirmer dans l’évaluation finale) :

  • Les coalitions ont renforcé leurs capacités ainsi que leurs compétences et leurs moyens techniques pour les activités de plaidoyer.
  • Elles ont une meilleure compréhension de l’ODD 4 et ont développé leurs compétences en matière de contrôle et de suivi budgétaire.
  • Les coalitions et leurs membres sont mieux en mesure d’attirer des fonds, de diversifier leurs sources de financement et d’être financièrement viables en promouvant des fonds nationaux de soutien de la société civile.
  • Le FSCE a aidé les coalitions à améliorer et accroître les communications internes entre les membres et les régions, notamment grâce aux applications WhatsApp ou Telegram Messenger, pour diffuser l’information ou recueillir les vues des États/régions membres sur des plateformes d’échange entre groupes thématiques et régionaux.
  • La diversité et l’ouverture des coalitions ont été renforcées grâce à l’adhésion de nouveaux membres tels que les organisations de jeunes et de femmes, ainsi que les groupes représentant des régions ou des populations marginalisées et minoritaires.
  • Les coalitions sont mieux appréciées des autorités nationales et reconnues comme des acteurs de la société civile de premier plan dans les processus politiques et législatifs, à travers notamment des liens formels avec les parlements et les commissions parlementaires.
  • Près de 90 % des coalitions sont membres de groupes locaux des partenaires de l’éducation ou autres organes consultatifs nationaux qu’elles peuvent influencer.
  • Les activités de plaidoyer des coalitions poussent les responsables publics à accorder la priorité aux objectifs mondiaux et à inscrire des crédits supplémentaires au budget national en faveur de l’éducation. Voici quelques exemples d’évolutions stratégiques : programmes de développement de la petite enfance, dispositifs d’intégration des filles à l’école, gestion des contrats des enseignants, droit à une éducation de base gratuite, programmes scolaires intégrant la notion de genre, perfectionnement professionnel des enseignants, interdiction des châtiments corporels et reconnaissance des langues minoritaires.
  • Les coalitions participent aux initiatives en rapport avec l’éducation dans les situations d’urgence, ainsi qu’à la planification, à la coordination et au suivi des services éducatifs dans les situations d’urgence.
  • Les coalitions ont utilisé et diffusé des travaux de recherche qui mettent en évidence les études et analyses à effectuer dans le domaine de l’éducation pour sensibiliser l’opinion aux problèmes clés et éclairer la prise de décisions.
  • Les coalitions participent aux campagnes sur la sécurité des enfants et les châtiments corporels, le rôle des acteurs privés dans l’éducation et la langue d’enseignement.
  • Les coalitions attirent l’attention sur les questions d’équité et d’inclusion et favorisent l’autonomisation des groupes marginalisés (filles, enfants non scolarisés, enfants des communautés pastorales, personnes handicapées, adultes analphabètes).
  • Les coalitions ont renforcé leurs capacités de recherche et amélioré leur réputation ainsi que la qualité des études qu’elles réalisent. Elles ont également renforcé leur collaboration avec les milieux universitaires et leurs partenariats avec les universités.

L’Éducation à voix haute, le nouvel outil de plaidoyer du PME, a introduit une nouvelle approche originale pour promouvoir le financement des organisations de la société civile. Le nouveau dispositif permet à un plus grand nombre d’acteurs de former des alliances et de collaborer à tous les niveaux — un nouveau pas dans le bon sens pour dynamiser la société civile, et une initiative positive pour surmonter les nombreux obstacles sur la voie de la réalisation de l’ODD 4 d’ici à 2030.

Le programme du FSCE a pris fin, mais son legs est précieux.

Les dix années de soutien du PME et d’autres bailleurs de fonds au programme du FSCE ont permis de créer, unifier et consolider un mouvement en faveur de l’éducation qui n’a cessé de grandir et de rallier de nouveaux défenseurs du droit à l’éducation pour tous.

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