Népal : rendre l’éducation accessible aux enfants les plus défavorisés

Barsha Kumari Pashawal in her (class five) classroom at Shree Ram Narayan Ayodhaya School, Pipra rural municipality, Mahottari District, Ward 4, Nepal.
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Points clés

  • Le programme Girls' Access to School (GATE) propose 9 mois de cours aux filles vulnérables afin de les préparer à intégrer une école publique.
  • Barsha, 12 ans, qui n’est jamais allée à l'école, est l'une des bénéficiaires de ce programme. Elle a pu apprendre le népalais, l'anglais, les mathématiques, les sciences sociales et les sciences.
  • Le programme GATE s'appuie sur l'indice d'équité pour cibler son soutien. Cet indice, développé avec le soutien du GPE, permet de recueillir des données sur les inégalités en matière d'éducation. Depuis son lancement en 2016, le nombre d'enfants non scolarisés dans les districts ciblés a diminué de 60 %.
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Il y a deux ans, Barsha, jeune fille de 12 ans vivant dans la municipalité de Pipara dans le district de Mahottari au Népal, n’allait pas l’école.

Elle est issue d’une communauté historiquement classée parmi celles au bas du système de castes en vigueur au Népal, les Dalit. Bien que de nombreux enfants népalais aient eu accès à l'éducation ces dernières années grâce aux efforts du gouvernement et des partenaires de développement, dont le GPE, certains groupes, comme les Dalit, n’ont pas bénéficié de ces gains, creusant ainsi l'écart entre eux et le reste de la population du pays.

Dans la communauté dont est issue Barsha, il était courant que les filles ne soient pas scolarisées ou abandonnent leurs études après le primaire, très souvent en raison de mariages arrangés bien avant l'âge minimum légal actuel de 20 ans. La mère et la sœur aînée de Barsha ont été mariées et ont eu des enfants avant le milieu de leur adolescence.

Les parents de Barsha, qui n’ont pas été à l’école, estimaient qu’ils ne pouvaient pas se permettre de l’envoyer à l’école. Bien que l'éducation publique au Népal soit gratuite, les familles doivent couvrir certains frais, tels que le transport et d’autres coûts (par exemple les uniformes).

De plus, la scolarisation de Barsha signifiait qu’elle ne pourrait plus aider aux tâches ménagères.

Barsha's mother
« Nous nous demandions qui aurait pu s’occuper des autres enfants et des chèvres si ce n’était pas elle. Nous avions besoin de notre fille à la maison pour nous aider avec les travaux domestiques ».
Explique la maman de Barsha.

Convaincre les familles d'envoyer leurs filles suivre des cours de rattrapage

Les obstacles à la scolarité de Barsha ont commencé à disparaître lorsqu’un agent chargé de la sensibilisation, Chandra Devi Mahara, du programme GATE, s’est rendue au domicile familial et a convaincu ses parents de l’autoriser à rejoindre 24 autres filles, toutes âgées de 10 à 14 ans et non scolarisées, dans un cours de rattrapage non-formel qui se tenait deux heures par jour, six jours par semaine pendant neuf mois.

En utilisant des programmes et des méthodes d'enseignement adaptés, les filles qui fréquentent ces classes voient leurs compétences élevées à un niveau d’éducation adapté à leur âge avant de poursuivre leur apprentissage dans une école publique. Ces classes font partie du programme Girls' Access to School (GATE), financé conjointement par l'UNICEF et le gouvernement népalais.

  • Chandra Devi Mahara est facilitatrice pour le programme GATE. Elle est diplômée de 10e année et membre de la communauté dans laquelle elle gère une classe de 25 filles, âgées de 10 à 14 ans, qui n'ont jamais été à l'école. Le programme dure neuf mois et vise à les doter des connaissances et compétences nécessaires pour qu'elles puissent intégrer le cursus d’enseignement normal.
    Crédit : GPE/Kelley Lynch

Ces deux dernières années, le programme GATE a facilité la scolarisation ou la rescolarisation de plus de 10 000 filles dont le niveau d'éducation était sensiblement inférieur à celui de leurs semblables et qui, de ce fait, ne pouvaient pas intégrer le système scolaire de manière classique.

Le programme collabore avec les parents de ces filles et les écoles environnantes pour s’assurer que celles qui terminent le programme sont soutenues dans leur transition vers le système éducatif formel. Cela a permis à plus de 85 % des participantes de poursuivre et d’achever leur éducation de base, malgré les conditions difficiles auxquelles elles ont dû faire face.

À l’issue de plusieurs interactions avec les parents de Barsha, Mahara a pu les convaincre de la nécessité pour leur fille de rejoindre le programme. Barsha a été ravie d'apprendre la nouvelle, et particulièrement enthousiaste à l'idée d'avoir accès à des manuels scolaires.

Le Népal agit pour améliorer l'équité dans l'éducation

Le programme GATE est l’un des nombreux programmes émanant de la stratégie d’équité consolidée du Népal pour le secteur de l’éducation adoptée en 2014.

Cette stratégie a été lancée pour permettre l'évaluation et la comparaison des disparités des résultats d’apprentissage au Népal et, sur cette base, de développer des interventions ciblées qui répondent aux actions qui auront été identifiées comme nécessaires pour réduire ces disparités.

Par conséquent, « l'indice d'équité » a été adopté par le gouvernement pour permettre la comparaison des districts et des municipalités en fonction de leurs disparités en matière d'accès, de participation et d'apprentissage.

Les districts identifiés par le classement de l'indice d’équité comme ayant les disparités les plus importantes ont été dotés de ressources supplémentaires (dont un budget du gouvernement). Et de nouvelles interventions y sont menées.

La mise en œuvre de la stratégie d'équité, qui inclue l'identification des districts et la mise à disposition d'un budget supplémentaire et d'interventions ciblées, a été choisie par le gouvernement et les partenaires de développement comme un indicateur de la composante de financement basé sur les résultats du financement du GPE en faveur du Népal.

L'introduction récente d'une structure fédérale dans le pays, a entraîné le remplacement des 75 districts précédents par 753 municipalités.

Le gouvernement a depuis calculé l'indice d'équité pour toutes les municipalités, ce qui permet de cibler davantage les ressources. La municipalité de Pipara, dans laquelle réside Barsha, est l’une des municipalités des 15 districts les plus défavorisés du pays.

  • Barsha Kumari Pashawal dans sa classe (de CM 1) à l'école Shree Ram Narayan Ayodhaya, dans le quartier 4 du district de Mahottari dans la commune rurale de Pipra au Népal.
    Crédit : GPE/Kelley Lynch

Comment fonctionne l’indice d'équité ?

Le Népal ayant fait des progrès en matière de scolarisation ces dix dernières années, il est important de soutenir le gouvernement avec des stratégies basées sur des données probantes, pour qu'il alloue ses ressources limitées à ceux qui n'ont pas encore bénéficié de ces progrès.

L’indice d’équité s’appuie sur les données du système d’information pour la gestion de l’éducation au Népal ainsi que les données d’enquêtes auprès des ménages sur le sexe, le lieu de résidence, le statut socioéconomique, l’ethnicité, la caste et le handicap.

L'indice a été élaboré par le gouvernement avec le soutien de l’initiative Data Must Speak Initiative, qui vise à renforcer la qualité et l'utilisation des données pour la planification fondée sur les besoins, financée par le GPE et mis en œuvre par l'UNICEF au Népal, à Madagascar, aux Philippines, au Togo et en Zambie.

L'indice d'équité permet aux planificateurs de l'éducation de comprendre la nature des obstacles à l'accès, à la participation et l'apprentissage et de comparer leur gravité entre les communautés. Il est essentiel d'examiner les disparités plutôt que les moyennes dans le secteur de l'éducation au Népal pour garantir que les efforts sont ciblés sur ceux qui en ont le plus besoin.

Ainsi, au Népal, un enfant bénéficie en moyenne de 6,7 années de scolarisation sur les 10 années possibles, par exemple. Bien que ce ne soit pas optimal, cela place le Népal au-dessus de nombreux autres pays de la région, dont l'Inde et le Pakistan.

Cependant, en ventilant ce nombre par groupes d'enfants en fonction de leur sexe, lieu de résidence, statut socio-économique, caste et ethnie, les données révèlent un groupe de filles défavorisées ayant moins de deux ans de scolarité en moyenne.

Les planificateurs de l'éducation au sein des gouvernements locaux qui ont été sélectionnés pour des interventions ciblées reçoivent de l’aide afin de comprendre dans quels domaines les disparités sont les plus importantes (accès, participation ou résultats d'apprentissage) et quels facteurs liés aux différentes dimensions de l'indice sont les plus dominants.

Sur la base de cette analyse, les planificateurs élaborent ensuite des plans de mise en œuvre qui permettent d'utiliser le budget supplémentaire pour mener des actions ciblées afin de réduire ces disparités. Le choix de ces actions s'appuie sur des interventions s’étant avérées efficaces dans des contextes similaires, notamment :

  • l’existence de toilettes séparées et la disponibilité de serviettes hygiéniques pour les filles
  • la disponibilité d'enseignantes, qui donnent généralement aux filles la confiance nécessaire pour apprendre et rester à l'école
  • le soutien aux enseignants des madrasas (écoles islamiques) avec du matériel et une formation pouvant leur permettre d’enseigner également des disciplines non religieuses conformément au programme officiel
  • des programmes d'alimentation scolaire
  • des bourses scolaires pour réduire davantage les coûts de scolarisation des filles
  • des campagnes annuelles d'inscription et de bienvenue à l'école
  • la sensibilisation des parents sur l’importance de la scolarité
  • la distribution de vélos pour faciliter les trajets des filles vers et depuis l'école.

En quelques années à peine, l'indice d’équité a généré des progrès impressionnants. Plus de ressources ont été allouées aux municipalités des 15 districts identifiés pour les interventions ciblées.

Les interventions du GPE ont contribué à réduire le nombre d'enfants non scolarisés

Trouver les enfants les plus difficiles à atteindre

Fort de ce succès, le gouvernement et les partenaires de développement étudient la manière d’appliquer l’indice d’équité et les plans de mise en œuvre de la stratégie d’équité à l'échelle nationale.

Au Népal, environ 2,7 % des enfants - soit à peu près 900 000 au total - ne sont toujours pas scolarisés. Armé des informations générées par l'indice d'équité et grâce à l'analyse effectuée par les planificateurs, le gouvernement mène une grande campagne de sensibilisation pour scolariser ces enfants.

  • Barsha Kumari Pashawal, âgée de 12 ans, faisant ses devoirs accompagnée de son jeune frère Badal, âgé de 5 ans.
    Crédit : GPE/Kelley Lynch

Améliorer les opportunités des enfants défavorisés

Grâce au programme GATE, Barsha a eu l'occasion d'apprendre le népalais, l'anglais, les mathématiques, et les sciences. Elle assistait aux cours tous les jours et prenait ses études au sérieux.

Tandis que la plupart des filles qui terminent le programme entrent en 2e ou 3e année de primaire dans l'enseignement formel, Barsha a si bien réussi qu’elle a pu intégrer directement la 5e année.

Le programme l’a aidée à s’éloigner d'une vie qui lui offrait peu d'opportunités pour un futur où elle aura plus de moyens pour tracer sa propre voie. Son rêve est de devenir enseignante dans l’école où elle étudie aujourd’hui et elle est catégorique : elle ne se mariera pas avant l'âge de 20 ans.

Alors que le Népal continue de s'acquitter de son engagement d'assurer à tous les enfants un accès à une éducation de qualité dans un environnement d'apprentissage adapté et convivial, ceux d’entre eux qui ne peuvent pas aller à l'école sont confrontés aux obstacles les plus complexes.

Appliquer ces approches fondées sur des preuves et des besoins (c'est-à-dire comprendre qui sont ces enfants, où ils se trouvent, pourquoi ils ne vont pas l’école et ce qui est nécessaire pour changer cela), est crucial pour remplir cet engagement.

  • Les parents de Barsha, Ritiya Devi Pashawal et Binod Pashawal.
    Crédit : GPE/Kelley Lynch
« Les enfants sont et ont toujours été prêts à aller à l'école et à apprendre ; c'est le contexte dans lequel ils vivent qui crée des obstacles les empêchant de le faire. Notre devoir est de détecter et d'éliminer ces obstacles, même si cela devient de plus en plus compliqué alors que nous essayons de toucher ces enfants parmi les plus difficiles à atteindre ».
Kamal Pokhrel
Secrétaire adjoint au ministère de l'Éducation, des Sciences et de la Technologie

Octobre 2020