Philanthropie et éducation : réflexions en temps de pandémie

Un récent symposium organisé par l'International Education Funders Group a mis en évidence les efforts divers et dynamiques des philanthropes du secteur de l'éducation à relever certains des défis les plus urgents créés par la pandémie de Covid-19.

07 juillet 2021 par Jo Kelcey, International Education Funders Group
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Lecture : 4 minutes
Illustration de Julia Hayes
Illustration by Julia Hayes.
Credit: http://www.inclusioncreativa.com/graphics.htm

En mai dernier, l'International Education Funders Group (IEFG) a organisé un symposium virtuel sur la contribution de la philanthropie aux enjeux de transformation de l’éducation et d’atténuation de certains des problèmes les plus graves créés par la pandémie de COVID-19 dont ceux des enfants non-scolarisé.e.s et des pertes d’apprentissage.

Le Groupe est un réseau d’apprentissage et de collaboration piloté par ses membres et réunissant des fondations, des fonds de dotation établis par des bailleurs et d’autres entités de financement privées finançant les systèmes et des programmes éducatifs dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire.

Durant 3 jours, plus de 80 membres d’IEFG et 25 intervenant.e.s extérieur.e.s au Groupe, représentant des pays aussi divers que le Pérou ou le Pakistan, ont examiné les observations qui émergent concernant les enfants non scolarisés et les pertes d’apprentissage.

Ils se sont vus présenter des programmes mis en place pour remédier à ces défis et ont débattu de la manière dont la philanthropie pourrait promouvoir la résilience des systèmes éducatifs et des apprenant.e.s et ainsi permettre de contenir les répercussions néfastes que la pandémie continue d’engendrer.

Au nombre des questions annexes abordées durant le symposium figurent les raisons, la nature et les modalités de l’enseignement et l’apprentissage en distanciel, la nécessité de redoubler d’efforts pour lutter contre les inégalités qui existaient déjà avant la pandémie, et l’importance d’associer les parties prenantes à l’échelle de l’écosystème de l’éducation.

Un groupe de philanthropes aux horizons très différents

Les réunions ont fait ressortir l’éventail d’intérêts et d’expertises qui caractérisent la philanthropie axée sur l’éducation aujourd’hui.

Les membres d’IEFG ont abordé des sujets aussi divers que la nécessité de replacer les communautés au cœur de l’action de subventionnement de l’éducation, la nécessité à l’avenir de placer l’acquisition de compétences de base en lecture et en calcul au cœur des politiques éducatives à l’échelle mondiale, ou encore les moyens de mener une action efficace en faveur des communautés touchées par les conflits et les catastrophes dans le contexte d’une crise mondiale de l’éducation sans précédent.

Cinq leçons transversales

1. La force de la preuve compte, mais nous devons changer la façon dont nous collectons et partageons les données

  • Les fondations philanthropiques soutiennent activement la production de connaissances sur la politique et la pratique éducatives dans le monde. La pandémie a toutefois modifié la façon dont sont menées études et recherche.
  • Les ministères de l’Éducation ont besoin de données ventilées en temps réel pour prendre des décisions en toute connaissance de cause. Bien sûr il faudra pour cela investir fortement dans des systèmes d’information et de gestion de données éducatives suffisamment robustes, mais la pandémie a déjà donné lieu à l’adoption de nouvelles modalités de collecte et de partage des données.
  • Les participant.e.s ont appris par exemple comment des membres d’IEFG et les bénéficiaires de leurs financements ont mis au point un système de suivi en temps réel des fermetures d’écoles, ont adapté la technologie des SMS pour collecter des données sur l’impact de l’apprentissage en distanciel, et ont encouragé l’élargissement de l’accès aux informations sur les répercussions de la pandémie.

2. Le terme « innovation » a plusieurs significations

  • Les moyens technologiques permettent, depuis le début de la pandémie, de maintenir la continuité pédagogique dans un contexte caractérisé par des fermetures d’écoles prolongées. L’innovation en matière d’’éducation est devenue un des leitmotivs de la pandémie.
  • Mais l’innovation ne doit toutefois pas se limiter à la promotion de solutions complètement nouvelles. Elle doit aussi permettre d’écouter ceux qui n’ont généralement pas voix au chapitre, d’utiliser les ressources disponibles de manière créative, de tirer des enseignements d’autres contextes ou d’adapter les modalités de financement de manière à pouvoir répondre à des besoins nouveaux. Les solutions technologiques, aussi innovantes qu’elles soient, sont vouées à l’échec si elles ne sont pas adaptées au contexte.

3. Il est nécessaire de collaborer à tous les niveaux de l’écosystème éducatif

  • Les fermetures d’écoles dues à la pandémie ont changé la donne pour les décideurs, les enseignants, les parents et les élèves. Les évolutions nécessaires se produisent toutefois toutes dans le contexte plus général de l’écosystème éducatif dans lequel la réussite et le bien-être de chaque groupe d’acteur.rice.s dépendent de la réussite et du bien-être des autres parties prenantes.

Il est important par exemple que les enseignant.e.s soient soutenu.e.s, et non pas mis.e.s sur la touche, par les technologies de l’éducation. Les parents quant à eux ont pu contribuer de diverses manières, mais cela doit être reconnu.

  • Les participant.e.s et les intervenant.e.s du Symposium ont également débattu des tenants et aboutissants des collaborations avec les autorités publiques et les responsables éducatifs dans le but de faciliter des changements systémiques.
  • Les interlocuteur.rice.s ont noté l’interdépendance des composantes de l’écosystème éducatif et la nécessité notamment d’assurer la complémentarité entre les besoins des enfants, les interventions à l’échelon local et les actions menées par les autorités publiques.

4. Les efforts de collaboration ouvrent des perspectives immenses, mais doivent être bien pensés

  • Les bailleurs doivent impérativement collaborer face aux défis engendrés par la pandémie. Cette collaboration peut aller de la communication informelle d’informations à l’établissement de partenariats plus formels ou officiels.
  • Ces efforts requièrent du temps et des ressources, alors même qu’il est devenu plus difficile d’établir et de maintenir des liens en raison de la pandémie.
  • Par conséquent, même s’il est certain que les partenariats forgés par les bailleurs offrent des opportunités importantes de remédier aux problèmes posés par la non-scolarisation des enfants et les pertes d’apprentissage, ces partenariats doivent se construire avec le plus grand soin, dans le respect de valeurs communes et avec pour horizon une vision commune du changement.

5. Il est important d’appuyer directement les communautés et d’avoir conscience des rapports de force

  • La pandémie a révélé la fragilité d’un système de prise de décisions de financement très vertical, où tout vient du haut. Les connaissances et l’expérience des communautés locales ont pourtant été essentielles dans la riposte aux défis posés par les fermetures d’écoles en matière d’accès à l’éducation et de continuité dans les apprentissages.
  • Parallèlement, la montée du militantisme anti-racisme a obligé à remettre en cause la structure des rapports de force, notamment ceux qui définissent le secteur de la philanthropie.
  • Les participant.e.s au symposium ont débattu avec franchise et vigueur de ces questions difficiles. Les intervenant.e.s et leur auditoire ont, dans toutes les sessions, souligné l’importance d’une action philanthropique orientée vers les communautés elles-mêmes et définies par celles-ci, si le but ultime est celui d’une plus grande justice sociale et des transformations réellement durables.
  • À cela s’ajoute le constat qu’une transition vers des approches faisant une part plus importante aux communautés elles-mêmes va exiger de transformer les rapports de force dominants au sein du monde de la philanthropie. Ce sera sans doute un processus difficile et dérangeant.
  • Mais il faut aussi reconnaître que les perturbations provoquées par la pandémie offrent clairement une fenêtre d’opportunités pour enclencher ces transformations qui n’étaient jusqu’ici tout simplement pas envisageables.

Le symposium a apporté la démonstration de l’agilité et de l’engagement manifeste la philanthropie axée sur l’éducation à trouver des solutions aux problèmes de la non-scolarisation des enfants et des pertes d’apprentissage, en collaborant entre elles mais aussi avec la communauté éducative internationale dans son ensemble.

Il ne fait aucun doute que les fondations, la philanthropie, se tiennent prêtes et se mobilisent pour être une clef dans les solutions à trouver.

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